MONTRÉAL – Devon Levi ne saura jamais comment aurait évolué sa carrière s’il avait dit oui à Joël Bouchard.

Le jeune gardien de but a été repêché en cinquième ronde par l’Armada de Blainville-Boisbriand en 2017. Il avait déjà un plan clair à l’époque : étirer son séjour dans le Midget AAA, attiser l’intérêt des universités américaines et trouver un programme Junior A qui voudrait l’héberger en attendant d’être mûr pour la NCAA.      

Le plus difficile a été de l’annoncer à Bouchard, qui dirigeait alors l’Armada avec la même passion qui allait le suivre chez le Rocket de Laval.

« Laisse-moi te dire que ça a été très difficile [de lui dire non], il a été très convaincant, relate Levi en entrevue à RDS. Je suis passé très près d’embarquer dans son projet. C’est un bon coach et je ne doute pas que j’aurais aimé jouer pour lui. Mais au final, j’ai décidé de rester avec ma première idée. »

Son instinct l’a bien servi. Jeudi, son nom est apparu sur la liste des joueurs invités par Hockey Canada pour le camp de sélection de l’équipe des moins de 20 ans qui défendra son titre au Championnat mondial junior. Cinq gardiens batailleront pour les trois postes qui seront ouverts à la compétition et aucun favori ne semble se profiler au sein du groupe. Levi, un choix de septième ronde des Panthers de la Floride il y a quelques semaines, est l'un des deux qui appartiennent déjà à une équipe de la LNH.  

Si tout va pour le mieux, il fêtera son 19e anniversaire de naissance en affrontant la Slovaquie le soir du 27 décembre.

« Je ne voudrais être nulle part ailleurs », anticipe-t-il avec fébrilité.

Peu de gens au Québec avaient entendu parler de Devon Levi avant de le savoir dans les cartes de Hockey Canada. Natif de Dollard-des-Ormeaux, il a grandi dans le système des Lions du Lac St-Louis et a pris la décision atypique de jouer trois saisons au niveau Midget plutôt que de faire le saut logique vers la LHJMQ.

Il a d’abord été séduit par une offre de l’Université du Vermont, mais a changé d’idée six mois plus tard lorsque courtisé par les Huskies de Northeastern. L’idée de jouer pour un programme au passé si glorieux, dit-il, combiné à l’opportunité de suivre directement les traces de Cayden Primeau, l’ont convaincu de briser son engagement initial et de préparer son déménagement à Boston.

Pour faire le pont entre les deux, il a porté l’hiver dernier les couleurs des Canadians de Carleton Place dans un circuit junior transitoire en Ontario.

« C’était assurément un parcours qui a été critiqué, dans le sens qu'il est peu commun. C'est un parcours que peu de joueurs québécois choisissent. Jouer trois années Midget, c’est assez rare, surtout pour un gardien. C’est peut-être pour ça que mon nom est un peu tombé dans l’oubli. Mais je ne jouais pas pour impressionner qui que ce soit. Je jouais pour moi et pour mon développement. »

Un tournoi déterminant

Il y a quand même quelque chose d’impressionnant dans les statistiques que Levi a affichées durant son année dans la région d’Ottawa. Trente-quatre victoires, deux défaites, huit blanchissages, un taux d’efficacité de ,941. Certains oseraient dire qu’il était trop fort pour la ligue.

Ces chiffres ne lui ont pas nui, disons-le ainsi, quand Hockey Canada s’est affairé à la construction des équipes qui le représenteraient au Défi mondial Junior A à l’hiver 2019. Levi a décroché le premier rôle au sein de l’équipe Canada Est.

C’est là, selon lui, qu’il est tombé dans l’œil des dirigeants d’Équipe Canada junior.

Levi a commencé son tournoi avec 30 arrêts dans une défaite en prolongation contre la Russie, puis a remis une copie presque parfaite dans une victoire facile de 5-1 contre Canada Ouest. Mais ça s’est gâché par la suite. Il a été remplacé après deux périodes dans une défaite de 7-3 contre les États-Unis et a donné cinq buts sur 38 tirs deux jours plus tard contre les Tchèques.

« On a commencé le tournoi plutôt lentement, mais on savait que les plus gros matchs seraient à la fin, raconte-t-il. Avant la ronde des médailles, tout le monde nous regardait un peu de haut en pensant qu’on serait la première équipe éliminée. On adorait ça, on aimait être les négligés. On s’est approprié cette étiquette et on est allé confondre les sceptiques. »

Levi a joué son meilleur match en demi-finale, repoussant 41 lancers en plus d’être parfait en tirs de barrage dans un match revanche contre les Américains. Il a ensuite réalisé 36 arrêts dans une autre défaite en prolongation aux mains des Russes en finale.

« J’ai été pas mal occupé, mais ça fait partie du métier. J’ai adoré ça », garde-t-il comme souvenir.

Levi devrait aussi en avoir plein les bras au cours des prochaines semaines. À Red Deer, où sera établie la bulle canadienne, il prendra les tirs d’athlètes plus doués que ceux qu’il a affrontés jusqu’à maintenant. Son manque d’expérience à un haut niveau pourrait s’avérer être son talon d’Achille dans cette courte compétition contre ses semblables de la Ligue canadienne.

Mais gardez en tête que Devon Levi ne déteste pas du tout le rôle du négligé.

« Il y aura de bons gardiens là-bas. Ça sera assurément toute une bataille », se contente-t-il de prédire.