N'allez surtout pas parler aux joueurs du Canadien de l'avantage de jouer à la maison par les temps qui courent. À Montréal, c'est une notion qui a pris le bord il y a quelques semaines.

En effet, le Tricolore a perdu ses cinq derniers matchs au Centre Bell. Sa dernière victoire devant ses partisans remonte au 17 novembre contre les Bruins de Boston.

On dit souvent des amateurs de hockey du Québec qu'ils sont les meilleurs au monde, qu'il n'y a pas meilleur endroit pour jouer au hockey. Mais il y en a certains qui sont en train de s'apercevoir que ça peut être un couteau à deux tranchants. Les partisans qui paient le gros prix pour aller assister à un spectacle plutôt ordinaire commencent, avec raison, à en avoir leur casque et ils le font savoir à leurs favoris.

L'impatience des gens est facile à comprendre. Leur équipe ne démontre aucune combativité, aucune agressivité et aucune intensité. Les huées n'aidant pas, l'équipe joue nerveusement et continue de s'embourber. Les patinoires adverses semblent présentement un havre de paix pour le Canadien, qui montre une fiche de 9-5-1 à l'étranger.

C'est toujours plus facile pour une équipe de se regrouper lorsqu'elle est sur la route, loin des critiques. Un souper, une petite sortie de groupe et les problèmes semblent réglés. À la maison, c'est moins évident. Il y a 20 ou 25 ans, les joueurs pouvaient se réunir sans problème, mais les temps ont changé. Tout le monde s'en va de son côté et on se revoit le lendemain à l'entraînement.

Quand tout était rose, au début de la saison, les joueurs du Canadien vantaient la chimie à toute épreuve qui soudait cette équipe. Ceux qui avaient déjà vu neiger prévenaient toutefois les plus naïfs : c'est dans les moments difficiles qu'on voit le réel caractère d'une équipe et, surtout, de ses leaders. La séquence que vit actuellement le Canadien prouve à ceux qui ne le savaient pas déjà qu'il s'agit d'une formation fragile.

On répète souvent les mêmes choses quand vient le temps d'énumérer les faiblesses du Canadien : le premier trio, avec Michael Ryder en tête, est incapable de produire et l'équipe en général ne marque pas à cinq contre cinq. De plus, la blessure subie par Cristobal Huet nous démontre que Carey Price, même s'il a un avenir fort prometteur, n'est pas prêt à en prendre trop sur ses épaules et à gagner des matchs à lui seul.

Par contre, au-delà de tout ça, je crois qu'il est temps de pointer du doigt les supposés leaders de cette équipe. Je me plais à répéter que c'est dans l'adversité qu'on reconnaît les grands. Quand l'équipe gagne, c'est plus facile pour les leaders de s'assumer. Dans les moments difficiles, ça prend quelqu'un pour tirer l'équipe, amener émotion et intensité. Il faut se rendre à l'évidence que Saku Koivu n'est pas ce genre de joueur.

Carbo ne peut pas faire de miracle

Je l'ai dit sur cette même tribune la semaine dernière : si Bob Gainey ne s'en mêle pas, le Canadien aura de la difficulté à se qualifier pour les séries. Il faut secouer le vestiaire, y faire entrer des joueurs qui font le travail qu'on leur demande. Je n'ai rien contre Maxim Lapierre et Ryan O'Byrne, mais la relance du Canadien ne passe pas par Hamilton.

Je ne dis pas qu'il n'essaie pas, mais Gainey doit faire quelque chose rapidement. Aujourd'hui, c'est déjà trop tard.

Il y a des limites à ce que Guy Carbonneau peut faire avec ce qu'il a sous la main. Présentement, on le voit réagir comme quand il était joueur. C'est un homme émotif qui aimerait pouvoir en faire plus, mais il ne peut pas. S'il portait encore le chandail bleu-blanc-rouge avec le C de brodé sur le cœur, il pourrait toujours aller brasser ses troupes avec un but ou une mise en échec, mais il est derrière le banc.

S'il y a une chose que je peux reprocher à Carbo, ce sont ses constants remaniements de trios. Peu de joueurs lui donnent raison de leur faire confiance, mais quand rien ne fonctionne, la solution se trouve peut-être dans la stabilité.

Je persiste à dire que Michael Ryder n'a qu'une place au sein de l'alignement du Canadien et c'est sur le premier trio. C'est plus facile à dire qu'à faire, mais il faut le faire évoluer avec des joueurs à caractère offensif qui peuvent l'aider à produire.

Ceci étant dit, Ryder doit faire sa part. On l'envoie réfléchir sur la galerie de presse pour un match et tout ce qu'il trouve à dire sur son expérience, c'est qu'il y faisait froid. Est-ce vraiment l'attitude à avoir quand tu ne joues pas, quand tu es dans une léthargie, que l'équipe ne va pas bien et que les critiques fusent de toutes parts? Ce n'est pas de l'indifférence que ça prend, c'est de l'émotion. Ryder en a peut-être, mais il ne le démontre pas.

