Sénateurs : passer au prochain niveau
À ma 23e saison à titre d'analyste des Sénateurs d'Ottawa, « passer au prochain niveau » se devra d'être la devise et la mission première de l'organisation pour la saison 2022-2023, qui marquera aussi le 30e anniversaire de la franchise de la capitale nationale.
Certes, nourris par une combinaison d'excitation et de positivisme après cette traversée du désert des cinq dernières campagnes sans avoir la moindre chance de participer aux séries éliminatoires, les Sénateurs ont de quoi se réjouir.
À la suite de plusieurs ventes de feu, question de rebâtir contre vents et marées, voilà que du concret se pointe finalement à l'horizon pour plusieurs saisons avec un noyau de jeunes athlètes talentueux, audacieux, développés et élevés au sein même de l'organisation des Sénateurs, pour la forte majorité. Ils semblent prêts à relever le défi qui se présente devant eux dans un esprit et un contexte où ils doivent livrer des résultats et non dans des rôles de simples figurants.
Pierre Dorion aura été un directeur général très proactif dans l'entre-saison, et contrairement aux saisons précédentes, il a cru bon d'ajouter des éléments non-négligeables au noyau actuel pour les prochaines saisons grâce, entre autres, au budget des opérations hockey qui a été bonifié de façon significative. Et c'est tant mieux, car comme le dit la vieille expression : « No money, no candy! »
S'adapter à la nouvelle LNH
Avec beaucoup de panache, les ajouts de Claude Giroux et d'Alex DeBrincat au sein du top-6 de la formation ottavienne viendront inévitablement améliorer de façon significative la production offensive de la troupe de D.J. Smith, qui a terminé au 26e rang du circuit la saison dernière dans la colonne des buts marqués. Ottawa comptait en moyenne de 2,76 buts par match, dans un circuit qui en exige aujourd'hui trois et plus pour se donner une réelle option sur la victoire sans nécessairement négliger l'aspect défensif du jeu.
L'expérience d'un vétéran de la trempe de Giroux, reconnu pour ses qualités de leader et de passeur, et qui excelle dans le cercle des mises en jeu, combinée au talent et à la fougue du jeune DeBrincat, qui est déjà reconnu comme l'un des excellents finisseurs du circuit Bettman, font des Sens une équipe plus redoutable. De plus, ces deux ajouts ont réussi, dans un court laps de temps, à enlever une certaine pression sur les épaules de Brady Tkachuk, Josh Norris et Drake Batherson, qui seront encore plus difficiles à contrer pour leurs adversaires en raison d'une meilleure répartition de l'attaque cette année, une situation maintenant comparable aux meilleures formations du circuit.
Pour ce qui est du jeune joueur de centre d'origine allemande Tim Stützle, l'objectif premier sera de passer de « beau joueur » à « bon joueur » en affichant davantage de maturité dans son jeu, soit dans le souci du détail et dans la prise de décisions avec la rondelle, là où la tolérance de son entraineur devrait être bien moindre. Smith sera certainement plus rigoureux dans le développement et le cheminement de ce jeune surdoué, et ce, en évitant de le dénaturer bien évidemment.
Il ne faut pas non plus banaliser ou négliger l'apport offensif fort probable du trio composé de Tyler Motte, Shane Pinto et Mathieu Joseph. Les trois joueurs ont démontré une belle complicité et synergie au cours du camp préparatoire, eux qui formaient la troisième unité des Sénateurs. Ils peuvent sans aucun doute contribuer de différentes façons au succès potentiel de la formation.
Bref, une notion de la profondeur en attaque intéressante qui devrait représenter l'une des principales forces de l'édition 2022-2023 des Sénateurs d'Ottawa, et une certaine notion d'attraction pour le client payeur au Centre Canadian Tire d'Ottawa cette saison.
Très peu de marge de marge de manœuvre à la ligne bleue
Contrairement à l'attaque, le corps défensif des Sénateurs pourrait éventuellement, pour différentes raisons, représenter le talon d'Achille de l'équipe et avoir un impact direct sur la participation aux prochaines séries éliminatoires. Il y a un clairement écart d'équilibre entre l'attaque et la brigade défensive. Disons que certains soirs donnés, la défense pourrait représenter cette fine ligne entre la victoire et la défaite et causer plusieurs maux de tête à l'interne.
