MONTRÉAL – Auteur d’un modeste parcours de 108 parties dans la LNH ponctuée de 394 minutes au banc des punitions, Gordie Dwyer a traversé l’Atlantique pour entamer un chapitre fort intéressant d’une carrière d’entraîneur qui s’annonce plus prometteuse.

L’histoire de Dwyer a prouvé que la vie fait parfois bien les choses. Congédié après un règne de quatre ans par les Islanders de Charlottetown de la LHJMQ, l’ancien homme fort a été embauché pour relancer l’équipe de Medvescak basée dans la ville enchanteresse de Zagreb en Croatie.

À 37 ans seulement, Dwyer se sent plus que privilégié d’être le seul autre entraîneur nord-américain dans la KHL en compagnie de nul autre que Mike Keenan. Bien conscient qu’il a encore des croûtes à manger, celui qui a porté les couleurs du Canadien pendant 13 matchs n’a pas hésité à faire le saut.

« Ça s’est fait rapidement. Quand j’ai perdu le poste à Charlottetown, c’était décevant, mais j’étais fier de ce que j’avais accompli avec l’organisation. J’ai eu des pourparlers avec différentes équipes aux niveaux junior et professionnel. L’occasion s’est présentée et c’était un bon moment pour moi en tant que jeune entraîneur de pouvoir accéder à une ligue de ce calibre », a décrit Dwyer lors d’une généreuse conversation avec le RDS.ca durant laquelle il a tenu à s’exprimer dans son français plus que respectable.

Malgré son profil intrigant, l’offre d’emploi des Ours n’est pas aboutie sur son bureau ou dans sa boîte de courriels par enchantement. Mais puisque le monde du hockey est petit – comme l’expression le veut – Dwyer a eu vent de cette disponibilité par l’entremise de Mark Flood, un joueur originaire de l’Île-du-Prince-Édouard qu’il connaît depuis plusieurs années.

Rapidement, il a émergé comme le candidat idéal pour relever ce défi outre-mer.

Gordie Dwyer« J’ai eu des discussions avec l’équipe et le directeur Aaron Fox (originaire du Minnesota) qui connaît bien le hockey nord-américain. Après une entrevue téléphonique et une autre via Skype, j’ai reçu une offre et je me suis présenté en juin en Croatie pour visiter la ville, rencontrer l’organisation et rendre ma décision », a relaté Dwyer.

Évidemment, le constat demeure précoce, mais l’équipe croate semble avoir opté pour un choix judicieux. À la suite d’un camp d’entraînement relevé, la troupe de Dwyer n’a subi qu’un deux revers en temps régulier en huit matchs.

« Oui, c’est assez positif comme début. Ce n’est pas nécessairement une surprise, mais on est content de ce départ », s’est réjoui le père de trois garçons.

Pour l’instant, les protégés de Dwyer sont parvenus à se hisser dans le peloton de tête dans l’Association Ouest même si le mandat s’annonçait colossal pour le nouveau patron.

« En tant qu’organisation, on a commencé notre troisième année dans la KHL, mais on se fie sur beaucoup de nouveaux éléments et des joueurs provenant de 11 différentes nations au total », a-t-il exprimé avec cette statistique étonnante.

« Dans le fond, on forme pas mal une nouvelle équipe et on se concentre à développer notre identité. Les joueurs ont accepté le plan, basé sur la vitesse et l’exécution, tandis que les nouveaux venus ont bien contribué.»

« Lost in translation » par moments ?

Les histoires d’horreur entourant la KHL n’ont pas manqué par le passé, mais le circuit, qui regroupe aussi des équipes de la Russie, du Bélarus, du Kazakhstan, de la Lettonie, de la Slovaquie et de la Finlande, a redoré son blason. Jusqu’à présent, Dwyer n’a aucune critique à exprimer même s’il a ressenti quelques craintes plus que normales avant d’embarquer dans cette aventure.

« Quand on se lance dans un projet semblable, ça vient plus souvent qu’autrement avec certains obstacles. Par exemple, je devais en abattre beaucoup de boulot pour me familiariser avec la ligue et les équipes ou préparer la mienne. Il y a aussi une question d’adaptation et de voyagement, mais je perçois ça comme des défis », a témoigné celui qui a également enfilé le gilet des Rangers et du Lightning dans la LNH.

