LAVAL – Les salutations sont cordiales et la conversation lancée de façon respectueuse. Mais Michael McNiven n’est pas content, alors là pas du tout, et il veut clairement le faire savoir.

La première question porte sur son récent blanchissage contre les Bruins de Providence, une performance sans tache de 29 arrêts qui a fait contraste avec son premier départ de la saison, duquel il avait été retiré après avoir cédé trois buts sur 21 tirs. « Est-ce que ça a été facile pour toi de tourner la page sur une performance qui avait été plus ou moins bonne et de rebondir de la sorte? », lui demande-t-on tout bonnement en guise d'introduction.

« Ok, parlons-en », répond le jeune gardien, prêt à vider son sac. Cette première sortie à Belleville est le sujet qu’il souhaite aborder, pas son blanchissage.

« Je jouais en dépit d’une blessure. J’ai demandé à ce qu’on me sorte du match, les entraîneurs m’ont laissé là et on a accordé trois buts. Alors avant que tu dises que j’ai connu un match atroce, ce n’était pas un match atroce. »

McNiven explique qu’il souffrait de crampes durant ce match, qu’il avait senti qu’il ne pouvait plus continuer après avoir accordé un premier but, mais que ses avertissements n’ont pas été pris au sérieux.

« Je ne sais pas pourquoi ils ne m’ont pas remplacé. Je pouvais à peine me déplacer d’un poteau à l’autre à ce moment-là. Je ne crois pas que les entraîneurs se doutaient que c’était si pire, en fait j’ose l’espérer. Le soigneur m’a dit de rester dans le match si je m’en sentais capable, mais j’ai dit non. Ça faisait dix minutes que je demandais qu’on me sorte de là. »

« Pour moi, que ça vienne d’un journaliste ou d’un simple partisan, la façon dont la première question m’a été posée, c’est probablement ce que tout le monde va penser. Mais je crois qu’on aurait dû m’écouter avant. Mon match suivant a été bien meilleur. C’est tout ce que je vais dire à ce sujet. »

Sauf qu’il y a plus.

Les tensions ne datent pas d’hier entre McNiven et l’organisation qui lui a fait signer un contrat d’entrée à titre de joueur autonome en 2015. Depuis son passage chez les professionnels, l’ancien gardien de l’année au hockey junior canadien a souvent tiré la courte paille dans un ménage à trois que le club-école tentait de gérer devant son filet.

À sa deuxième saison avec le Rocket, McNiven a affiché de meilleures statistiques que Charlie Lindgren pour une charge de travail similaire. Mais la saison suivante, c’est lui qui a subi les conséquences de l’arrivée de Cayden Primeau. Il a trimballé son équipement dans trois équipes différentes de la ECHL et s’est contenté de seulement trois matchs à Laval.

L’an passé, la présence de Lindgren sur l’escouade de réserve du Canadien a permis à McNiven d’obtenir 13 départs dans la Ligue américaine contre 16 pour Primeau. Objectivement, les chiffres de ce dernier ont été supérieurs. Cette année, avec le départ de Lindgren sur le marché des joueurs autonomes et avant l’ajout de Samuel Montembeault par le biais du ballottage, la voie semblait libre pour que McNiven puisse s’exprimer sans regarder par-dessus son épaule. Mais il ne sent toujours pas qu’il se bat à armes égales contre son jeune adjoint.

D’ailleurs, mardi matin, l’entraîneur-chef du Rocket Jean-François Houle a validé ces appréhensions en affirmant que les performances n’étaient pas le principal facteur pris en compte dans l’identification de son gardien titulaire.

« Oui, c’est important d’avoir un peu de mérite là-dedans, mais Cayden, il faut qu’on le développe comme gardien de but, a admis Houle. C’est dur un peu quand l’autre va bien, mais ça fait partie du hockey. C’est sûr que Cayden, c’est un prospect très important pour le Canadien de Montréal et on va essayer de lui donner le plus de temps de glace possible. »

« On ne m’a rien dit, mais tout le monde a des yeux, ce n’est pas difficile à voir, a dit McNiven sans même avoir été mis au courant des propos de son entraîneur. C’est toujours la même chose. Cayden est leur gars. Je dois continuer de travailler et faire du mieux que je peux, mais au bout du compte, c’est difficile quand on sait que les dés sont pipés. »

« J’ai signé ici il y a presque huit ans (sic) et j’ai toujours été dans la même position, a continué le cerbère de 24 ans. Chaque fois qu’ils m’ont donné un objectif à atteindre, je l’ai surpassé, mais ils continuent de me renvoyer en arrière de la ligne. C’est juste comme ça que ça marche ici. »

Pour l’heure, Primeau a débuté quatre des six matchs du Rocket. Sa moyenne de buts alloués est à 2,66 et son taux d’efficacité se chiffre à ,912. Il a bloqué 35 des 37 tirs qu’il a reçus dans une défaite de 3-0 contre les Islanders de Bridgeport dimanche.

McNiven a quant à lui une moyenne de buts alloués de 1,94 et une cote d’efficacité de ,940. Quand on lui demande s’il croyait pouvoir forcer la main de ses entraîneurs en accumulant les bonnes performances, il soupire et s’affiche sceptique.

« On pourrait dire que c’est ce que j’ai fait à chacune de mes saisons ici. À mes deux premières saisons, mes chiffres n’étaient peut-être pas où je les voulais, mais d'une vue d'ensemble, je sens que j’ai fait ma part et que je mériterais une chance. Mais j’imagine que je vais me contenter d’attendre que ce jour arrive. »