En France, le hockey sur glace ne date pas d’hier. L’équipe de France a disputé son premier match à Bruxelles, en mars 1905, contre la Belgique. Malgré ses 111 ans d’histoire, elle se classe au douzième rang de l’IIHF. Le président de la Fédération française de hockey sur glace, Luc Tardif, demeure fier de cet exploit, car le hockey français revient de très loin.

« Ça va faire dix ans, l’an prochain, que l’équipe de France est revenue dans le groupe A des Championnats mondiaux. C’est parce que nos joueurs viennent aux tournois tatoués bleus. Ça nous a permis d’avoir quelques succès, mais il faut toutefois rester modestes. »

Les Français ont été relégués à St-Pétersbourg en mai 2000. Les Bleus devront attendre les Championnats mondiaux de Québec, en 2008, avant de rejouer dans l’élite. Les représentants de l’Hexagone ont depuis évité de retourner à la case départ. Au passage, l’équipe nationale a réussi à se tailler une place lors des rondes éliminatoires aux Mondiaux de Minsk en 2014. Luc Tardif aimerait bien répéter cet exploit en Russie cette année.

« On se donne comme objectif de participer aux quarts de finale. Grâce à la tenue des Mondiaux à Paris, l’an prochain, on est qualifié d’office. J’espère qu’on ne prendra pas le tournoi à la légère à cause de cela. On ne sait pas quelle équipe nous allons avoir. Nous ne sommes pas les seuls à avoir ce problème, mais c’est des choses qu’on ne connaissait pas avant. Ça demeure, toutefois, un beau problème. »

Nicolas ArrossamenaLuc Tardif fait référence à la présence d’Antoine Roussel, des Stars de Dallas, et de Pierre-Édouard Bellemare, des Flyers de Philadelphie, en séries éliminatoires de la Coupe Stanley. Le reste de l’équipe de France ne chôme toutefois pas. Les Bleus ont affronté le Bélarus et le Danemark durant la dernière quinzaine. Nicolas Arrossamena, de St-Pierre-et-Miquelon, y a joué. Il fait partie des prétendants à un poste pour St-Pétersbourg 2016.

« Ça fait cinq ans que je n’ai pas participé aux Championnats mondiaux. J’ai subi quelques blessures qui m’ont exclu des matchs préparatoires. Cette année, je peux me battre pour gagner une place dès le début du camp. On est nombreux à y participer, mais c’est bien comme ça. Ça nous pousse à nous surpasser. Si je ne suis pas sélectionné, j’aurai participé à rendre les autres meilleurs. J’aurai fait ma part. »

Nicolas a quitté la petite île de St-Pierre à l’âge de 15 ans pour jouer à Grenoble. Il évolue maintenant à Rouen dans la Ligue Magnus, le Championnat français de hockey sur glace. Ce dernier est un des plus vieux d’Europe. Il a été fondé en 1907. La ligue a connu un long chemin de croix après la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd’hui, Luc Tardif et son équipe travaillent fort pour en faire une ligue professionnelle.

« Nous avons condensé le championnat. Nous sommes passés de quatorze à douze clubs dans la Ligue Magnus. Nous avons aussi donné un cahier des charges aux clubs pour qu’ils se dotent d’une structure fonctionnelle. Nous leur avons donné quatre ans pour se mettre au niveau. Nous sommes passés de 26 à 44 matchs par saison. Cela nous rapproche des standards européens actuels. »

La professionnalisation de la Ligue Magnus est un enjeu central pour renforcer l’Équipe nationale. L’an dernier, neuf joueurs de ce circuit ont été sélectionnés dans l’équipe de France. Elle a aussi un impact direct sur le développement des joueurs juniors. Les écoles des clubs de la Ligue Magnus profitent de sa restructuration. Christine Duchamp, directrice générale de l’équipe des moins de 18 ans, explique que l’élite du junior français n’est enfin plus condamnée à l’exil.

« Depuis quelques années, nous avons travaillé très fort dans le cadre du ''Parcours d’excellence sportive chez les jeunes''. C’est un système du ministère des Sports français que chaque discipline adapte à ses besoins. Grâce à ce programme, nous avons développé d’excellentes conditions d’entrainement pour les jeunes au sein des clubs. Certains donnent même la chance aux juniors d’intégrer progressivement la ligue professionnelle et d’être en contact avec des membres établis de notre équipe nationale senior. »

Enzo GuebeyOù vont les Bleuets?

