MONTRÉAL – Au cours des six derniers mois, Pierre Dorion et son entourage des Sénateurs d’Ottawa ont eu le temps d’élaborer tous les scénarios inimaginables en vue du repêchage crucial de 2020 alors qu’ils disposent actuellement de 13 sélections dont deux dans le top-5. 

L’attente tire à sa fin alors que le repêchage aura lieu virtuellement les 6 et 7 octobre. Lors d’une année normale, les Sens auraient déjà complété cet important repêchage, ils auraient pu jouer leurs cartes sur le marché de l’autonomie et ils s’approcheraient tranquillement d’une autre saison de reconstruction. 

La pandémie a plutôt ralenti le processus et les Sénateurs tentent d’éviter les pièges qui sont apparus sur le chemin des 31 équipes de la LNH comme l’annulation de la semaine d’évaluation physique et d’entrevues (combine) à Buffalo. 

« Le plus gros obstacle, c’est qu’on n’a pas pu faire de tests physiques avec les espoirs. Avec 13 choix, ça nous pénalise un peu plus, mais on doit respecter le tout », a reconnu Dorion en visioconférence mercredi. 

À défaut d’avoir cet outil riche d’informations, les Sénateurs ont essayé de cumuler plus d’indices autrement. 

« On se dit qu’on a été chanceux cette année de ne pas être limité à la période de 15 minutes avec les joueurs au Combine. On a même passé quelques heures avec certains joueurs via Zoom. On ne pouvait pas les rencontrer en personne et je sais que bien des directeurs généraux qui vont sélectionner haut en première ronde auraient voulu le faire. On respecte le processus », a indiqué le DG des Sens. 

Grâce à ce temps supplémentaire à leur disposition, les Sénateurs ont demandé à leur thérapeute physique et leur entraîneur du conditionnement physique de se joindre au processus. 

« Ils ont rencontré certains espoirs virtuellement pour discuter avec eux de leur plan d’entraînement et de leur progression physique. Si des gars avaient des blessures, notre thérapeute a passé du temps avec eux (pour en savoir davantage). On se sent prêts, mais ç’aurait été plus idéal pour les équipes que les espoirs rencontrent un docteur ou les thérapeutes athlétiques », a précisé Dorion. 

Après tant de mois d’attente, les Sénateurs ont évidemment presque complété leur classement en vue du repêchage. Ils profiteront tout de même du week-end avant l’événement pour procéder à des dernières réunions. 

Le report du repêchage en octobre permet d’ailleurs aux équipes d’ajouter quelques détails à leurs évaluations puisque certains joueurs européens ont renoué avec l’action. 

« Ce serait un peu bête de notre part de ne pas envoyer nos dépisteurs à ces parties. Ça peut servir à solidifier des avis sur eux. Les jeunes changent aussi au cours de l’été et ça ne fait que nous procurer du matériel supplémentaire pour les évaluer », a-t-il admis. 

Ces données peuvent être précieuses surtout que les équipes de la LNH seront privées de la présence de plusieurs recruteurs amateurs pour le repêchage. Avec la fermeture des frontières et les quarantaines imposées, les recruteurs américains et européens devront se contenter de participer à distance.  

« Malheureusement, je suis dans la LNH depuis plus de 25 ans et ce sera la première fois  que les recruteurs ne pourront pas tous être présents », a témoigné Dorion avec une pensée pour ceux qui parcourent la planète pour aider leur club. 

Un repêchage avec une vaste profondeur ? 

Si la marge d’erreur est augmentée par les restrictions actuelles, les Sénateurs sont toutefois privilégiés d’avoir autant de minutions à leur guise. Ils deviendront, à moins d’une transaction, la première équipe à choisir deux joueurs dans le top-5 depuis les Islanders en 2000 (Rick DiPietro et Raffi Torres).

« On a beaucoup de besoins, on a fini aux 30e et 31e rangs dans les dernières années. On a aussi beaucoup d’espoirs qui se rapprochent de la LNH », a noté Dorion alors que sa banque d’espoirs est perçue parmi les plus prometteuses. 

La position de centre apparaît comme une priorité pour ce club qui pourrait en sélectionner deux dans le top-5. Tim Stützle – certains le voient plus comme un ailier dans la LNH – ou Quinton Byfield sera disponible. S’ils veulent enchaîner avec un autre centre, ils devraient pouvoir choisir entre Marco Rossi ou Cole Perfetti notamment selon la décision des Red Wings de Detroit. 

« On obtiendra deux joueurs d’impact et c’est ce qui nous excite le plus. Je peux dire que ces joueurs vont jouer pour nous plus vite que bien des gens s’attendent », a confié Dorion qui doit attendre les gestes des Kings et des Red Wings. 

Aux dires du DG des Sénateurs, ce repêchage possède une vaste profondeur. Ce serait l’une des meilleures cuvées depuis qu’il évolue dans la LNH. Cette affirmation lui ajoute en quelque sorte une dose de pression. 

Éviter les raccourcis et aux jeunes d'assumer du leadership

Le visage des Sénateurs demeurera axé sur la jeunesse. Cette réalité va même s’accentuer puisque le gardien Craig Anderson ne recevra pas d’offre de contrat et Mark Borowiecki semble résolu à tester le marché des joueurs autonomes.

Dorion sait bien qu’il devra tout de même ajouter quelques vétérans à sa troupe. Son défi demeure de ne pas céder à l’idée d’emprunter un raccourci. 
 
« On n’a rien fait (comme transaction) jusqu’à présent parce que ça ne valait pas vraiment le coup. On veut respecter notre plan en évitant les raccourcis pour s’assurer d’avoir du succès à long terme. Cela dit, on doit s’assurer que nos jeunes joueurs seront bien entourés lors de la prochaine saison. [...] On va regarder pour ajouter des vétérans qui vont solidifier le développement de nos jeunes », a-t-il mentionné. 

Le grand enjeu demeure de miser sur suffisamment de leadership. Après les départs de Mark Stone et Matt Duchene, Borowiecki, Craig Smith, Cody Ceci et Jean-Gabriel Pageau devaient assumer ce rôle. Vous aurez deviné qu'ils auront tous quitté sous peu. 

« Je pense qu’ils (les jeunes) doivent se tourner vers eux-mêmes. C’est le temps pour certains de nos jeunes d’avoir une plus grande voix dans la chambre. Avoir une plus grande manière de démontrer l’exemple. On est rendus à l'étape dans notre plan durant laquelle les jeunes doivent prendre un pas vers l’avant. On doit aussi avoir quelques vétérans pour les supporter », a proposé Dorion. 

Cette évolution de la relève s’opère également avec l’aide des camps de développement et d’entraînement. En pause depuis mars, les Sens et les six autres équipes exclues du tournoi de relance de la LNH discutent avec l’Association des joueurs de la LNH et la LNH pour démarrer leur camp d’entraînement avant les autres clubs. 

Quant à un camp de développement – qui a lieu habituellement en été – son organisation est plus complexe.  

« On ne ferait pas venir un choix plus tardif au repêchage si on peut le laisser progresser dans le junior. On doit aussi penser aux espoirs des universités américaines. On ne veut pas leur faire manquer l’école pendant deux semaines si ça peut leur nuire. On doit regarder le portrait dans son ensemble et jauger le tout », a conclu Dorion qui ne manque pas de dossiers sur lesquels travailler. 

Le DG des Sénateurs a justement vanté l'entraîneur du conditionnement physique, Chris Schwarz, et ses adjoints Rob Mouland et Jeremy Benoit qui ont assuré un suivi plus serré avec les joueurs de l'organisation pendant cette longue attente.