MONTRÉAL – Les défis sont si nombreux à Hockey Québec qu’on a presque envie de dire que Jocelyn Thibault entame un mandat plus exigeant que celui d’être le gardien numéro un du Canadien de Montréal. Sans détenir toutes les réponses à son entrée en poste, Thibault veut, avant tout, changer le ton qui mine le hockey mineur québécois.

Le problème perdure depuis trop longtemps, mais le nouveau directeur général de Hockey Québec a décidé d’en faire sa principale mission. Et inutile de prendre le temps d’analyser le tout comme il devra le faire avec les autres dossiers. 

« Je veux m’y attaquer dès maintenant. Changer l’élément folklorique du hockey mineur; le ton et l’ambiance. Il faut vraiment se prendre en main parce qu’on a vu qu’on perd des joueurs, des joueuses et des arbitres. Le mandat que je me donne, c’est de ramener nos jeunes sur les patinoires, de ramener le plaisir, de repenser le développement de nos joueurs, nos joueuses et d’entrer le hockey dans une ère moderne », a insisté Thibault lors de son premier point de presse. 

L’évidence, c’est que ce ton, trop souvent malsain, aurait dû être évacué depuis des lunes. Thibault ne possède donc pas la solution magique pour l’instant. 

« La première étape, c’est qu’il faut en parler. Personnellement, j’ai été témoin de beaucoup plus de belles expériences dans le hockey mineur. Prenons la crise des officiels, qu’on a vécue récemment. Si une de mes filles m’avait dit, il y a quelques années, qu’elle voulait arbitrer, je ne suis pas sûr que je lui aurais conseillé de le faire. Donc la première chose, c’est de reconnaître qu’il faut aller ailleurs », a commenté Thibault. 

« Je ne veux plus jamais qu’un arbitre ne vienne pas arbitrer parce qu’il y a eu des bêtises ou qu’un entraîneur lâche sa fonction d’entraîneur parce que ça fait 14 000 courriels de bêtises qu’il reçoit », a-t-il ajouté. 

« Ce changement de culture est extrêmement important, c’est la base de tout. Si on ne se dit pas les vraies choses à un moment donné, ça ne changera pas. C’est la raison principale pour laquelle je me suis impliqué. Ça va prendre quelques années, mais si on ne se dit pas que c’est assez, ça risque de perdurer », renchéri Thibault. 

Évidemment, l’autre dossier prioritaire s’avère l’inquiétante baisse des inscriptions (autour de 20% au bas de la pyramide comparativement à il y a cinq ans). De plus en plus, les jeunes sont exposés à une multitude d’options et le hockey séduit moins les familles que ce soit pour des raisons économiques, d’horaires ou du manque de plaisir relié au contexte de confrontation.  

« Il faut se projeter dans 5-10 ans et penser à ce que les jeunes et les familles veulent. On doit entamer cette réflexion rapidement. [...] On est la province qui est constamment en régression depuis 12 ou 13 ans. On ne veut plus voir ça, on veut que ça augmente », a reconnu Thibault.

Le hockey québécois doit se reprendre en main, croit Jocelyn Thibault

Plusieurs jeunes ont également quitté le hockey mineur car l’accent est accordé à l’élite en très bas âge, souvent avant 10 ans. Des hockeyeurs se sentent exclus de belles possibilités et d’autres finissent par se lasser des exigences trop élevées de ce hockey d’élite incluant le hockey estival. 

« Dans la LNH, il y a plein de joueurs qui n’évoluaient pas dans le Midget AAA à 15 ans. Il faut comprendre le message. Est-ce qu’on spécialise nos jeunes trop vite ? Probablement. Est-ce que le sport est assez accessible financièrement et au niveau du temps ? On veut qu’ils aient du plaisir pour continuer. Il faut rendre le hockey encore plus attrayant », a déclaré Thibault qui entend aussi mieux développer l'élite québécoise. 

Dans l’équation, on ne doit pas oublier le hockey scolaire qui attire des jeunes. Tristement, il existe une rivalité inutile entre le hockey civil et scolaire. 

« Le hockey scolaire est un outil extraordinaire et je suis en faveur de ça. Depuis plusieurs années, la structure civile et la structure scolaire sont peut-être plus en opposition qu’en collaboration même s’il y a eu quelques efforts, a convenu le nouveau DG. 

« Si on parle de moderniser le hockey et de le rendre plus intéressant pour les jeunes familles, le hockey scolaire, c’est ça. On veut le plus possible professionnaliser nos entraîneurs et ça répond à ce critère. On veut que nos familles aient plus de temps pour d’autres loisirs. De façon générale, le hockey scolaire vient donner des solutions », a témoigné Thibault avec franchise. 

« Il faut arrêter de se chicaner. On veut mieux structurer les choses pour que le jeune et les parents aient plein d’options », a-t-il évoqué. 

Le hockey civil a souvent écopé dans le sens qu’il ne dispose pas toujours de ressources comparables au volet scolaire. Cette réalité a provoqué bien des tensions et il s’est formé une véritable déconnexion entre les bureaucrates de Hockey Québec et les bénévoles du hockey mineur qui se démènent avec peu d’appui pour gérer les équipes. 

« C’est l’un de mes gros défis. Je n’ai pas la réponse à la question aujourd’hui, mais je veux qu’on outille nos associations de la meilleure façon possible parce que ce sont elles qui ont le contact, au quotidien, avec le parent, l’entraîneur ou le joueur », a souhaité Thibault. 

Ce n’est pas tout, la déconnexion s’est même installée au sein des bureaux de Hockey Québec durant le règne de Paul Ménard comme directeur général. Le confrère Martin Leclerc en a bien dressé le portrait déplorable de ce climat toxique au cours des derniers mois. Un rapport, qui n’a pas été rendu public, a été publié.

« Pour moi, c’est une grande fierté de travailler pour Hockey Québec et d’avoir une influence sur notre sport national. Je souhaite qu’ils retrouvent cette flamme. L’autre élément, c’est de valoriser leur expertise », a réagi Thibault. 

Précisons ici que Thibault a rencontré les médias en compagnie du président du conseil d’administration Yve Sigouin. Ce dernier est loin de s'être empressé de condamner les gestes de Ménard et il est toujours en poste. 

Terminons sur une note plus optimiste. Thibault a eu le courage d’émettre un souhait d’envergure. 

« Je me suis vraiment senti interpellé, je veux rassembler la communauté hockey et pousser notre fédération à devenir l’une des meilleures au monde, une référence. Je veux qu’on soit fiers de notre hockey ici. Ça va prendre du temps, mais c’est ça qui m’allume », a proposé Thibault qui a obtenu l’appui du premier ministre François Legault et de la ministre Isabelle Charest vers cet objectif. 

Un mandat de cinq ans lui a été confié et, pour avoir écrit sur plusieurs structures inspirantes au hockey européen, on finit par se dire qu’il aura besoin de plus de temps pour y parvenir. 

Ça tombe bien, Thibault juge que le moment est approprié puisque ses trois filles poursuivent leurs études aux niveaux collégial et universitaire. Après son parcours de hockeyeur, d'entraîneur et de gestionnaire, il ne recule pas devant cet autre grand défi.