LAVAL – Pour son premier match en trois semaines, Simon Bourque aurait difficilement pu compter sur un partenaire plus compréhensif qu’Éric Gélinas.

 

Le parcours professionnel de Gélinas n’a rien de linéaire. « Il y a eu des séquences où je trouvais le temps long. Des semaines, des mois », disait-il dans ses propres mots, jeudi, en repensant aux nombreux matchs qu’il a passés dans les gradins lors de ses passages au New Jersey et au Colorado.

 

Le vétéran de 26 ans s’est en quelque sorte revu dans son jeune coéquipier au cours des dernières semaines. Entre le 3 et le 19 novembre, Bourque a été laissé de côté pendant sept matchs consécutifs par son entraîneur Sylvain Lefebvre. Il aura fallu le rappel imminent de Jakub Jerabek par le Canadien pour qu’il réintègre la formation mardi dernier contre le Moose du Manitoba.

 

« Ce que je veux voir, c’est de la constance, expliquait Lefebvre jeudi pour justifier l’utilisation parcimonieuse de sa recrue. C’est certain que ce n’est pas évident pour un jeune quand il joue, il ne joue pas ou qu’il est un bout de temps sans jouer, mais la clé, c’est vraiment d’être prêt pour chaque match, d’être prêt pour chaque présence. Ensuite, il doit compétitionner. Parce que peu importe le talent que tu possèdes, compétitionner, il faut vraiment que tu aies ça en toi dans cette ligue-là. Je ne dis pas qu’il ne l’a pas, mais c’est juste d’être plus constant, de bien bouger sa rondelle. L’hésitation, des fois, fait en sorte que tu te retrouves à jouer dans ta zone un peu plus longtemps que tu le veux. »

 

Aux yeux de son coach, Bourque a su maximiser son temps durant son purgatoire. Il a travaillé sur ses points faibles dans les entraînements et a étudié les bandes vidéo avec l’entraîneur adjoint Donald Dufresne. « Il a fait ce qu’il avait à faire », résume Lefebvre, qui s’est du même souffle dit satisfait des résultats générés par ces efforts lorsqu’il a réinscrit le numéro 4 sur sa feuille de match.

 

« C’est sûr qu’il a fallu que je sorte la rouille, a convenu le choix de sixième ronde du Canadien en 2015, mais c’était le fun de retrouver la glace dans une game. C’est une période qui a été quand même longue et ça a été difficile mentalement, mais les gars ont été vraiment corrects avec moi, ils m’ont tous encouragé et j’ai travaillé fort pour revenir. J’ai l’impression que ça a bien été. »

 

« J’ai déjà été dans cette situation-là et ce n’est vraiment pas facile, témoigne Gélinas, qui a pour l’occasion été jumelé à Bourque pour former une paire toute québécoise. On dirait que l’instinct naturel, c’est de vouloir faire un éclat de "Wow!", mais des fois ça va te mettre dans le trouble plus que d’autre chose. Simon a fait des belles choses. Il a gardé son jeu simple, il a fait ce qui est attendu de lui. Si sa game, ce n’est pas de faire des coast to coast et de patiner avec la rondelle, il ne doit pas commencer à essayer de faire ça juste pour attirer l’attention. Je pense qu’il a bien répondu. »

 

Un contraste difficile

 

Le passage chez les professionnels requiert une adaptation pour tous les diplômés du junior, mais pour Bourque, le changement de décor a été particulièrement drastique. L’ancien capitaine de l’Océanic de Rimouski a terminé son séjour de quatre saisons dans la LHJMQ au sein de l’une des puissances canadiennes après qu’une transaction l’eut envoyé aux Sea Dogs de Saint John. Jusqu’au tournoi de la Coupe Memorial, il a formé l’une des meilleures paires de défenseurs au pays en compagnie du choix de première ronde des Sénateurs d’Ottawa Thomas Chabot.

 

Le retour logique à un rôle plus modeste à Laval a été, il l’admet, un contraste difficile à vivre.

