Dimanche matin, alors que tout le monde avait peu dormi chez le Rocket, après un retour difficile de Toronto, non pas parce que le club venait de terminer la saison avec un 12e revers de suite, mais bien parce que les conditions extérieures étaient délicates, Sylvain Lefebvre dressait le bilan de la saison affreuse que venait de connaître sa formation. Il entrevoyait son avenir avec optimisme, mentionnant que « jusqu’à preuve du contraire », il était encore en poste et évoquant avec émotion à quel point il a savouré la saison sur le plan personnel, en étant plus près des membres de sa famille et de ses petits-enfants, notamment. Ils accueillaient toujours leur grand-papa avec le sourire après les matchs, dans les bons comme les moins bons moments. Deux jours plus tard, l’entraîneur s’est fait montrer la porte de sortie, mettant un terme à cette belle expérience pour lui sur le plan humain.

 

Sur le plan sportif, à sa saison inaugurale, le Rocket de Laval a montré la pire fiche de la Ligue américaine avec seulement 24 victoires en 76 matchs. L’équipe n’a signé que 15 gains à ses 60 dernières rencontres de la saison, en plus de montrer le pire dossier du circuit devant ses partisans à Laval, avec 28 défaites en 38 rencontres. Le bilan global de Sylvain Lefebvre n’est pas très reluisant. En six saisons à la barre du club-école du Canadien de Montréal, il est parvenu à mener son équipe aux séries éliminatoires une seule fois, la saison dernière, pour une petite ronde.

 

Le simple fait d’énumérer ces quelques statistiques est suffisant pour constater que peu d’entraîneurs auraient pu survivre à la fin d’une saison à oublier pour cette formation. Le fait que la formation est déménagée de St John’s à Laval doit aussi attirer davantage les entraîneurs intéressés à faire le saut dans la Ligue américaine. Un élément qui a peut-être favorisé la décision finale de Marc Bergevin.

 

Si on analyse seulement la saison qui vient de se terminer, il est un peu injuste de penser qu’un autre entraîneur aurait pu connaître de meilleurs résultats. Un total de 51 joueurs ont porté l’uniforme du Rocket en 2017-2018, dont plusieurs qui se sont présentés à Laval avec un contrat d’essai professionnel. Bien peu de ces joueurs venus de la Ligue de la Côte-Est (ECHL), des rangs universitaires américains ou du hockey junior ont prouvé qu’ils ont le niveau de jeu suffisant pour évoluer dans la Ligue américaine sur une base régulière.

 

Alors que le Canadien semblait avoir bâti une formation qui comptait plusieurs bons vétérans en début de saison, Sylvain Lefebvre s’est fait enlever beaucoup de leaders dans sa formation en début de saison. En début de saison, on parlait abondamment du « beau problème » de Lefebvre, qui devait négocier avec un surplus de vétérans dans sa formation et laisser de côté des joueurs d’expérience, pour se conformer au règlement de la Ligue. En décimant le top-6 de Laval, Marc Bergevin a forcé Lefebvre à donner plus de minutes à plusieurs joueurs qui ne comptaient pas beaucoup d’expérience chez les professionnels et qui, pour la majorité, ne sont pas reconnus pour leur talent offensif. Bien peu d’actions ont été posées pour venir en aide à l’entraîneur à ce chapitre.

 

Le problème n’est pas tant les rappels de joueurs. Plusieurs formations de la Ligue américaine doivent négocier avec cette réalité. Les Comets de Utica ont notamment utilisé 58 joueurs au cours de la saison et ils sont parvenus à se tailler une place en séries éliminatoires. Le problème se situe davantage au niveau de la profondeur de l’organisation.

