Le Canada de retour au sommet
Mondial Junior lundi, 5 janv. 2015. 19:33 mercredi, 11 déc. 2024. 18:27TORONTO – Qu’avez-vous fait au cours des cinq dernières années?
Pour Équipe Canada junior, cette période s’est résumée par une série de déceptions. Au cœur de la majorité d’entre elles, un pays, une bête noire : la Russie.
Il y a eu cet inoubliable effondrement en 2011, une avance de trois buts évaporée dans la dernière période du tournoi, alors que le Canada avait l’or au bout des doigts. Il y a eu cette amère médaille de bronze en 2012, prix de consolation résultant d’un autre échec contre l’ennemi de l’Est en demi-finale. La Russie a ensuite carrément écarté le Canada du podium pendant deux années consécutives, un affront que cette fière nation n’avait pas enduré en 33 ans.
Il y avait quatre ans que le Canada n’avait pas battu la Russie dans un match où la couleur d’une médaille était à l’enjeu quand les deux rivaux se sont retrouvés sur la glace du Centre Air Canada. L’édition 2015 de la sélection nationale junior a remédié à cette déveine en signant une spectaculaire victoire de 5-4, lundi soir
En complétant un parcours parfait au cours duquel elle n’a été menacée qu’à la toute fin, ÉCJ a repris possession des honneurs qui lui échappaient depuis son triomphe à Ottawa en 2009.
« Pour un entraîneur, c’était une équipe de rêve. Vous êtes très chanceux si vous avez la chance de diriger deux équipes comme celle-là dans votre vie », estimait l’entraîneur Benoît Groulx après les premières célébrations.
Mais quelle menace! Le Canada semblait en voie d’écraser sa proie de la même manière qu’il avait anéanti les autres prétendants précédemment rencontrés sur son chemin avant que le doute ne vienne s’installer dans l’esprit collectif en fin de deuxième période. En déroute complète face à un déficit de 5-1 au tableau indicateur, la Russie s’est déchaînée en marquant trois fois en l’espace de 3:16 avant le dernier entracte. Le Canada était indiscipliné, désemparé et semblait plus vulnérable que jamais.
Mais il a résisté. Sollicité comme jamais il ne l’avait été depuis le début du tournoi, Zachary Fucale a réalisé 11 de ses 26 arrêts en troisième période pour protéger le fort.
« Eh, simonak! », s’est exclamé Samuel Morin, en bon québécois, lorsque la remontée des russes lui a été remise sous le nez après la rencontre. « Quand on menait 5-1, je me disais qu’on allait l’avoir! Mais après ça, les Russes ont très bien joué. Zach nous a tenus dans le coup, on a gardé le fort et là, on est vraiment contents! »
« Je n’en reviens pas encore comment il a réagi en troisième alors que pratiquement toute la pression était sur ses épaules, a vanté le défenseur Josh Morrissey. Il était très calme, il nous parlait sans cesse sur la glace et il a réalisé quelques arrêts très importants. »
En signant son cinquième gain du tournoi, Fucale a rejoint Stéphane Fiset et Jimmy Waite parmi les gardiens les plus victorieux de l’histoire de la sélection canadienne avec huit victoires en carrière chez les moins de 20 ans.
« On s’était dit au début du tournoi qu’on allait rester ensemble si des choses comme ça arrivaient. C’est incroyable. Tout un match, tout un tournoi, toute une expérience », exprimait Fucale, incapable de réprimer son sourire, après la rencontre.
Aucun désir de partager
Ça aurait aussi bien pu être l’Allemagne ou le Danemark. Quand la rondelle a été déposée au centre de la glace lundi soir, celle-ci n’appartenait qu’à une seule équipe. Le Canada a sauté sur sa proie comme un fauve affamé et n’a eu besoin que de 23 secondes pour mettre le feu à la place quand Anthony Duclair a ouvert la marque avec son quatrième filet du tournoi.
« C’est un des top, c’est certain », a répondu Duclair quand on lui a demandé où se classait son but dans la liste de ses accomplissements depuis le début de sa carrière. « On voulait avoir un bon départ, on s’en était parlé avant le match. »
On s’entendait à peine penser quand Nick Paul a doublé cette avance deux minutes plus tard. Le gros attaquant convergeait à toute allure vers le filet russe lorsqu’il a reçu une passe juste à point de Brayden Point. La déviation fut parfaite et déjà, Valeri Bragin a senti le besoin d’agir. L’entraîneur russe a ramené le gardien Igor Shestyorkin au banc et l’a remplacé par Ilya Sorokin, qui avait arrêté 53 tirs en match préparatoire contre le Canada.
