Dans toute équipe de hockey, il y a des Scott Gomez et il y a des Mathieu Darche. Il y a de très hauts salariés et il y a ceux qui encaissent les plus petits chèques. Il y a ceux qui ne vont jamais dans la circulation dense et ceux qui souffrent dans les coins de patinoire. Il y a ceux qui ne s'inquiètent jamais de leur avenir et ceux qui disputent chaque match comme si leur vie en dépendait.

Bref, à Montréal, pendant que Gomez ne ressemble en rien à l'athlète qu'il devrait être, Darche, qui jouit du premier contrat à sens unique de sa carrière à l'âge respectable de 33 ans, s'impose comme un joueur marginal très utile du Canadien.

Dans la spectaculaire victoire aux dépens des Canucks de Vancouver, pendant que Darche frappait ceux qui se dressaient sur son chemin et pendant qu'il se faisait lui-même rudoyer tout en trouvant le moyen de tirer trois fois en direction de Roberto Luongo, son coéquipier, qui gagne huit millions à la loto tous les ans, jouait encore fort bien son rôle de figurant.

Dans le hockey professionnel d'aujourd'hui, le système veut que les athlètes les plus talentueux fassent facilement sauter la banque pendant que les joueurs d'utilité récoltent les miettes. Toutefois, c'est rarement des plombiers dont on s'inquiète, comme on le note dans le cas des Darche et des Halpern de ce monde. Comme c'était aussi le cas l'an dernier avec Marc-André Bergeron et Glen Metropolit.

Un autre élément fort plaide en faveur d'un gars comme Darche. Depuis quelques saisons, le Canadien ne voit pas la nécessité d'embaucher des joueurs québécois. On ne semble pas voir ce qu'ils apportent de plus à l'équipe. Pourtant, c'est assez visible que Darche, pour un, carbure à l'émotion, à son profond attachement pour ce chandail, à l'obligation qu'il ressent d'être à la hauteur devant parents et amis et à sa fierté de jouer chez lui.

L'été dernier, on lui a offert une légère diminution de salaire. Je dis légère parce qu'on ne pouvait pas tellement lui en consentir moins que la saison précédente. On a probablement joué sur le fait qu'il était Québécois et amoureux de son équipe. On s'est dit qu'en lui proposant une entente à un volet, il accepterait sans broncher les 500 000 $ proposés, le plus bas salaire de l'équipe. On a vu juste.

Darche a une femme qui a toujours accepté de le suivre, que ce soit dans les villes secondaires de l'Amérique du Nord, dans les cinq villes de la Ligue nationale et même en Allemagne. Il a deux enfants qu'il était impatient de ramener dans les racines familiales. Cette offre, même à la baisse, était donc l'occasion rêvée de s'établir enfin à la maison après toutes ces années d'incertitude et tous ces déménagements.

Cependant, ce col bleu du hockey a accepté cette proposition pour une raison plus fondamentale encore. Tout en jouant à McGill durant quatre ans, il était resté collé quotidiennement sur l'équipe qu'il a admirée durant son enfance et qu'il n'a jamais cessé d'aimer. Il avait toujours rêvé d'y appartenir sans vraiment croire en ses chances d'y arriver.

Il m'a déjà raconté que pour la majorité des joueurs, le Canadien représente avant tout une équipe. Pour lui, c'est davantage un honneur d'en faire partie. À l'époque des quatre coupes Stanley consécutives des Oilers d'Edmonton, il précise qu'il ne les pas pas observés pour la peine. Il n'a jamais ressenti de l'attachement pour les Nordiques. Le Canadien, c'était autre chose. D'ailleurs, depuis qu'il a accédé aux rangs professionnels, il avoue avoir toujours gardé un oeil sur le Canadien.

Aujourd'hui dans la peau d'un membre de l'organisation à temps plein, il admet être encore émerveillé par tout ce qui touche l'équipe. À ses yeux, chaque partie de la saison régulière prend l'allure d'un match des séries de la coupe Stanley. Des frissons parcourent son corps quand il marche d'un pas déterminé dans le couloir qui mène à la patinoire, sous les cris délirants d'une foule qui investit déjà toute son énergie dans le spectacle qui l'attend.

Voilà en bonne partie pourquoi Jacques Martin considère Darche et les membres de son trio comme les joueurs les plus fiables de son équipe durant cette période cahoteuse de la saison. Quand le hockey est joué avec autant de coeur au sein d'une équipe longtemps admirée, il est facile pour Darche de chausser chaque jour ses patins comme s'il s'agissait d'un plaisir sans lendemain.

Chapeau Marc

Marc DeFoy vient de recevoir l'hommage ultime de sa carrière journalistique, une entrée au Panthéon du hockey par le biais du trophée Elmer Ferguson.

Passer près de 30 ans à la couverture du Canadien, avec tout ce que cela comporte de travail, de stress, d'horaires irréguliers et de sacrifices personnels, est un exploit en soi. Marc se distingue encore aujourd'hui par un travail toujours appliqué et une intégrité qui honore sa profession.

Il a malheureusement reçu cet honneur dans la peau d'un journaliste sans adresse fixe. Néanmoins, si on peut parler d'un retour d'ascenseur dans son cas, il aura fait la preuve, en 22 mois de lock-out, que la compétence qui existait à l'intérieur du journal pour lequel il a donné quelques-unes des 27 plus belles années de sa vie, c'est sur le trottoir qu'on la trouve aujourd'hui.