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RÉSULTATS

La « f*** you attitude » des Lettons : l'héritage de Bob Hartley

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EDMONTON – Depuis son entrée en scène au Mondial junior, la Lettonie joue comme une équipe déterminée à jouer les trouble-fêtes. Avant sa victoire historique contre la Tchéquie qui lui a valu une qualification pour les quarts-de-finale, elle avait fait la vie dure à la Finlande, au Canada et à la Slovaquie.

Mais le secret de l'équipe Cendrillon du tournoi, il est justement là. Ces défaites, elles n'ont pas été l'occasion de s'auto-congratuler pour un effort noble qui aura permis de sauver la face. Elles ont été considérées comme ce qu'elles étaient, un échec, et ont accentué l'urgence d'obtenir des résultats tangibles.

Cette perspective qui n'a pas toujours été propre aux Lettons, l'entraîneur-chef Artis Arbol l'attribue à nul autre que Bob Hartley.

« Ça a toujours été un problème pour la petite nation que nous sommes, explique le pilote de 49 ans. On a tendance à se voir petit et à prendre pour acquis qu'on ne peut pas accomplir grand-chose. C'est Bob qui nous a aidés à changer cette vieille mentalité. »

Hartley a été l'entraîneur de la sélection senior de la Lettonie pendant les cinq années qui ont suivi son départ des Flames de Calgary en 2016. Arbol a été son adjoint pendant quatre ans. Dès son embauche, le complexe d'infériorité qui ralentissait le programme lui a sauté aux yeux.  

« C'était l'année du Mondial junior à Toronto, raconte-t-il à l'autre bout du fil. C'est là que j'étais allé rencontrer les dirigeants de la fédération, on m'avait fait une place dans l'entourage de l'équipe. J'avais remarqué que les cérémonies d'avant-match n'étaient même pas finies que le match était déjà plié pour les Lettons. C'était une question de limiter les dégâts. Si on en donnait moins que dix, on était un peu contents. Je leur ai vendu l'idée que peu importe la grosseur de l'adversaire, il fallait rentrer là en croyant qu'on avait une chance. Je leur ai parlé du nombre de joueurs au Canada, aux États-Unis, en Russie et j'ai dit que si on commençait à regarder ces chiffres-là, on était aussi bien de jouer au ping-pong ou au bowling. »

« Il nous a dit qu'on manquait de "f*** you attitude", se souvient Arbol. Quand la rondelle est dans le coin, c'est un homme contre un autre. Quand un match commence, c'est 0-0 et il y a cinq joueurs de chaque côté. Sur un match, tout est possible. Il a changé notre façon de voir les choses. Il a changé la mienne en tout cas. »

Le discours de Hartley a très vite trouvé des oreilles réceptives. À sa première participation au Championnat du monde, son équipe avait battu le Danemark et la Slovaquie en plus de donner du fil à retordre à la Suède et aux États-Unis. Seule une défaite en fusillade contre l'Allemagne l'avait empêchée de prendre part aux quarts-de-finale. La Lettonie allait finalement briser ce plafond de verre l'année suivante.

Le gagnant de la coupe Stanley ne s'est pas contenté de prêcher sa philosophie entre les quatre murs de son vestiaire. Il a fait le tour du pays pour rencontrer des jeunes joueurs et leurs parents. Il a donné des séminaires à d'autres entraîneurs. Une conversation à la fois, il a contribué à opérer un changement de culture.

« Partout où on allait, je disais aux joueurs qu'on était comme les derniers invités au party. On arrive au souper et il ne reste même plus un sandwich pour nous autres. C'était comme ça qu'on était perçus! Mais je leur avais dit : "c'est pas grave, on n'est pas obligés de s'essuyer les pieds sur le tapis avant de rentrer". Il allait falloir établir notre propre respect parce que personne n'allait nous le donner. »

C'est clairement avec ce sage commandement en tête que les Lettons sont arrivés en Alberta.

En fait, ce joli groupe de négligés ne devait même pas participer au Championnat du monde junior cet été. Ils avaient remporté l'argent au tournoi de qualification de la Division 1A en décembre dernier, échappant l'occasion d'être promus dans le groupe mondial en 2023. Mais l'exclusion de la Russie et de la Biélorussie des activités de l'IIHF ainsi que le report du tournoi qui devait avoir lieu en décembre leur a ouvert une porte qu'ils ont finalement décidé de défoncer à grands coups de pieds.

« Depuis le début, on entend des blagues à notre sujet. Les gens disent qu'on devrait se considérer chanceux juste d'être ici. Mais on sent que notre travail n'est pas fini. On est ici pour gagner », proclame le gardien Bruno Bruveris, qui a réalisé 105 arrêts en trois matchs lors de la ronde préliminaire.

Quand Arbol a réuni ses joueurs sur la surface secondaire du Rogers Place mardi matin, au lendemain d'une journée de congé bien méritée, la première chose qu'il a faite a été de s'assurer qu'ils soient bien descendus de leur nuage. Les Lettons ont reçu des messages de félicitations par centaines depuis deux jours. Il est maintenant important qu'ils posent de nouveau leur regard vers l'avant. Un match éliminatoire contre la Suède les attend dans le détour.    

« Je leur ai dit qu'ils ne pouvaient pas être satisfaits, dit Arbol. C'est vrai pour moi autant que pour eux : il faut retrouver notre calme et redevenir affamés si on veut battre la Suède. »

« On a vécu de grandes émotions contre les Tchèques, mais c'est dans le passé, insiste le capitaine Ralfs Bergmanis, auteur d'un tour du chapeau dans cette soirée de rêve. Maintenant, on veut recommencer. »

Hartley a des liens avec à peu près tous les membres du personnel d'entraîneurs letton qui se trouve à Edmonton. Certains ont même travaillé avec lui avec l'Avangard d'Omsk lors de son passage de quatre saisons en KHL. Pas peu fier, le mentor s'assure de maintenir un contact constant avec eux depuis une semaine. Il les a appelés après leur défaite contre le Canada et après leur victoire contre les Tchèques. Il lui arrive même d'envoyer une observation par message texte pendant un entracte.

« Ce sont mes chums. Je suis tellement content de les avoir vus écrire une page d'histoire dans le hockey letton », se réjouit-il.