La France n’est pas à l’abri de l’exode des jeunes. Beaucoup de juniors français sont tentés d’aller jouer à l’étranger. Christine Duchamp explique que la Fédération française a pour politique de faciliter le transfert des surdoués. Enzo Guebey est l’un d’entre eux. À 16 ans, le défenseur mesure déjà 6 pieds et il défend les couleurs de Genève-Servette chez les moins de 20 ans.

« À l’âge de 10 ans, j’ai participé à un tournoi en Suisse. Les dirigeants de Genève-Servette m’ont proposé de rejoindre le club. Ils m’ont expliqué que je vivrais avec une famille d’accueil et que j’irais à une école adaptée à mon programme d’entraînement. »

Le transfert d’Enzo en Suisse s’est bien déroulé. Le colosse en est déjà à son deuxième Championnat mondial des moins de 18 ans et il sera à nouveau éligible pour une troisième sélection. La formule n’est toutefois pas universelle. Luc Tardif explique qu’il y a un fort taux d’échecs.

« Avant, on laissait partir nos joueurs sans broncher, car on estimait notre championnat comme pas assez compétitif. La Suisse, c’est proche de Chamonix et de St-Gervais. Nous avions là un véritable exode. Lorsqu’on regarde les statistiques, on voit rapidement qu’on y perd beaucoup. Durant les huit dernières années, une quarantaine de juniors se sont expatriés en Suisse. Aucun d’eux n’est de l’équipe de France. »

Comme pour la Ligue Magnus, l’équipe de Luc Tardif s’est attaquée à la réforme du championnat junior français.

« Nous avons densifié le championnat. La ligue est donc plus compétitive. Nous avons aussi changé les groupes d’âge. Avant, nous avions des U18 et des U22. L’an prochain, nous allons appliquer le standard européen avec des U17 et des U20. On ne jouera toutefois, encore, pas assez de matchs. Nous devons aussi régler ce problème. »

Aux Championnats mondiaux junior, l’équipe de France se débrouille tout de même bien. Les Bleuets se maintiennent dans le groupe A de la division 1. Cette année, à Minsk, ils ont terminé quatrièmes chez les moins de 18 ans. Christine Duchamp est satisfaite de ce classement.

« Nous sommes dans ce groupe depuis trois ans. De s’y maintenir, c’est quelque chose de positif. L’an dernier, nous avons décroché une médaille de bronze. Cela prouve que l’on continue de progresser et que nous sommes aptes à battre n’importe laquelle des équipes de ce groupe. »

Le mystère parisien

Le hockey français est né dans la Ville lumière. Le Hockey Club de Paris y est fondé en 1894. Il cessera ses activités en 1937. Les Français volants, fondés en 1934, prendront le relais à titre de premier club de la capitale. Aujourd’hui, l’équipe joue au troisième échelon. Luc Tardif avoue que Paris a besoin de hockey professionnel de haut niveau.Astérix et Obélix

« Ce serait un plus, mais il faut progresser en tenant compte de nos capacités. Nous surveillons ce qui se passe en Europe. On ne détesterait pas jouer dans une ligue européenne telle l’EBEL, comme le font les Hongrois, les Italiens et les Slovènes. Ça demeure tout de même loin géographiquement. La KHL, ce n’est pas de la science-fiction, mais ça demeure un peu prématuré pour nous. Nous ne sommes toutefois pas fermés à l’idée. »

D’ici la renaissance du hockey professionnel dans la capitale, la Fédération ne perd pas de temps. Elle prépare la tenue des Championnats mondiaux de 2017 à Paris. Luc Tardif fonde beaucoup d’espoir dans cet événement.

« C’est notre chance de passer une autre étape. Il y aura quatorze jours de hockey sur glace à Paris, ce n’est pas rien. Ce sera aussi la dernière grande compétition avant la sélection pour les Jeux olympiques de 2024 où Paris sera candidate. Notre objectif, à la fin du mois de mai 2017, c’est de ne plus être les mêmes. »