MONTRÉAL – Joël Bouchard s’était fait à l’idée depuis longtemps. Il n’y a jamais vraiment eu de séries éliminatoires au-delà de la ligne d’horizon du Rocket de Laval en 2021.

Optimiste devant l’éternel, l’entraîneur-chef n’a donc pas bronché lorsque la Ligue américaine a confirmé que la saison des équipes de la division Nord s’arrêterait définitivement le 20 mai, date du dernier match prévu au calendrier régulier.

« Je ne vois pas de déception dans le sens que c’était ça le plan, a raisonné Bouchard après l’entraînement de son équipe vendredi matin. On le savait depuis la première journée que la possibilité de ne pas avoir de séries éliminatoires était très élevée en raison de la pandémie. On s’était comme fait à l’idée et ça fait quelques semaines qu’on sait que ça sera notre réalité. »

Dans un communiqué envoyé jeudi dans lequel on retrouve la confirmation, noir sur blanc, que la coupe Calder ne serait pas décernée cette année, la LAH explique que les équipes de ses cinq sections se sont vu offrir l’opportunité de déterminer leur propre sort. Ainsi, les sept équipes de la division Pacifique, qui élisent domicile en Californie, en Arizona, au Colorado et au Nevada, disputeront un tournoi de fin de saison afin d’élire un champion de division. Les clubs des quatre autres divisions ont décidé de fermer les livres et de se donner rendez-vous l’automne prochaine.

John Sedgwick, vice-président aux opérations hockey et affaires juridiques, a représenté le Canadien durant ces pourparlers. C’est lui qui était en contact avec Bouchard jusqu’à ce que le couperet tombe officiellement.

« Les situations changent d’une province à une autre, d’un État à un autre, comprend Bouchard. Il y a un côté logistique qui était beaucoup pour nous au Canada. Je comprends que c’est décevant pour tout le monde, mais moi je trouve qu’on n’a pas perdu notre temps. On n’a pas perdu notre temps et encore aujourd’hui on ne le perd pas. On a des gros challenges qui s’en viennent dans les prochaines semaines avec notre alignement. Ça va être ce que ça va être et on va avoir grandi là-dedans. »

Avec sept matchs à disputer avant la conclusion d’un calendrier qui en aura contenu 36, le Rocket occupe le premier rang du classement général de la Ligue américaine. Sa fiche de 22-5-2 lui confère un astronomique taux de succès de ,793. Le trophée Frank Mathers, qui récompensera le champion de la division canadienne, peut pratiquement déjà être astiqué et exposé derrière une vitrine à la Place Bell. La palme au général, bien franchement, n’a pas l’air d’exciter plus que ça ni Bouchard, ni le vétéran Alex Belzile, qui s’est aussi exprimé sur la question vendredi.

Alors quels sont-ils donc, les défis qui motiveront les membres du club-école du Canadien dans les trois prochaines semaines?

« C’est plus de finir de la manière qu’on a commencé, propose Belzile. Tout au long de la saison, on était très business, très sharp, vraiment préparés dans nos approches. Ce n’est pas un tour de magie qui fait qu’on a une fiche comme celle-là, au contraire. Derrière les rideaux, il y a beaucoup de travail, beaucoup de gars qui ont la bonne attitude. C’est un ensemble de facteurs qui nous a permis de vraiment performer à la hauteur de nos capacités cette saison. C’est sûr que c’est décevant de ne pas avoir de séries, mais ce n’est que partie remise. »  

« Je te dirais que le groupe se fixe des objectifs plus que le coach présentement, affirme Bouchard. On a quelques petites affaires qu’on voulait faire qu’on va faire dans notre dernier voyage. J’ai mis les gars au défi dans des moments précis de la saison sur des performances qui étaient importantes pour moi, des choses qui avaient une signification à l’interne pour nous autres. Moi, mon travail, c’est de continuer de trouver une façon de les motiver. »

Simuler les séries

Bouchard rejette la notion qu’il ait dû redoubler de créativité pour aider ses hommes à garder le cap dans cette saison où les défis étaient aussi nombreux qu’exceptionnels.

« Non, parce que je considère qu’un coach doit toujours être créatif », argue-t-il.

« T’as pas le choix de surprendre les gars. C’est bon qu’ils aient une structure, mais il faut qu’il y ait un élément de surprise, de fun, d’engagement qui vient un peu du champ gauche de temps en temps. Un défi, un challenge qu’ils n’attendent pas. Séries ou pas, la saison est longue et à un moment donné, juste aller mettre ton équipement pour des matchs 16 fois par mois, ça devient long. »

En guise d’exemple, Bouchard a notamment expliqué comment il s’y est pris pour simuler le sentiment d’urgence propre aux matchs sans lendemain qui coïncident généralement avec le retour de l’hirondelle. Il a parlé d’un match à Winnipeg en mars où le Rocket a laissé filer une avance de deux buts dans la dernière minute de la troisième période pour éventuellement s’incliner en fusillade.

Il a proposé à ses joueurs d’aborder le match suivant comme s’il pouvait leur permettre d’égaler une série 1-1 sur la route plutôt que de retourner à la maison en déficit de 0-2. Ils ont embarqué dans le jeu et ont signé une victoire de 1-0 24 heures plus tard.

« On l’a recréé à quelques reprises dans nos voyages et les gars ont répondu. Ce n’était même plus moi [qui le demandais] à la fin », jure Bouchard. 

« Je le sais qu’on n’a pas de séries, mais moi je ne peux rien faire pour ça, se résigne-t-il. Je peux juste dire que nous, on a essayé de le recréer. On leur a fait vivre du hockey de séries. »

L’espoir du grand club

Bouchard rappelle aussi que la priorité du club-école demeure de préparer ses joueurs pour une éventuelle assignation dans la Ligue nationale. La présence du Canadien en séries, plaide-t-il, en incitera plusieurs à rester sur le qui-vive.

Objectivement, par contre, il est difficile d’envisager que Marc Bergevin viendra chercher des solutions dans l’équipe réserve dans l’éventualité où son équipe résisterait à la pression imposée par les Flames de Calgary dans le dernier droit de la saison. S’accrocher à cet espoir serait s’exposer à une probable déception pour les Belzile, Jordan Weal, Ryan Poehling et autre Jesse Ylönen.

« Ça ne sert à rien de gaspiller de l’énergie sur des choses qu’on ne peut pas contrôler. On est tous des joueurs de hockey, on veut tous performer à notre maximum. Même sans fans, même sans séries, ça reste qu’on a tous quelque chose à gagner de bien paraître et gagner des matchs de hockey », fait remarquer Belzile.

« Pour les rappels, on n’a aucun contrôle là-dessus et dans le monde du hockey ça change tellement vite, demain matin il peut y avoir des mouvements de personnel. Il faut toujours rester business. »