Le choc n’est pas autant brutal que celui vécu au Japon par l’acteur Bill Murray dans le film Lost in Translation (dans lequel il partage la vedette avec Scarlett Johansson), mais Dwyer avoue que le déménagement en Croatie nécessite des ajustements.

« C’est évident qu’on n’est pas au Québec ou au Canada, il y a des changements culturels un peu, mais je suis ouvert à ça. J’ai eu des expériences européennes comme joueur en Suède et en Allemagne. J’ai vraiment aimé ces épisodes positifs dans ma carrière donc j’ai embarqué dans ce projet avec l’esprit ouvert et avec l’intention de faire ma marque », a évolué Dwyer qui a renoncé à sa carrière de joueur en 2008. Gordie Dwyer

Préparé pour cette réalité, Dwyer doit cependant s’habituer à la partie la plus éprouvante de son déplacement à des milliers de kilomètres soit d’être éloigné de ses enfants et sa femme.

« Ils sont venus me visiter pendant près de trois semaines avant le début de l’école et ils seront de retour un peu avant Noël pour un voyage plus long », a indiqué Dwyer qui ne voulait pas sacrifier un élément important à ses yeux après avoir joué dans les milieux francophones de Hull, Laval, Beauport, Drummondville et Québec dans la LHJMQ.

« Même si on vit dans un milieu anglophone, ils fréquentent une école francophone à Charlottetown. Notre plus jeune commence l’école et on voulait qu’il soit dans ce milieu. Oui, il y a des aspects familiaux à gérer, mais je voyais ça comme des choses qui font partie du métier et on était prêt à faire ces sacrifices pour que je puisse progresser comme entraîneur », a confié l’homme né au Nouveau-Brunswick.

L’adaptation aurait sans doute été plus pénible dans une destination moins attrayante que Zabreg. Cette ville de près d’un million d’habitants affiche également une tradition emballante pour le hockey. Les Ours y règnent depuis 1961 dans différentes ligues et ils ne sont pas bien loin derrière le Dinamo (l’équipe de soccer qui vient d’atteindre la Ligue des champions) dans le cœur des gens.

« Le sport est très important ici. Il ne faut pas oublier le basketball et d’autres sports comme le water-polo et le handball qui demeurent très populaires », a noté Dwyer qui raffole de l’ambiance dans leur rustique aréna. 

« L’ambiance est reconnue dans la KHL comme l’une des meilleures avec des chants et des drapeaux. On est bien accueilli avec des assistances de plus de 5000 personnes par match. Notre édifice est un peu vieux, mais l’ambiance est excellente. »

Disposant de moyens plus limités que certaines riches organisations de la KHL, l’équipe de Dwyer ne peut guère se permettre d’offrir des contrats mirobolants, mais elle est tout de même parvenue à attirer Gilbert Brule.

« On est une équipe qui trouve des athlètes dans plusieurs pays, mais il faut trouver des joueurs de qualité à un bon prix. On n’a pas le même budget que Saint-Pétersbourg, Moscou et compagnie. Ça prend des joueurs qui veulent se démarquer dans la KHL et signer des contrats plus lucratifs par la suite ici ou ailleurs », a révélé celui qui n’a pas encaissé plusieurs millions dans la LNH.

« Gilbert se retrouve dans la même situation que d’autres joueurs, ils doivent trouver une place pour jouer avec un niveau assez relevé pour continuer de se développer comme athlète. Quand on lui a présenté l’offre, on lui a dit qu’il aurait l’occasion d’être un joueur d’impact pour un personnel nord-américain qui le respecte », a enchaîné Dwyer qui dirige l’équipe en anglais pour faciliter le tout.

En plus de ses fonctions derrière le banc, Dwyer est emballé par l’occasion d’avoir son mot à dire dans l’élaboration de l’effectif et ses contacts en Amérique du Nord sont rapidement devenus précieux.

Mais outre le fait de contribuer à la cause de l’équipe croate, de telles expériences viendront garnir son curriculum vitae pour retourner dans la Ligue nationale où il pourrait rester plus longtemps cette fois.

« Peu importe le milieu, il faut avoir un but ultime et le mien demeure d’être entraîneur dans la LNH. Je suis jeune donc je me concentre à développer mes aptitudes. Je vais sortir grandi et gagnant de diriger dans la KHL à cet âge », a conclu Dwyer avec ambition.