Au moins, en le ramenant dans sa formation samedi, Carbonneau lui a peut-être évité d'attraper la grippe…

O'Byrne et Lapierre

Ce ne sont que deux matchs, mais j'ai bien aimé ce que j'ai vu de Ryan O'Byrne depuis son rappel de Hamilton. Pour ce qui est de Maxim Lapierre, on repassera.

À 6 pieds 5 pouces, O'Byrne ne passe pas inaperçu. Je ne crois pas qu'il faut s'attendre à ce qu'il s'impose par sa robustesse et son agressivité, mais sa seule présence rend le Canadien un brin plus intimidant. En plus, il est mobile et a une bonne vision du jeu. Ne reste plus qu'à peaufiner son jeu à un contre un. Il me fait quelque peu penser à Mike Komisarek à son arrivée à Montréal. Il fait des erreurs, mais il donne l'impression de jouer avec son cœur.

À Lapierre, j'ai un petit message à livrer. Quand tu allumes un feu, ne demande pas à quelqu'un d'autre de l'éteindre. Je pense évidemment à ses agissements dans le match de jeudi dernier à Boston, alors qu'il avait attisé Jeremy Reich avant de laisser Francis Bouillon terminer le travail. Quand tu joues le rôle d'agitateur, de semeur de trouble, tu dois être prêt à accepter quelques taloches.

Lapierre a dit que ce n'était pas le bon temps pour jeter les gants. Je ne suis peut-être pas un entraîneur de carrière dans la LNH, mais j'ai marché pendant 20 ans derrière un banc et je peux vous dire que si ce n'était pas le temps, ça ne le sera jamais! C'est drôle, mais Bouillon n'a pas demandé la permission à personne avant de défier Reich et je ne me rappelle pas avoir entendu Carbonneau critiquer son geste.

Je ne veux pas être méchant envers Lapierre, mais un jour ou l'autre, il devra faire face à la musique.

De la place pour Esposito?

Sur les 37 joueurs invités au camp de sélection d'Équipe Canada junior, sept seulement proviennent de la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Je ne peux pas dire que je suis surpris, puisque c'est sensiblement le même scénario qui se répète chaque année.

À la défense des dirigeants de la formation canadienne, ce sera difficile de remplacer les joueurs qui ont complètement dominé les Russes lors de la Super Série qui s'est déroulée il y a quelques mois. Pour ceux qui ont été invités à Calgary pour mériter une place sur l'équipe, la tâche ne sera pas facile.

Jonathan Bernier a connu tout un automne, mais c'est plus difficile pour lui depuis que les Kings l'ont renvoyé à Lewiston. Chez les attaquants, Brad Marchand est une valeur sûre et Claude Giroux devrait être capable de percer l'alignement. Angelo Esposito? Honnêtement, je doute qu'il soit en mesure de faire sa place. Même chose pour Andrew Bodnarchuk et Mathieu Perreault. Ce dernier est un joueur très intelligent, mais il pourrait être trahi par son petit gabarit.

On sait déjà que les Oilers d'Edmonton ne permettront pas à Sam Gagner d'aller en République tchèque. Même chose pour David Perron, que les Blues de St. Louis garderont dans le giron de l'équipe. C'est dommage pour ÉCJ, mais peut-on vraiment blâmer ces organisations? Je crois qu'une recrue à qui on donne entre dix et quinze minutes de temps de glace progressera davantage que si elle va rejoindre les meilleurs joueurs juniors du pays pour quelques semaines. Il y a aussi le risque de blessure qui n'est pas à négliger.

Et puis, je suis convaincu que si on donnait le choix à Gagner et Perron, ils opteraient pour la LNH. Le salaire qu'ils gagnent est beaucoup plus attrayant qu'un voyage toutes dépenses payées en Europe.

L'exception qui confirme la règle

J'ai été choqué d'entendre certaines réactions au sujet des supposés ordres qu'auraient donnés Marc Crawford avant l'incident qui a envoyé Steve Moore à l'hôpital en 2004. Quelques collègues ont laissé entendre que tous les entraîneurs, sans exception, avaient déjà ordonné à un joueur d'aller s'en prendre précisément à un adversaire.

J'ai été choqué parce que je fais partie de ceux qui n'ont jamais mis la tête d'un joueur à prix. J'avais trop de respect pour mes joueurs. Étant moi-même un ancien joueur, je sais que c'est le genre de chose que je n'aurais pas aimé qu'on me dise. Par contre, j'ai toujours été capable de faire comprendre à mes joueurs le rôle qu'ils avaient à remplir. Si tu es là pour ton patin, patine. Si on se fie sur ton lancer, utilise-le. Si on compte sur tes gros bras, sache quand t'en servir.

J'ai discuté de la question avec Jacques Demers. Quand les meilleurs joueurs du Canadien se faisaient brasser et que Chris Nilan était envoyé sur la glace, avait-on besoin de lui faire un dessin? Si Sidney Crosby reçoit deux coups de bâton sur la même présence et que Michel Therrien réplique en envoyant Georges Laraque, ses intentions sont claires. Et elles sont normales!

Je connais des entraîneurs qui demandent à leurs joueurs d'aller se "pogner" avec un adversaire en particulier, mais ça me met en furie d'entendre des commentateurs mettre tout le monde dans le même panier.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.