LAVAL – La reconnaissance ne vient pas souvent faire son tour dans les amphithéâtres de la Ligue américaine. Les joueurs qui y évoluent bûchent plus souvent qu'autrement dans l’ombre, la valeur de leurs efforts étant rarement reconnue à l’extérieur des murs de leur vestiaire.

Mais à l’occasion, le reste du monde accorde son attention à ce qui se passe à l’extérieur des grandes ligues. Ceux vers qui les projecteurs sont alors tournés jouissent d’une célébrité éphémère, leur quart d’heure de gloire.

Nikita Jevpalovs a vécu ce vedettariat viral la semaine dernière, quand les images du magnifique but qu’il a marqué contre les Senators de Belleville se sont retrouvées dans les bulletins d’information pancanadiens. Le réseau TSN lui a même fait une place dans sa capsule « 1v1 », où deux jeux spectaculaires sont soumis quotidiennement au vote du public. Le but de Jevpalovs a été battu de justesse par un arrêt d’Andrei Vasilevskiy, du Lightning de Tampa Bay, contre les Maple Leafs de Toronto.

« Dan [Jacob, l’entraîneur des défenseurs du Rocket] a pris ça pas mal au sérieux, il n’arrêtait pas de dire à tout le monde de voter pour moi, racontait humblement le jeune Letton mardi. Même chose pour Bellz [son coéquipier Alex Belzile, NDLR]. Et à la maison, ma copine me gardait constamment au courant des résultats. C’était pas mal drôle. »

« Il s’est fait taquiner pas mal, convient l’entraîneur-chef Joël Bouchard. C’est tellement un bon gars, c’est de l’or en barre. Tout le monde a cliqué. Je lui ai dit ‘Si tu gagnes, tu vas faire 5000$!’ et il m’a répondu ‘Hey, les gars m’avaient dit 50 000$!’ »

Jevpalovs n’est pas qu’une histoire d’un soir pour le Rocket. Offensivement, il traverse présentement sa meilleure séquence de la saison. Depuis qu’il a été inséré à la gauche de Jake Evans et Byron Froese, il a inscrit trois buts et ajouté une passe en cinq matchs. Mais Bouchard n’aime pas qu’on s’arrête aux statistiques pour évaluer le succès d’un de ses joueurs et c’est particulièrement vrai dans le cas de celui qu’il a dirigé pendant trois ans avec l’Armada de Blainville-Boisbriand.

« C’est un gars que je connais depuis longtemps. Je connais son attitude, son caractère. On essayait de bâtir un programme ici et on avait besoin d’amener des joueurs fiables, des gars qui jouent de la bonne façon, des travaillants. [...] Nikita, c’est un gars qui est low-maintenance. Punch in, punch out. Il est capable d’amener de l’offensive, comme on l’a vu, mais je ne l’ai pas amené ici pour qu’il soit un marqueur de 40 buts. Dans le pro, c’est un glue-guy. Je l’ai fait jouer avec pas mal tout le monde, honnêtement, et quand on le met sur un nouveau trio, habituellement le trio commence à bien aller. »

Auteur d’une saison de 100 points en 64 matchs à sa dernière saison avec l’Armada, Jevpalovs réalise qu’il ne deviendra jamais ce genre de joueur au niveau professionnel. Mais il croit fermement qu’à 24 ans, il a plus à offrir que ce qu’il a montré pendant ses deux saisons dans le réseau de filiales des Sharks de San Jose et pendant son exil d’un an avec le Dynamo de Riga, en KHL, l’an dernier. C’est pour cette raison qu’il a quitté sa ville natale pour revenir en Amérique du Nord.  

« C’était bien de jouer à la maison. Mes parents sont là, mes amis d’enfance sont là. Mais il me manquait quelque chose. Je ne sais pas comment l’expliquer en anglais, mais je suis certain d’une chose, c’est que je l’ai retrouvé ici. La décision de revenir a été très facile à prendre. »

À la base, c’est un peu à contrecœur que Jevpalovs était retourné en Europe. Son contrat d’entrée avec les Sharks était arrivé à échéance, aucune autre offre n’avait été soumise à son agent et avant de se retrouver à la rue, il avait opté pour un retour aux sources.

À Riga, l’un des pires clubs de la KHL, il a été ralenti par les blessures et n’a récolté que huit points en 46 parties. Quand son ancien entraîneur a fait les premiers pas pour le rapatrier en Amérique, il a accepté sans la moindre hésitation.

« Quand on joue à la maison, c’est facile d’en arriver à se dire qu’on va finir par y passer le reste de sa vie. Personnellement, je crois que j’avais tendance à prendre ça un peu plus relax quand j’y étais. Mon plein potentiel n’était pas aussi élevé là-bas et ce n’est pas ce que je voulais. Je voulais mettre la barre plus haute et je crois que Laval est un bon endroit pour le faire. »

« J’ai 24 ans, je ne suis pas très vieux et je crois qu’il y a encore des portes qui peuvent s’ouvrir devant moi. Je veux simplement travailler le plus fort possible pour prouver que je peux y arriver. »

« Je pense que son style est un peu plus nord-américain que bâti pour la grande glace de la KHL, où ça tourne en rond un peu, estime Bouchard. C’est sûr que pour lui, il y avait une adaptation en revenant ici. Il n’avait pas joué beaucoup l’an passé. Je trouve que tranquillement, il s’adapte. »

Avec seulement huit points en 28 matchs, Jevpalovs produit à un rythme inférieur à celui qu’il a maintenu à sa dernière saison dans la Ligue américaine, mais sa contribution se mesure par d’autres paramètres.

« Il a raté un match à cause d’une blessure et la fumée lui sortait par les oreilles. C’est un gars très utile pour un coach », se satisfait Bouchard.