 

« Ça a été très dur parce qu’au fond, avec Thomas, je jouais contre les meilleurs joueurs des équipes adverses, je jouais dans toutes les situations. Mais c'est une autre game ici. On est rendus chez les pros et comme Donald [Dufresne] me dit souvent, à chaque jour, il faut recommencer. Peu importe ce que j’ai fait avant, ce que j’ai pu gagner ou accomplir, tout est à recommencer à chaque jour. »

 

Pour la majorité du temps, Bourque sent qu’il a su mettre les choses en perspective et garder le moral. Sa nature joviale – « j’aime avoir du fun avec les gars, mettre de l’ambiance, apporter de l’émotion » – et la proximité avec sa famille (il a gardé sa chambre au domicile familial à Saint-Lambert) l’ont aidé à traverser les moments plus difficiles. « Mais c’est sûr qu’il y a eu des journées où j’étais plus down », convient-il.

 

En bon leader, Gélinas, dont le casier est situé à quelques pas de celui du jeunot dans le vestiaire des locaux de la Place Bell, n’a pas détourné le regard devant ces changements d’humeur occasionnels.

 

« J’ai vu des journées où ça allait mieux que d’autres, mais comme j’ai dit, je le comprends tout à fait. J’essayais de lui parler pour niaiser un peu, de lui changer les idées. C’est ça qui va faire du bien... Il ne faut pas s’apitoyer sur son sort. Il faut éviter de toujours penser à ça et de rester pogné là-dedans. Ce n’est pas facile quand tu restes pogné là-dedans. J’essayais juste de déconner, de parler d’autres choses. D’aider comment je voudrais être aidé, dans le fond. »

 

« Les gars m’ont beaucoup aidé, approuve Bourque, reconnaissant. Juste d’avoir des chums dans l’équipe qui te disent de ne pas lâcher, que ton opportunité va venir, ça fait du bien. Après le match à Winnipeg, même si on avait perdu, une couple de gars sont venus me voir pour me dire que j’avais bien fait ça. Juste le fait d’être dans l’entourage de l’équipe, avec les gars qui m’encouragent, ça a beaucoup aidé. »

 

Une étroite fenêtre

 

Les dernières semaines sont loin d’avoir découragé Simon Bourque. Le Rocket a toujours l’option de le rétrograder au Beast de Brampton, son club affilié dans la ECHL, ou même de le renvoyer dans le junior, où il lui reste une dernière année d’admissibilité. Mais ce sont là des scénarios qu’il ne veut même pas envisager.

 

« Je savais qu’il y avait beaucoup de défenseurs ici, je savais que ça allait être difficile. Par contre, j’ai encore confiance en mes capacités de jouer dans cette ligue à 100 %, clame-t-il. Il n’y a rien de nouveau, ça n’a pas changé parce que j’ai manqué sept matchs de suite. Je suis encore très confiant que j’ai ma place ici et c’est à moi de bâtir match après match quand je vais avoir la chance de jouer. »

 

Une fois de plus, l’expérience des vétérans peut servir d’inspiration au cadet des Bulldogs. À 20 ans, Gélinas avait terminé au quatrième rang du classement des compteurs des Devils d’Albany, le club-école des Devils du New Jersey, mais sa saison recrue dans la Ligue américaine est loin d’avoir été un long fleuve tranquille.

 

« Je ne pense pas que tu peux le voir dans les statistiques, mais je me rappelle qu’à la pause de Noël, j’avais trois buts et deux passes et ça n’allait pas si bien. C’est une ligue dans laquelle il y a beaucoup de choses qui changent, simplement avec les joueurs qui montent et qui descendent. Tu en apprends aussi beaucoup sur la ligue et les autres équipes. C’est ça que j’avais compris au fil de cette saison. Après Noël, ça avait débloqué. »

 

Avec le départ de Jerabek pour Montréal et l’indisponibilité temporaire de Noah Juulsen, qui est presque rétabli d’une fracture à un pied, Bourque dispose présentement d’une étroite fenêtre pour reprendre sa place et tenter de s’y accrocher. « Ça va être à moi de saisir l’opportunité », dit-il, fort conscient du topo.

 

« Au hockey en général, les choses bougent beaucoup, rappelle sagement Gélinas. S’il n’a pas eu le début de saison qu’il espérait, je ne pense pas que c’est dramatique. Les choses pourraient tourner en sa faveur assez rapidement. »