Vulnérable au plus haut point en lien avec les potentielles blessures dans une saison de 82 parties, cette brigade défensive est aussi en danger de surutiliser Thomas Chabot et Artem Zub au sein du premier duo, là où l'aspect fatigue pourrait se faire sentir rapidement lors de séquences de trois matchs en quatre soirs, en prenant en considération les longs voyages sur la route.
Jake Sanderson, aussi talentueux soit-il, devra apprendre les rudiments du métier dans un processus d'essais-erreurs aux côtés du vétéran Travis Hamonic, qui aura un rôle de grand frère. Puis, le troisième duo, dans la lecture d'aujourd'hui, serait probablement composé d'Erik Brannstrom et de Nick Holden, un duo qui pourrait aussi être à risque.
Malheureusement pour le DG des Sénateurs, sa quête de renfort des derniers mois à cette position des plus névralgiques n'a pas porté fruit. Dorion se retrouve peinturé dans le coin avec le dossier de Nikita Zatsev qui gagne 4,5 millions $ pour les deux prochaines saisons et qui restreint la marge de manœuvre de l'équipe à plus ou moins 4 M$ en termes d'argent disponible.
Le grain de sable que représente le vétéran défenseur de 30 ans dans le soulier du directeur général réduit ainsi considérablement la possibilité d'une nouvelle acquisition dans le champ-arrière.
Malgré qu'il soit un peu surévalué aux yeux de plusieurs, et du fait qu'il évolue du côté gauche, Jacob Chychrun des Coyotes de l'Arizona nourrit encore l'actualité dans l'environnement des Sénateurs, qui ont possiblement des éléments intéressants à mettre sur la table dans un ultime recours, que ce soit par de jeunes espoirs ou/et des choix aux repêchages.
L'arrière gauche de 24 ans est selon moi un défenseur top-4 et non top-2, et selon les discussions de couloir, le prix exigé demeure toujours hors norme de la part du directeur général des Coyotes, Bill Armstrong. Dans le contexte actuel, disons que c'est tout à fait normal de vouloir maximiser la valeur de son jeune défenseur considérant que ce dernier a lui-même revendiqué publiquement son désir d'être échangé.
Un dossier d'intérêt qui mérite d'être suivi de près advenant que le DG des Sénateurs réussisse à trouver preneur pour le contrat du défenseur Nikita Zatsev, tout en combinant un actif ou choix au repêchage pour créer l'espace nécessaire dans cette recherche de renfort.
En ce qui a trait à la position de gardien de but, le tout reste à prouver en lever de rideau. La blessure au vétéran gardien de 35 ans Cam Talbot pour encore quelques semaines ouvre la porte à Anton Forsberg, qui aura une opportunité de prouver sa réelle valeur. Malgré une fiche de 22-17-4 et une moyenne de 2,82 la saison dernière, le Suédois a connu un camp préparatoire couci-couça et il devra absolument relever son jeu d'un cran pour pallier à cette fragilité à la hauteur de la ligne bleue.
Oui, une possibilité de compétition à l'interne avec un Cam Talbot en santé pourrait se pointer à l'horizon, mais la constance devant le filet devra être au rendez-vous soir après soir question de demeurer des plus compétitifs.
En conclusion, D.J. Smith, contrairement aux précédentes saisons, sera scruté à la loupe en ce début de saison, alors que les attentes organisationnelles viennent tout simplement de passer à un autre niveau.
Smith devra s'assurer que la formation qu'il dirige, contrairement aux deux dernières saisons, évite de trébucher dans les deux premiers mois du calendrier régulier et ainsi se creuser sa propre tombe. Les Sens doivent profiter du fait qu'ils disputeront huit de leurs 12 premières parties à domicile pour bien entamer leur campagne.
Avec une attaque plus redoutable, plus productive et mieux répartie sur différents trios, les Sénateurs devraient également avoir une nette amélioration au niveau de l'avantage numérique, qui a terminé au 20e rang en 2021-2022 avec 47 buts marqués, ce qui était trop peu.
Évoluant dans la division Atlantique, peut-être la plus solide de la Ligue nationale, la formation de la capitale nationale devra être en mesure de rivaliser pour une des deux places d'équipes repêchées, malgré la multitude d'impondérables qui pourraient se produire en cours de saison pour les formations impliquées.
Bref, la saison s'annonce des plus excitantes, sans la garantie d'une participation à la danse du printemps. Or, chose certaine, la direction des Sénateurs a adopté une position qui ne laisse place à aucune interprétation, soit celle de passer au prochain niveau, et ce, dès cette année.
Bonne saison de hockey!