MONTRÉAL – « Ce n’est pas facile de justifier cette incohérence à nos jeunes. » Tandis que plusieurs ligues de hockey ont renoué avec le sport selon certains compromis, le hockey collégial doit encore patienter et Stéphan Lebeau souhaite que ça bouge plus vite. 

Cette incohérence, qui se constate sous différentes formes, continue donc provoquer la déception dans le milieu sportif scolaire au hockey. 

« Je suis obligé de me joindre à toutes ces voix qui parlent d’incohérence. Cette incohérence mène à l’incompréhension et à la difficulté d’expliquer à nos jeunes le pourquoi de ce qui se passe », a mentionné Lebeau, qui dirige l’équipe collégiale des Cougars du Collège Champlain-Lennoxville. 

« On est un peu, pas des victimes, mais dépendants des décisions des autorités. Pendant que le Junior majeur, le junior AAA, le Midget AAA et le hockey civil peuvent voir de l’action, on est confinés en attente de ce qui surviendra. Voilà ce qui est déplorable dans notre situation. Pour moi, c’est la plus grosse problématique », a-t-il ajouté, mardi matin, alors que ses joueurs voient, notamment via les réseaux sociaux, que leurs amis disputent des parties.  

Du côté positif, il a été déterminé, la semaine dernière, que le hockey collégial pourrait aller de l’avant cette saison. La manière demeure toutefois à déterminer et une rencontre importante est prévue, mercredi, entre le Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ) et les dirigeants des institutions collégiales. Disons que ce plan est attendu impatiemment par les joueurs et les entraîneurs. 

« On est rendus quasiment à la fin septembre, ça va très vite. Est-ce que ça se passera sous forme de bulles ? De parties hors-concours ? D’un genre de championnat ? Est-ce qu’on jouera avec des équipes complètes ou réduites de moitié ? », a exposé Lebeau qui compose avec plus de questions que de réponses. 

Précisons qu'on a tenté, sans succès, d'obtenir des entrevues avec le PDG du RSEQ, Gustave Roel, et le député libéral Enrico Ciccone, porte-parole de l'opposition officielle en matière de Sport et de Loisir, pour en savoir plus sur l'évolution du dossier.  

L’incohérence se remarque ainsi sur le sort actuel du hockey collégial par rapport aux autres ligues. On la constate aussi au sujet du délai dans la décision. On peut comprendre que les institutions académiques ont d’abord voulu statuer sur le sort du football, un sport d’automne, mais est-ce une attente justifiable pour le hockey ? 

« Quand on regarde ce qui s’est passé dans les autres circuits, c’est sûr que des gens ont été plus proactifs quitte à modifier le plan établi en cours de route. Le hockey mineur n’a pas eu le choix d’arrêter, mais ils avaient un plan en place. Le hockey scolaire, ce fut beaucoup plus long comme processus. Pourquoi c’est aussi long par rapport aux autres circuits, je ne peux pas l’expliquer », a témoigné Lebeau. 

« On a arrêté de jouer au hockey en mars, on est rendus près de la fin septembre et on n’a pas encore de plan. Je comprends qu’on doive attendre le OK de la Santé publique, mais les autres sports et les autres circuits en avaient besoin également. Est-ce que ça s’explique par le fait qu’on est dans un milieu scolaire et que ça complique les prises de décisions, peut-être », a-t-il poursuivi. 

L’incohérence frappe également quand Lebeau voit certains de ses joueurs aller disputer des parties préparatoires dans la LHJMQ. À leur retour dans un environnement collégial, ils doivent s’armer de patience de nouveau. 

Des décisions contradictoires de la Santé publique

L’incohérence se manifeste également dans les décisions de la Santé publique. Lebeau a soulevé un exemple qu’il connaît bien puisque c’est survenu au sein de son équipe.  

« Un de nos joueurs a eu un contact potentiel avec un cas positif à la COVID-19 et son test a été négatif. La Santé publique lui a quand même dit qu’il devait rester 14 jours en confinement. Mais j’ai un autre joueur qui a vécu la même situation et, lui, a eu la permission de relancer ses activités immédiatement. Deux cas dans la même équipe, deux discours différents », a soulevé Lebeau. 