« On ne s’entendait même pas sur le banc, s’émerveillait encore Morin après la partie. Je me disais ‘Voyons, j’ai mal à la tête! Est-ce qu’ils vont arrêter de crier!’ L’atmosphère était incroyable, je n’avais jamais vécu ça! Des fois, le coach me demandait d’embarquer sur la glace et je n’étais même pas sûr si c’était bien à moi qu’il parlait. »
Les Russes ont allumé leur partie du tableau indicateur à mi-chemin en première. Dmitri Yudin regardait à peine vers sa cible lorsqu’il a décoché un tir d’un angle restreint qui a déjoué Fucale du côté de la mitaine.
Fucale a dû se signaler afin d’empêcher la parité avant la fin de la période. Ivan Barbashev a goûté à sa mitaine. Une tentative de Pavel Buchnevich a flirté avec la ligne rouge, mais n’est jamais entrée.
Les douze premières minutes de la deuxième période ont appartenu au Canada. Connor McDavid s’est échappé devant Sorokin et a trouvé la faille entre ses jambières pour redonner à l’Unifolié une priorité de deux buts. Max Domi en a remis deux minutes plus tard, forçant Bragin à demander son temps d’arrêt, mais son discours n’a rien changé. Sorokin a eu un rare moment de faiblesse quand un tir de Domi dévié par Sam Reinhart a lentement glissé entre ses grosses jambières.
Des odeurs de cauchemar
Le party a commencé à tourner au vinaigre après le but chanceux de Reinhart. Presque parfaite depuis le début de tournoi, l’unité de désavantage numérique canadienne a failli deux fois à la tâche, emportée par un tsunami russe qui produit trois buts en un peu plus de trois minutes.
Jake Virtanen était au cachot quand Barbashev a poussé une rondelle sous Fucale à 14:21 de l’engagement médian. Trente-deux secondes plus tard, Rinat Valiev décochait un lancer sur réception qui battait Fucale de justesse lors d’une descente à 2-contre-1. Ça commençait à sentir le chauffé…
La pression s’est accentuée quand Morin a été puni après avoir été battu de vitesse par un rival à l’entrée du territoire canadien. Les Russes en ont profité pour montrer qu’ils ne blaguaient pas : Nikolai Goldobin a réduit l’écart à un but avec son deuxième du tournoi.
« Je ne vous mentirai pas, l’atmosphère était plutôt tendue sur le banc à ce moment, a avoué Morrissey. C’était l’un des matchs les plus fous que j’ai joués. Mais heureusement, on a été capables de se calmer et de compléter le travail par la suite. »
« Les gars étaient un peu découragés, mais je savais qu’il nous restait amplement de temps pour redresser la barque. On a su reprendre nos esprits, on s’est concentré à jouer notre style de jeu et en troisième période, tout était revenu à la normale », a ajouté le capitaine Curtis Lazar, qui n’aura perdu que la voix durant ce tournoi.
« Il y avait beaucoup de choses qui se passaient en même temps, de dire Fucale. C’est allé très, très vite. C’est sûr qu’on s’attendait à ce que les Russes travaillent jusqu’au bout et c’est ce qu’ils ont fait. »
Reinhart a écopé à son tour d’une pénalité en toute fin de période, assurant les Russes d’amorcer la troisième avec le momentum. Ils n’allaient finalement jamais réussir à compléter leur remontée.
« On voyait ça comme si c’était un match de 1-0, a raconté Fucale pour expliquer l’état d’esprit qui régnait dans le vestiaire canadien après 40 minutes de jeu. Si on nous avait dit qu’on allait avoir une avance d’un but après une période, c’est exactement où on voulait être. On avait très hâte de commencer la troisième et de jouer ce dernier vingt-là. »
« On a su garder notre sang-froid. Il ne fallait pas s’en faire avec ce qui venait d’arriver et se mettre à réfléchir. Dans un match comme ça, il ne faut pas réfléchir, il faut jouer, laisser l’instinct prendre le dessus sur le thinking. Je crois que c’est ce qu’on a fait en troisième période », a conclu Groulx.