LAVAL – Étienne Marcoux vivait sur du temps emprunté depuis environ une semaine. Il en était le premier conscient et il n’avait aucun problème avec ça.

 

Lorsque la situation des gardiens de but allait retrouver un semblant de normalité chez le Canadien - lorsque la mystérieuse blessure de Carey Price serait guérie, qu’Al Montoya aurait retrouvé ses esprits ou que, surprise, l’organisation ferait l’acquisition d’Antti Niemi – chacun reprendrait la place qui est sienne. Marcoux ferait ses valises et repartirait aussi vite qu’il était arrivé. Ça avait toujours été ça, le deal.

 

Le séjour de Marcoux avec le Rocket de Laval a approché sa date d’expiration tard mardi soir quand le Canadien a annoncé avoir cédé Zachary Fucale à son club-école. Mais en attendant qu’on confirme sa sortie, le jeune cerbère profite de chaque moment qui lui est accordé dans l’antichambre de la Ligue nationale.

 

« Dans le monde du hockey, ça peut vraiment changer vite. Que ça dure une autre semaine ou que ça finisse demain, je vais juste être content d’avoir eu cette opportunité », racontait-il après un récent entraînement à la Place Bell.

 

Marcoux est bien placé pour savoir que dans son domaine, le plan A peut rapidement prendre le bord. Au début de la saison, toutes les portes étaient en apparence fermées quand il s’est présenté avec le Fuel d’Indy, une équipe de la ECHL affiliée aux Blackhawks de Chicago. Les Hawks ayant déjà six gardiens sous contrat, Marcoux a regardé son premier match des gradins. Mais une blessure et un rappel lui ont ouvert une porte par laquelle il s’est empressé d’entrer.

 

En trois matchs, Marcoux a affiché une moyenne de buts alloués de 2,24 et un taux d’efficacité de ,935, des chiffres qui lui ont permis de gagner la confiance de son entraîneur. « Il m’avait parlé et m’avait dit qu’il resterait avec moi même si les autres revenaient », relate-t-il.

 

Après un entraînement, juste avant de prendre la route pour un programme double en Illinois, Marcoux a reçu un appel de son agent. Le Rocket avait besoin d’un gardien et avait pensé à lui. Il avait le choix : tenter de poursuivre sa bonne séquence et solidifier son poste de numéro un dans la East Coast ou aller réchauffer le banc à Springfield et Hartford. La décision a été facile à prendre.

 

« Tu ne refuses rien quand la Ligue américaine appelle », simplifie-t-il.

 

« Michael McNiven fait partie de l’organisation [du Canadien], je comprends ça et il n’y a vraiment aucun problème. Mais on ne sait jamais. Je ne souhaite de blessure à personne, je veux que tout le monde reste en santé, mais ça peut tellement arriver vite. Tu as ta chance, tu joues un match ou deux, tu te fais voir, ton nom circule. Tu ne sais pas où ça peut te mener. »

 

Des détours, mais un seul but en tête

 

Le plus récent coup de dés d’Étienne Marcoux l’a littéralement ramené à la maison. « Mes parents n’avaient pas encore converti ma chambre en bureau », lance-t-il en riant.

 

Né et élevé à Terrebonne, sur la Rive-Nord de Montréal, Marcoux a commencé sa carrière junior à Verdun, avec le défunt Junior de Montréal. Lorsque l’équipe a changé d’identité et déménagé à Boisbriand, le gardien s’est pratiquement retrouvé dans sa cour arrière. Il a habité au domicile familial pendant les trois années au cours desquelles il a porté les couleurs de l’Armada.

 

Étienne MarcouxIgnoré au repêchage de la LNH, Marcoux s’est entendu avec l’organisation des Ducks d’Anaheim à sa sortie du junior, mais des blessures récurrentes aux épaules l’ont empêché de se faire justice dans le hockey professionnel. En 2015, un passage sur la table d’opération l’a contraint à une période d’inactivité de neuf mois. Pendant ce congé forcé, il a pris la décision de réorienter son parcours vers le hockey universitaire et d’accepter l’offre du programme de l’Université du Nouveau-Brunswick.

 

« J’ai été un peu chanceux dans ma malchance parce que si tu joues un match chez les pros après le 31 décembre, tu perds une année d’admissibilité à l’université. Moi, je me suis blessé le 23 décembre... »

 

« Au départ je voulais vraiment retourner pro, poursuit-il. L’école, ça ne m’attirait pas vraiment. L’entraîneur m’a appelé durant l’été, il était au courant de ma situation et il persistait. J’ai finalement décidé de regarder de quoi ça avait l’air et j’ai réalisé que c’était vraiment le meilleur programme au Canada. Quand j’ai regardé l’alignement, j’ai reconnu un paquet de noms, des gars contre qui j’avais joué junior, d’excellents joueurs. Le calibre était vraiment bon. »

 

En deux ans à Fredericton, Marcoux a perdu quatre matchs de saison régulière et remporté deux championnats canadiens. Il en est aussi ressorti avec un diplôme en gestion des affaires, « un papier », comme il dit, qui lui sera d’une aide précieuse lorsqu’il aura joué son dernier jeton dans le monde du hockey.

 

Pour l’instant, Marcoux a décidé de miser une dernière fois sur sa carrière de joueur. Son père François, qui supervise l’Académie Ulysse, un programme de hockey scolaire visant à former des jeunes pour les niveaux supérieurs, aurait sûrement pu lui trouver un poste au sein de l’entreprise. Sa copine, une infirmière dans la grande région montréalaise, aurait certainement apprécié qu’il décide de se caser.

 

Mais ces décisions rationnelles n’ont pas fait le poids devant les salaires de crève-faim et les voyages en autobus des ligues mineures. À 24 ans et avec deux épaules ​en santé, Étienne Marcoux est retourné sur le seul marché du travail qui l’intéressait avec un contrat qui ne lui impose aucune limite.

 

« Après l’école, je ne voulais pas avoir de regret, me dire que j’aurais dû essayer. Je me suis dit : ‘j’y vais et on verra’. Et tu vois, seulement dans le premier mois de la saison, j’ai eu deux rappels dans la Ligue américaine. C’est encourageant! Je vais voir après la saison. On ne sait jamais, je pourrais recevoir une offre de contrat. Mon but premier est de continuer à jouer au hockey. »