NCAA : le bilan aigre-doux de William Lemay
BURLINGTON, Vermont – Le sourire de William Lemay valait tous les buts du monde.
C'était une soirée qu'il ne voulait pas rater, celle du tout dernier match à la maison. Celle où on allait rendre hommage aux joueurs de dernière année, comme lui, où on les remercierait pour les services rendus et leur souhaiterait bonne chance pour la prochaine étape de leur vie. Il y aurait une petite cérémonie avant la première moitié d'un programme double contre Boston University. Ses parents, Caroline et Clément, allaient être sur place.
« Ça serait plate de juste le faire en habit », avait-il lancé, comme une petite prière dans l'univers, lors de notre passage à l'Université du Vermont une semaine plus tôt.
Pendant les semaines qui ont précédé la soirée des « seniors » au Gutterson Fieldhouse, Lemay a vécu avec les contrecoups d'une commotion cérébrale. La possibilité qu'elle l'empêche de finir sa carrière universitaire selon ses propres conditions le préoccupait. Mais la vérité, c'est qu'elle avait déjà eu l'effet d'un dernier coup de marteau sur un clou qui avait été bien enfoncé.
Pour dire les choses plus clairement, ses frustrations avec le déroulement de sa carrière universitaire précédaient l'avènement de cette blessure indésirable.
Comme l'avait raconté le collègue Mikaël Filion à l'époque, Lemay avait passé une année dans la ouate avant de joindre les Catamounts. Avec les Bandits de Brooks, dans la Ligue junior de l'Alberta, il avait remporté le championnat des marqueurs du circuit avec une récolte de 90 points en 58 matchs. Son équipe avait remporté 57 de ses 60 matchs en saison régulière et avait rencontré à peine plus d'opposition en séries éliminatoires. Il était arrivé à Burlington gonflé à bloc.
« Je ne connaissais pas grand-chose de la NCAA, raconte-t-il quatre ans plus tard. Je connaissais Harvard, parce que c'est Harvard. Je connaissais le Vermont parce que mon père m'en parlait un peu. J'étais allé visiter Clarkson une fois et c'est à peu près tout. Je savais aussi que je voulais jouer dans [la conférence] Hockey East parce que je connaissais des équipes comme Boston College, Boston University et je voulais jouer contre elles. »
« Je n'avais pas vraiment d'attente, je pensais qu'on allait être milieu de peloton. On a droppé direct au début. »
Pendant cette première saison aux États-Unis, son équipe a gagné cinq de ses 34 matchs. « C'était un choc. J'ai compris que les victoires ne se ramasseront pas comme ça comme dans le junior. C'est pas pareil. »
Au terme de cette saison, Kevin Sneddon, l'entraîneur qui l'avait recruté, a pris sa retraite après 17 saisons à la barre de l'équipe. Il a été remplacé par Todd Woodcroft, avec qui Lemay insiste avoir « une super relation ». « Mais quand tu t'engages avec une université, admet-il, tu espères garder les entraîneurs qui t'ont amené là. »
Dans des conditions difficiles – la COVID-19 a amputé la saison 2020-2021 –Woodcroft a entamé une reconstruction du programme. Sous ses ordres, Lemay ne s'est jamais développé comme le joueur offensif qu'il était jadis. Il n'a marqué aucun but à sa deuxième année et en a réussi cinq à sa troisième saison.
Le soir de son retour au jeu, vendredi dernier, il a marqué dans une défaite de 5-3 contre BU. Il s'agissait de son premier but de la saison à son 25e match.
« Honnêtement, je me suis beaucoup posé la question, répond-il avec une belle humilité lorsqu'on lui demande comment il explique un tel trou noir. Parce que j'essaie de trouver c'est quoi le problème. C'est dur à trouver, honnêtement. J'ai essayé, mais ça ne débloquait pas. »
« Ça n'a pas été facile, je ne te mentirai pas, poursuit-il. Mais j'ai développé d'autres côtés de mon jeu que je n'avais vraiment pas utilisé dans le junior. Ça fait que j'essaie de voir ça positivement. D'un côté ça n'a pas marché offensivement, mais de l'autre j'ai développé d'autres facettes que jamais j'aurais pensé que j'avais en moi. »
Il fait ici référence aux instincts qu'il a développés en désavantage numérique et à la robustesse qui fait maintenant partie de son identité.
« Dans le junior, c'était zéro pis une barre. Je ne touchais à personne et j'espérais que personne ne me touche! Maintenant, l'aspect physique est rendu un avantage. C'est comme ça que j'essaie de faire mon bilan. »
« Je ne voudrais pas devoir aller à la guerre sans lui et encore moins contre lui. Les chiffres ne disent pas toute l'histoire avec Will », assure Woodcroft, dont le travail consistera maintenant à aider son protégé à se placer dans une équipe professionnelle, quelque part aux États-Unis ou en Europe.
Lemay est réaliste : ses statistiques limiteront ses options et il devra sans doute commencer au bas de l'échelle. Avec ses études en statistiques, en mathématiques et en informatique, le jeune homme de 24 ans se voit aussi rester connecté au monde du hockey après sa carrière.
« J'aime trop ça pour me voir faire autre chose. »