Patrick Roy a été intronisé au Temple de la renommée du hockey cette semaine. Il a été un grand gardien. Pour ma part, j'ai aussi eu la chance d'évoluer avec un grand gardien, Ken Dryden. Les deux ont été des champions, mais ils sont différents.

Personnellement, je ne suis pas un fan numéro un de Patrick Roy parce que je n'ai pas accepté à 100% les événements qui ont conduit à son départ de Montréal, surtout sa façon d'agir avec Réjean Houle et Mario Tremblay. Remarquez que j'ai peut-être un parti pris...

Cependant, j'ai aimé sa façon de faire lundi soir lors de son intronisation au Temple de la renommée. Il a très bien parlé et ne s'est pas gêné pour parler en français. Il a ses convictions et il y tient. Persévérance, c'est sûr que c'est un mot qui prime chez lui, selon moi.

Patrick a connu toute une carrière. Je ne le voyais pas sur la route puisque j'étais retraité et j'étais dans la restauration à ce moment-là. Je ne le côtoyais pas et je ne côtoyais pas l'équipe très souvent lors des déplacements, mais des gars comme Pierre Mondou, qui était dans l'organisation à ce moment-là, m'en ont parlé. Roy gagnait des matchs à lui seul sur la route, ça n'avait pas de bon sens qu'on me disait.

Il n'est pas numéro un au chapitre des victoires pour rien. Il a de plus remporté la coupe Stanley à quatre reprises. En 1986, j'étais là à sa première coupe et c'est sûr que c'est grâce à lui si on l'a emporté.

Mais des fois, il parle un peu trop librement et j'ai toujours été un peu contre ça. C'est mon opinion personnelle, mais ça n'enlève pas qu'il a été tout un athlète.

Un autre grand gardien

Cela m'amène à faire un parallèle avec un autre grand gardien avec qui j'ai eu l'honneur de jouer, Ken Dryden. Si on me donnait le choix entre Ken Dryden à 25 ans et Patrick Roy à 25 ans, je choisirais Dryden.

Kenny était tout à fait le contraire de Patrick. Il était un gars silencieux. Il ne disait pas un mot. Il était très concentré. Il ne parlait presque pas dans la chambre, c'était un intellectuel et il était très intelligent. Ses mots étaient pensés avant qu'il ne parle, que ce soit dans la victoire ou la défaite.

Je pense que j'ai vu une seule fois Dryden se choquer. Mario Tremblay lui avait envoyé deux ou trois rondelles aux épaules lors d'un entraînement et il s'était lancé à sa poursuite. Il avait quitté l'entraînement très fâché.

On pouvait toujours compter sur Ken lors des moments clés, lui qui a gagné six coupes Stanley en huit saisons. C'est sûr qu'il avait une excellente équipe devant lui comparativement à Patrick lors de ses deux coupes Stanley à Montréal. Au Colorado, Patrick avait aussi une très bonne formation devant lui. Patrick a probablement travaillé plus fort pour mériter les deux coupes à Montréal qu'il ne l'a fait au Colorado.

Kenny était un gars d'équipe à sa manière. Je me rappelle à mes débuts avec le Canadien, on était toujours une quinzaine de gars à aller prendre une bière après l'entraînement et Ken est venu quelques fois. En arrivant la première fois au début de la saison, il nous avait averti qu'il ne voulait pas qu'on lui paye la traite parce qu'il ne consommait pas de bière et qu'il ne la paierait à personne. Il avait aussi dit : «Si vous voulez m'en payer une, ne vous attendez pas à ce que je vous en paye une ». Ça avait été correct, il avait été clair. Il ne voulait pas de bière, seulement être avec nous.

Je pense que Patrick est un peu plus un gars de party. Pas Ken, pas du tout. Il était très solitaire, ne prenait presque pas de bière, il était gêné. Contrairement à certains gardiens, Ken n'avait pas de rituel particulier dans le vestiaire avant un match. Nous arrivions dans la chambre, nous avions une réunion pour le plan de match. Ken était tranquille, assis à sa place et il se préparait, c'est tout.

Étant un intellectuel, le fait qu'il soit en politique aujourd'hui ne me surprend pas. Ça me rappelle une fois lorsque j'ai été son co-chambreur, parce que dans le temps de Scotty Bowman, nous n'avions pas toujours le même co-chambreur lors des voyages. Donc, après un match où il n'y avait pas de couvre-feu et où un entraînement était prévu le lendemain matin, j'étais entré à 1h30 et Kenny était assis sur son lit avec trois ou quatre journaux, un livre et la télé fonctionnait. Je me suis brossé les dents et je suis allé me coucher. Ken m'a demandé si ça me dérangait s'il continuait de lire et d'écouter un peu la télé. Je lui ai répondu : « Tu fais ce que tu veux, moi je me couche ». Il ne me demandait jamais où j'étais allé et qu'est-ce que j'avais fait, il était dans ses livres et ses notes. Je ne sais pas s'il s'était endormi à 2 ou 3 heures du matin cette fois-là, mais je suis sûr que moi, après lui avoir répondu que je me couche, je dormais moins de deux minutes après.

Sur la glace, on était en confiance avec lui. Il faisait les arrêts clés. Premièrement, quand tu joues contre un gardien comme ça ou comme un Patrick Roy, tu précipites un peu plus ton lancer parce que le hockey, c'est une fraction de seconde. C'est sûr que des matchs de 50 lancers, Ken n'en a pas vu trop souvent contrairement à Roy et aux gardiens d'aujourd'hui. Ken affrontait 20 lancers ou même moins dans un match. C'est alors plus difficile de demeurer concentré, mais il était là et nous gardait dans le match. Si nous tirions de l'arrière par un ou deux buts au début de la troisième, nous savions que Ken pouvait faire des arrêts clés et nous savions que nous pouvions marquer deux ou trois buts en troisième, chose qui est survenue fréquemment.

Ken a toujours respecté ses coéquipiers. Il a toujours louangé le Big Three (Robinson, Lapointe, Savard). Lui et Serge Savard avaient des discussions politiques.

Le grand Serge

Serge Savard verra son chandail retiré par le Canadien samedi.

J'ai eu beaucoup de plaisir avec Serge. Quand on parle du Big Three, Serge était le plus intelligent des trois. Il m'a enseigné quelques trucs qui paraissaient sans importance à première vue, mais qui étaient très importants dans un match. Il m'avait dit : « Yvon, surveille toujours le cadran, regarde combien il reste de minutes à chaque fois que tu sautes sur la glace ». Personne ne m'avait dit ça avant. Il m'a aussi dit de toujours surveiller contre quels joueurs j'évoluais.

On voyait que Serge analysait le match de A à Z. C'était un homme extrêmement brillant et un gars d'équipe. Il mentionne encore aujourd'hui que l'équipe, pour lui, était primordiale.

Larry Robinson était plus complet comme joueur, mais Serge a aussi enseigné à Larry, notamment comment affronter les gros joueurs, comment tuer les punitions. Serge tuait les punitions et jouait quelques fois sur le jeu de puissance. Larry avait une admiration sans borne pour Serge Savard. Il est aussi invité samedi. Pour ma part, je suis fier de faire partie de cette soirée-là.

On avait du plaisir en dehors de la glace et on va aussi en avoir samedi.

*Propos recueillis par RDS.ca