L’autre incohérence dénoncée par le milieu sportif, c’est la nouvelle mesure selon laquelle une équipe sportive scolaire doit cesser ses activités pendant 10 à 14 jours dès qu’un cas positif est confirmé dans son école. 

« Cette mesure, c’est la même chose. C’est de savoir si c’est la bonne décision. Nous, à Champlain, on a des cas, mais nos équipes sportives continuent de pratiquer. L’équipe féminine est arrêtée parce qu’il y a eu des cas dans l’équipe donc elles sont en pause jusqu’au 1er octobre. Nous, vu que notre cas n’a pas côtoyé ses coéquipiers, on continue nos activités », a raconté Lebeau qui apprend à gérer un contexte si particulier. 

D’ailleurs, les entraînements ont été bouleversés la semaine dernière.  

« On n’a pas eu de pratiques parce que des joueurs avaient possiblement été en contact avec des cas positifs. Par mesure de prévention, on a arrêté nos activités. C’est toute cette nouvelle réalité qui fait que ce n’est pas facile à gérer ni pour les joueurs, ni pour les entraîneurs », a-t-il admis. 

Malgré tout, Lebeau ne veut surtout pas s’en prendre à la Santé publique. Il sait bien que c’est un dossier très complexe et délicat.  

« En même temps qui suis-je pour prendre ces décisions ou les critiquer. Il faut être prudent. Mais si un cas n’a pas contaminé son entourage de l’équipe, pourquoi pénaliser tout le monde ? », a-t-il noté. 

Lebeau voit également le portrait évoluer alors que le Québec embarque dans la deuxième vague. Ainsi, est-ce plus prudent à ses yeux de faire l’impasse sur cette année sportive ou est-ce préférable d’en ajuster le format ?

« C’est là le débat, de toute évidence, les activités feraient du bien aux jeunes. Mais l’enjeu demeure de savoir qui a raison. Est-ce que ce sont ceux qui avancent avec les activités ou ceux qui jouent de prudence ? C’est difficile de trancher là-dessus. Mais je souhaiterais quand même voir une forme de cohérence dans les décisions », a exprimé l’ancien joueur de la LNH. 

Quelques dirigeants d’institutions académiques estiment que le volet académique devrait avoir préséance sur les activités parascolaires. Richard Myre, le directeur général du Collège Jean de la Mennais, l’a confirmé publiquement à La Presse. Quand il réfléchit à ce contexte, Lebeau finit par revenir à l’incohérence. 

« On est sur le campus de Bishop’s et ce sont deux institutions qui jouent de prudence et c’est difficile de critiquer cette approche. Mais, en même temps, il y a des gens qui devraient être décisionnels et donner des lignes de conduite claires et directes à tout le monde. On est censés être tous dans le même bateau, on devrait avoir les mêmes règlements. Voilà ce qu’on doit souhaiter. À savoir s’ils ont raison ou tort, c’est un autre débat selon ta perception de la crise. Que tout le monde soit traité de la même manière, qu’il y ait une ligne directrice. Ce serait beaucoup plus simple à gérer », a souhaité l’entraîneur. 

Chose certaine, Lebeau reconnaît qu’une annulation de la saison aurait des conséquences négatives sur la motivation sportive et/ou scolaire de quelques jeunes. 

« Oui, je suis là pour enseigner le hockey, mais surtout pour leur enseigner la persévérance et la capacité d’adaptation pour passer à travers des adversités dans un contexte d’équipe, de société ou entre des individus », a exposé Lebeau qui a salué la capacité d’adaptation de ses joueurs. 

« Ils comprennent qu’ils doivent faire des sacrifices et que la situation est vraiment hors de l’ordinaire. La majorité s’adapte et comprend que ça exige des compromis. Bien sûr, au début, il faut faire beaucoup d’enseignement et de sensibilisation. Ils s’aperçoivent qu’ils peuvent avoir un impact sur ce qui se passe. Mais, au final, ça revient toujours à pourquoi je dois faire ces sacrifices tandis que les autres ne sont pas obligés de le faire. Si c’était uniforme partout - tout le monde joue ou personne ne joue - les jeunes sont capables de comprendre que c’est une situation extrême et que ça exige des décisions délicates », a-t-il conclu.