 

Le développement

 

Ce qui nous amène au développement des joueurs, un aspect pour lequel Sylvain Lefebvre a souvent été critiqué. Un joueur rencontré cette semaine avait ceci à dire lorsque je lui ai parlé de ce qu’il pensait du travail des entraîneurs au chapitre du développement :

 

« Les entraîneurs font leur part, mais le développement appartient également au joueur. Il doit enregistrer les informations et exécuter. »

 

Il est possible de faire des séances de vidéo avec des joueurs. On peut lui expliquer les choses qu’il doit améliorer et les habitudes de travail qu’il doit avoir. On peut aussi lui enseigner plusieurs trucs pour l’aider à devenir un professionnel, mais le joueur doit également assumer sa part de responsabilités et faire en sorte de se donner les meilleures chances de gravir le dernier échelon le séparant de la Ligue nationale.

 

Leur part, je peux vous confirmer que les entraîneurs l’ont accomplie grandement, avec quelques exemples concrets. En début de saison, Nicolas Deslauriers a été acquis des Sabres de Buffalo, en retour de Zach Redmond. Deslauriers s’est présenté à Laval avec le moral dans les talons, il voulait retourner dans la Ligue nationale le plus rapidement possible. Sylvain Lefebvre et ses adjoints ont fait du temps supplémentaire avec lui après les séances d’entraînement, pour l’aider à peaufiner des détails dans son jeu. L’entraîneur a également confié un rôle important à Deslauriers en l’utilisant à toutes les sauces et même en défense pour quelques matchs. Lorsqu’il a quitté vers le grand club en novembre, le niveau de confiance de Deslauriers était beaucoup plus grand et cela lui a permis de connaître du succès à son retour dans le circuit Bettman.

 

Nikita Scherbak a connu un camp d’entraînement très difficile avec le Canadien. Il paraissait très nerveux sur la patinoire et il était très loin de démontrer un potentiel intéressant. Cédé au Rocket, il a été pris en charge par les entraîneurs. Sylvain Lefebvre s’est assuré de lui parler pour l’aider à regagner sa confiance, en plus de lui confier un rôle offensif de premier plan. Scherbak a obtenu 8 points en 6 matchs, avant d’être rappelé par le Canadien et de malheureusement subir une blessure à un genou, qui l’a privé de jeu jusqu’en décembre. À son retour, il est rapidement redevenu un joueur dominant dans la Ligue américaine. Bien qu’il y ait encore beaucoup de développement à faire pour Scherbak afin d’offrir un rendement constant au niveau le plus élevé, les enseignements dont il a pu bénéficier avec le club-école lui ont été utiles.

 

Jérémy Grégoire est un autre joueur qui a fait un bond intéressant dans sa progression au cours de la dernière année. En 2017-2018, l’attaquant fougueux a doublé sa production de la saison précédente en récoltant 12 buts et 13 mentions d’aides, pour un total de 25 points en 63 parties. À titre comparatif, Michael McCarron, qui a obtenu beaucoup plus de temps de jeu, notamment en avantage numérique, a terminé la saison avec un point de moins, en 54 rencontres avec le Rocket.

 

Grégoire est d’ailleurs l’un de ceux qui a souligné les nombreux efforts du personnel d’entraîneurs, qui ont passé plusieurs heures à aider leurs poulains à développer leurs aptitudes sur la patinoire. Ils ont aussi passé beaucoup de temps avec eux à scruter des séquences vidéo pour notamment favoriser leur prise de décision dans certaines situations et aider à développer « l’ordinateur » dans leur tête, comme aimait le souligner Sylvain Lefebvre.

 

Malgré tous ces aspects positifs, le hockey est une « business » de résultats et il est clair que Lefebvre n’est pas parvenu à livrer la marchandise dans ce domaine. Un nouvel entraîneur prendra la relève et travaillera avec les joueurs au meilleur de ses capacités pour favoriser leur développement, mais un fait demeure, le Canadien devra faire du meilleur travail au repêchage pour offrir de meilleures armes à son club-école et lui permettre de rivaliser avec des formations comme les Marlies de Toronto ou le Crunch de Syracuse, qui débordent de jeunes joueurs de talent, en voie d’aider leur formation de la Ligue nationale.​