RDS.ca - Au milieu des années 80, des milliers de jeunes québécois idolâtrent le gardien de but Patrick Roy et rêvent de jouer pour le Canadien de Montréal. C’est tout le contraire pour le Montréalais Félix Potvin qui a grandi en détestant le tricolore et en admirant plutôt les Islanders et leur gardien de but Billy Smith. Passionné par le hockey dès son jeune âge, les goûts de Potvin étaient peu orthodoxes, tout comme son style devant le filet. Même s’il ne rêvait pas d’accéder un jour à la Ligue nationale, son destin en décidera autrement et le portier de nature calme et discrète obtiendra l’un des postes les plus scrutés dans le monde du hockey : gardien de but numéro un des Maple Leafs de Toronto.

À ses débuts dans le hockey organisé, Potvin est un attaquant mais il lorgne le poste de gardien de but. Son souhait se réalise au niveau atome où il effectue ses débuts entre les poteaux. Puis à l’âge de 14 ans, Potvin découvre un style de musique qui définit son image : le punk rock. À l’instar de la musique, le hockey prend de plus en plus de place et Potvin gradue dans le Midget AAA où ses deux passions entrent en conflit en raison des règlements plus serrés, notamment au niveau du code vestimentaire. Le gardien doit laisser tomber sa coiffure punk. Il sent sa liberté lui glisser sous les pieds et songe même à abandonner le hockey. Grâce à l’influence de son père qui lui conseille de se donner une chance avant de tout laisser tomber, Potvin prend la décision de continuer à jouer au hockey, une décision qui le mènera très loin!  

En plein contrôle devant son filet, l’adolescent tombe dans l’œil de plusieurs équipes de la LHJMQ. Les Saguenéens le sélectionnent au deuxième tour en 1988. Âgé de seulement 16 ans, il quitte le nid familial et prend le chemin de Chicoutimi. Il connaît du succès à sa première saison dans la LHJMQ et attire déjà l’attention des équipes de la LNH.

À 17 ans, il se présente au Minnesota confiant d’entendre son nom lors du repêchage de la LNH en 1989. Les rondes passent et Potvin trouve le temps long. Il quitte l’aréna penaud après avoir été ignoré par les 21 équipes. C’est un premier coup dur pour le gardien qui est démoli par cette épreuve. Voudra-t-il continuer à jouer au hockey?

Celui qu’on surnomme Félix le Chat décide de sortir ses griffes! Il revient en force à sa deuxième saison avec les Saguenéens et se présente à une autre séance de repêchage de la LNH, à Vancouver en 1990. Au deuxième tour, il est soulagé d’entendre son nom prononcé par les Maple Leafs. Félix est sur un nuage mais il doit rapidement redescendre sur terre pour se préparer à sa troisième saison junior. C’est une année charnière pour le gardien reconnu pour son calme légendaire alors qu’il remporte la médaille d’or avec Équipe Canada junior avant de mettre la main sur le trophée Jacques Plante (LHJMQ), en couronnant le tout avec la coupe du Président! Il vise ensuite la coupe Memorial mais Potvin et les Sags subissent une défaite crève-cœur en demi-finale face aux Voltigeurs de Drummondville. Ses succès ont convaincu les Leafs qui le placent devant le filet pour quatre matchs au début de la saison 1991-92 avant de l’envoyer faire ses classes dans la Ligue américaine, à St.John’s. L’entraîneur-chef du club-école, Marc Crawford, est impressionné par Potvin qui lui rappelle un certain…Patrick Roy. Potvin brille devant le filet et il reçoit les titres de recrue de l’année et meilleur gardien de la Ligue américaine. Prochaine étape? Se tailler une place à Toronto mais l’adaptation n’est pas si simple.

« La pression est grosse à Toronto. Tout le monde parle de la pression qu’il y a à Montréal, mais c’est une aussi grosse ville de hockey. Puis là-bas, les médias sont tous anglais, moi je ne suis pas super à l’aise au début en anglais. Il y avait eu beaucoup de changements à Toronto. Pat Burns était arrivé. Il avait été chercher Grant Fuhr l’année d’avant. C’était un gardien établi, un très bon gardien. J’étais l’auxiliaire à Grant. J’ai été son co-chambreur. C’est un gars extraordinaire. J’ai appris beaucoup de lui. »

Au cours de la saison 1992-93, Fuhr se blesse et une porte s’ouvre pour le poste de gardien numéro 1. Félix saisit l’occasion et il confiance et en popularité.

Cette saison-là avec Potvin comme verte recrue devant le filet, l’équipe fait partie de la danse du printemps. Toronto bat les Red Wings en sept matchs avant de réserver le même sort aux Blues. L’équipe commence à rêver à la coupe Stanley mais Wayne Gretzky et les Kings tournent ce rêve en cauchemar en battant Toronto lors de la série suivante, en finale de l’Association Clarence Campbell.  

Malgré la déception, le Chat retombe sur ses pattes la saison suivante et décroche le poste de gardien partant du Match des étoiles. En séries, Toronto connaît encore du succès mais s’incline au troisième tour face à Vancouver. Après deux saisons prometteuses, les attentes sont élevées envers Potvin et les Leafs mais ils connaissent une période difficile : deux éliminations rapides (1995, 1996) suivies d'une exclusion des séries les deux années suivantes (1997, 1998). À l’aube de la saison 1998-99, Potvin est surpris par une décision des Leafs qui embauchent le gardien de but Curtis Joseph. La frustration s’accumule pour Potvin qui est finalement envoyé aux Islanders de New York, l’équipe de son enfance. Par contre, les Islanders n’ont pas leur lustre d’antan et ils en arrachent sur la patinoire. Après un court séjour à Long Island, Potvin est encore échangé, cette fois à Vancouver. Ce changement d’air est difficile pour le gardien. Les partisans vivent une relation amour-haine avec lui et il est souvent hué dans son propre aréna. À travers cette épreuve, Potvin ne se sent pas appuyé par l’organisation et il est envoyé dans la Ligue américaine. La confiance du gardien de 29 ans est ébranlée et il s’interroge sur la suite de sa carrière.  Il fait ses valises à nouveau lorsque les Canucks l’envoient aux Kings. Il passera trois saisons sous les palmiers de Los Angeles où il retrouvera le plaisir de jouer.

Potvin terminera sa carrière avec les Bruins en 2003-04.

Ayant toujours le feu sacré après avoir accroché ses patins, Potvin devient entraîneur-chef des Cantonniers de Magog dans la ligue Midget AAA et travaillera plus d’une décennie avant de quitter son poste en 2021. Homme de famille et grand-père depuis peu, il a pris cette décision afin de passer plus de temps avec ses proches.

En 12 saisons dans la LNH, Potvin n’a jamais eu l’occasion de soulever la coupe Stanley mais il a laissé sa marque parmi les gardiens de but québécois, récoltant 266 victoires.

*Ne manquez pas l'émission Trajectoires mettant en vedette Félix Potvin, présentée ce vendredi à 23 h 30 sur nos ondes.