LAVAL – Karl Alzner a choisi de traverser cette épreuve professionnelle avec classe. Au lieu de se morfondre et d’exprimer sa frustration, le vétéran de 30 ans s’est rapporté au Rocket de Laval avec le sourire et l’intention de corriger certaines lacunes dans son jeu.
 
Certes, il a été ébranlé par le choc du ballottage et du renvoi dans la Ligue américaine, mais il n’est pas tombé dans le négativisme.
 
Mercredi matin, à la Place Bell de Laval, Alzner s’est même présenté devant les journalistes en étant capable d’afficher un sourire au visage. Disons qu’il faut le faire et c’est à tout son mérite.
 
« Honnêtement, je me préparais à cette réalité depuis un petit moment. Je n’étais pas certain à 100%, mais je m’en doutais depuis plus d’un mois. Je ne jouais pas beaucoup à Montréal, je participais à deux rencontres et je retournais dans les gradins. C’était écrit dans le ciel. Surtout avec la quantité de défenseurs avec le Canadien et la situation contractuelle des autres gars. Je m’en doutais. Deux plus deux, ça donne quatre. Si cette décision venait du champ gauche, j’imagine que le choc aurait été plus grand », a admis Alzner avec franchise.
 
Il n’en demeure pas moins que la fierté d’un athlète professionnel encaisse tout un coup quand ça se produit. On présume que ça doit être pénible pour l’ego ?
 
« Vous savez quoi, je pourrais regarder ça et dire que oui. Mes amis m’ont posé la question, mais je ne suis pas ce type de personne. On veut tous vivre le rêve et jouer toute notre carrière dans la LNH. Je veux surtout jouer au hockey, c’est ce qui me rend heureux. Que je sois à Laval ou à Montréal, je veux jouer. Mon but est d’atteindre le plateau des 1000 matchs dans la LNH. Disons que c’est un obstacle de plus dans mon chemin », a répondu Alzner qui prétend ne jamais avoir songé à ne pas se rapporter au Rocket.
 

Alzner accepte la décision du CH

On aurait pu croire qu’Alzner avait eu – et allait avoir – besoin de bien du temps pour digérer le tout, mais il affirme le contraire.
 
« Je n’avais pas vraiment besoin de temps pour digérer la nouvelle. J’ai vu ça à plusieurs reprises au cours des années et pour des amis proches. Je ne connaissais toutefois pas toutes les détails d’un tel processus. J’étais à 99% certain de ne pas être réclamé. Ce n’est pas comme si j’attendais que mon téléphone sonne, je comprenais ma situation »,  a-t-il indiqué.
 
Réaliste, le défenseur gaucher – qui disputera son premier match avec le Rocket mercredi soir – voit bien qu’une suite dans la LNH semble peu probable à Montréal.
 
« Pour être honnête, je ne le sais pas. Il y a tellement de défenseurs. J’aimerais ça, mais je ne le sais pas. En ce moment, à voir la hiérarchie, ça prendrait de gros changements pour que ça arrive », a reconnu celui portera le numéro 16 à Laval.
 
La balle se retrouve maintenant entre les mains de son agent J.P. Barry et du directeur général Marc Bergevin. Il sera bien difficile d’échanger Alzner avec un tel contrat (5 ans pour 23 millions à l’origine) et la possibilité de racheter son entente (à partir du mois de juin) semble plus probable. Cela dit, peut-être que le Canadien pourrait convaincre une autre formation en retenant une partie considérable de son salaire qui a une empreinte de 4,625 millions sur la masse salariale.
 
« Si c’est une option, j’aimerais ça. Je souhaite jouer dans la LNH sauf que je ne retiendrai pas mon souffle. Je sais que ça pourrait se dérouler rapidement, comme ça pourrait prendre du temps. Nous sommes encore tôt dans la saison. Les équipes ne sont pas encore pressées pour ajouter des morceaux à leur formation », a-t-il dit.
 
