Jouer dans la Ligue nationale de hockey (LNH), c’est le rêve d’enfance de tous les hockeyeurs nord-américains. Les francophones ne font pas exception à la règle. Endosser l’uniforme du Club de hockey canadien ou de futurs Nordiques, tout Québécois sachant manier un vieux « Sher-Wood » y a rêvé un jour ou l’autre.

Il faut toutefois être réaliste. Hockey Canada dispose de 92 000 joueurs de hockey sénior. Il y a donc beaucoup de candidats et peu d’élus. Beaucoup de petits joueurs habiles sont laissés pour contre par les clubs de la LNH à cause de leur gabarit. D’autres subissent la mauvaise blessure au mauvais moment avant d’être rejetés par le système. Il leur faut donc s’expatrier outre-mer pour ne pas pourrir éternellement dans la Ligue américaine.

Mathieu Carle et Martin St-Pierre, deux anciens du système du Club de hockey canadien, ont trouvé refuge dans la Ligue continentale de hockey (KHL). Le Medvescak de Zagreb, un club croate fondé en 1961, donne la chance à nos compatriotes de relever le défi des ligues majeures. Ce club a la plus petite masse salariale du circuit, mais il est une extraordinaire fenêtre pour se faire valoir aux richissimes clubs russes.

Mathieu Carle« C’est pour avoir de la visibilité, explique St-Pierre. L’année passée, avec les Bulldogs, j’ai eu une saison pas mal moyenne. C’était donc difficile pour moi, l’été passé, d’avoir un boulot dans la KHL. J’ai donc accepté une petite baisse de salaire. Je voulais me tremper les pieds dans la Ligue continentale. »

Martin n’en est toutefois pas à son premier séjour dans le circuit eurasien. En début de saison 2010-2011, l’Ottavien a joué huit matchs pour le Neftekhimik, un club situé à Nijnekamks au Tatarstan. Il a aussi joué 14 matchs en banlieue de Moscou, une année avant la fondation de la KHL, avec le Khimik de Mytichtchi, à l’automne 2007.

« Les Russes, ils ne veulent surtout pas prendre de chances. Mes deux premières années en Russie, ça m’a tué. La 1re année, je suis partie selon mes propres termes. La 2e fois, à Nijnekamsk, tous les importés s’étaient fait racheter. »

Mathieu Carle (photo) tente lui aussi d’attirer l’attention des grands clubs sur lui. Après une 1re saison écourtée avec le Dinamo de Riga, en 2012-2013, le défenseur québécois est revenu à la KHL grâce au Medvescak. Malgré un bon début de saison, l’ancien des Bulldogs n’a pas été réclamé par les équipes russes.

« Le problème, c’est que je me suis fait opérer dans le dos au mois de février. J’avais arrêté de jouer au mois de décembre. J’avais une très bonne saison. Je jouais 25 minutes par match. J’avais à peu près le même nombre de points que cette année, donc ça allait bien. Malheureusement, mon opération au dos a freiné les autres équipes. »

Carle a dû se résoudre à demeurer à Zagreb, mais il ne s’en attriste pas outre mesure.

« Je n’avais pas le choix, puisque j’avais un contrat de deux ans, de rester dans la KHL. Dans le cas où aucun autre club ne me réclamait, je me devais de rester à Zagreb. À vrai dire, ça faisait mon affaire. J’ai beaucoup de temps de glace. Je suis une partie important de l’équipe, puis j’aime ça, la KHL. »

Pas de problèmes avec le rouble

Nos « francos » se plaisent dans la KHL malgré qu’ils ne gagnent pas encore de gros salaires. Ils ont toutefois été chanceux de jouer pour le Medvescak cette année. La chute du rouble russe, qui a beaucoup fait parler dans les médias nord-américains, ne les a pas du tout affectés.

« Nous autres, on est l’équipe la plus basse de la ligue en fait de masse salariale, mais on est payé en dollars américains, explique St-Pierre. On est chanceux de ce côté-là. J’ai bien des amis qui jouent dans la ligue. Ils ont payé en début juillet et ils ont perdu 20 % ou 30 % de leur salaire. En plus, on est toujours payé dans les temps. »

Même son de cloche du côté de Mathieu Carle. La peur des fluctuations du rouble ne fait pas partie de son quotidien.

« Nous, c’est en dollars américains. L’équipe nous paye toujours à l’heure. C’est toujours les bons montants. On n’a aucune raison de se plaindre de ce côté-là. On a une toute petite masse salariale. Ça aide. »

Une colonie française en Croatie

Le Medvescak de Zagreb est le club le plus nord-américain de la KHL. Des 26 joueurs sous contrat avec la formation, 13 sont de nationalités sportives canadienne ou américaine. On peut ajouter au groupe le Manitobain Andrew Murray et l’Ontarien Mike Glumac, qui aujourd’hui défendent les couleurs de la Croatie dans les compétitions internationales.

On trouve, en fait, seulement six Croates d’origines, puisque d’autres étrangers ont aussi été mis sous contrat par l’équipe. Martin St-Pierre et Mathieu Carle ne sont donc pas très dépaysés à Zagreb. Ils ont même l’occasion d’y parler français sur une base quotidienne, puisque Pascal Pelletier et Éric Beaudoin défendent aussi les couleurs du Medvescak et qu’on trouve deux anglophones francisés au sein de la formation.

« Brent Segal vient de la Colombie-Britannique et il comprend le français. Kurtis McLean est Ontarien et il parle bien le français. C’est vraiment plaisant, mais la langue de travail, ça demeure l’anglais. C’est pour s’assurer que tout le monde se comprend. Les Croates en font de même. »

On trouve même un Croate francophone au sein de la formation. Dario Kostovic est né à Split, en Croatie, mais il a grandi en Suisse où il a appris le français à l’école. Mathieu Carle se plaît dans cette petite colonie française.

« C’est le fun d’être plusieurs à parler français. Certains le parlent difficilement, mais ils le comprennent très bien. À part Hamilton, c’est la 1re fois que je vis cela. C’est certain que ça fait du bien de parler français de temps en temps. »

Cette saison, Martin St-Pierre a compté 9 buts et il a amassé 23 aides pour produire 32 points en 46 joutes au sein du Medvescak à sa 1re saison dans la KHL. Le joueur de centre de 31 ans a joué 39 joutes en carrière dans la LNH, dont 1 avec le Canadien.

Mathieu Carle a marqué 1 but et il a récolté 14 aides pour un total de 15 points en 37 matchs cette saison. Le Gatinois a été repêché en 2e ronde par le Tricolore en 2006. Il a joué quatre de ses cinq saisons dans la Ligue américaine de hockey (AHL) avec les Bulldogs de Hamilton.