Au moment de signer son contrat avec le Canadien, Alzner ne pensait jamais vivre une telle situation. Bien sûr, il est heureux d’avoir obtenu cette importante somme, mais son entente est devenue un boulet. Le gardien Roberto Luongo avait été le premier à l’admettre quand il avait été coincé dans une situation encore plus complexe.
 
« Oui, je me suis posé cette question. Est-ce que ce serait une histoire différente si j’avais la moitié du contrat ou de la durée ? Mais ce sont des si, je ne peux pas revenir en arrière. On va voir comment le reste de la saison va aller. »
 
Un peu plongé dans l’inconnu, Alzner n’a pas été gêné de sonder quelques hockeyeurs qui ont traversé des épreuves similaires à certains égards.
 
« J’ai parlé notamment à (Paul) Byron et D-Lo (Nicolas Deslauriers). Des tonnes de gens ont vécu ce type de situation. C’est juste intéressant que ça m’arrive. J’étais ce joueur qui envoyait des messages aux autres pour leur dire de garder le moral », a confié Alzner.
 
Une mission intéressante pour Bouchard
 
Alzner aboutit donc dans l’environnement de Joël Bouchard. Par un bel hasard, le dynamique entraîneur du Rocket a pu emmagasiner des informations intéressantes pour composer avec le renvoi d’Alzner.  
 
« La vie est drôlement faite parfois. Denis Gauthier était ici mardi pour un tournage télévisuel. J’ai eu la chance de m’asseoir avec lui, c’est un ami de longue date. Il a vécu la même situation avec les Flyers, il m’a parlé de ce qu’il avait trouvé difficile et ce qu’il a aimé.
 
Évidemment, Bouchard a pris le temps de converser avec Alzner lors de son arrivée à Laval.

« Alzner a hâte de jouer »

« On comprend la situation et c’est un professionnel. Je lui ai parlé du style de notre équipe et je l’ai écouté pour savoir comment il vivait la situation. Une chose qu’il me disait, c’est qu’il a hâte de jouer. Il avait eu une séquence impressionnante de matchs dans la LNH et il se retrouvait à l’écart de la formation tandis qu’il est habitué de toujours jouer, ce n’est pas évident. On a eu une bonne conversation, c’est une bonne personne. Il n’y a aucun doute là-dessus. Il réalise ce qu’est le hockey professionnel en 2018 », a raconté Bouchard.
 
« Quand j’ai accepté le poste ici, je savais que c’était une situation qui pouvait arriver. Je savais que des jeunes arriveraient de l’Europe sans avoir joué en Amérique du Nord, des jeunes qui arrivent des universités ou du junior, des vétérans qui veulent monter sans être rappelés. Si j’avais voulu rester avec mon équipe junior et gérer ça facile, je serais resté là-bas. Je savais que ça venait avec des défis et des réalités ; en voilà une. La bonne nouvelle, c’est une bonne personne qui aime jouer au hockey. Il est respectueux du processus entraîneur et joueurs. Il comprend la réalité de vouloir gagner des matchs », a poursuivi Bouchard.
 
Quant aux soucis par rapport à son imposant contrat et l’attitude qui pourrait en découler, l’entraîneur du Rocket n’est pas inquiet.
 
« Je ne pense pas qu’il soit comme ça, il a de bonnes valeurs et il est arrivé avec le sourire. C’est un gars intelligent, il réalise qu’il a des choses qui sont pires que ça dans la vie. Je vais le pousser pour continuer de progresser. On ne l’amène pas ici juste pour lui donner un chandail, on a un travail à faire avec lui et il est prêt pour ça, il a une ouverture d’esprit », a noté Bouchard qui croit qu’Alzner grandira à travers de ce défi.
 
S’il y a une bonne nouvelle par rapport à ce contrat, c’est qu’Alzner pourrait payer un – ou plusieurs – bon souper à ses coéquipiers.
 
« On verra, je ne veux pas placer la barre trop haut », a-t-il conclu en souriant.