MONTRÉAL - Les anecdotes savoureuses vont fuser de partout, dimanche, à l'occasion du match d'adieu de Guy Lafleur au Centre Bell.

Les anciens coéquipiers du Démon blond Steve Shutt, Guy Lapointe, Rod Langway et Chris Nilan, ainsi que des adversaires de la belle époque tels que Marcel Dionne, Gilbert Perreault, Bryan Trottier, Billy Smith, Darryl Sittler et Brad Park, seront parmi les invités attendus. Ils vont jouer un peu au hockey, mais ils auront surtout des tas d'histoires à raconter...

D'autres joueurs, entraîneurs et dirigeants ont par ailleurs accepté de partager ce qu'ils ont vécu aux côtés de Lafleur lors de récents entretiens avec La Presse Canadienne.

Croisé la semaine dernière au Centre Bell, où il agissait comme dépisteur professionnel des Panthers de la Floride, Pete Mahovlich a raconté une séquence de jeu impliquant Lafleur qu'il a toujours fraîchement à la mémoire.

"C'était lors d'un match contre les Capitals de Washington, je crois. J'étais le porteur de la rondelle et un joueur adverse est venu à ma rencontre, au moment où j'ai atteint ma propre ligne bleue", a décrit celui qui a pivoté le trio de Lafleur et Shutt lors des premières grandes saisons du numéro 10. "J'ai alors laissé la rondelle à 'Flower', une petite passe en retrait dans ma propre zone, et ce joueur-là, au lieu d'aller essayer de contrer Guy, est revenu à moi et m'a dit 'je dois rester avec toi'. Je lui ai répondu: 'Tu réalises que ce qui va arriver, c'est que je vais quand même récolter une mention d'aide sur le jeu...

"Et effectivement, Guy a effectué une montée à l'aile droite, s'est défait de son couvreur, a battu deux défenseurs, a attiré le gardien et marqué un but qui a semblé facile", a ajouté celui qui a connu ses deux seules saisons de plus de 100 points, en 1974-75 et 1975-76, aux côtés de Lafleur. "Je suis alors retourné voir le joueur et je lui ai dit, 'Tu vois, tu dois mieux choisir qui tu dois couvrir et qui tu ne dois pas couvrir'."

Scotty Bowman, l'entraîneur du Canadien lorsque l'équipe a remporté la coupe Stanley quatre fois d'affilée dans les années 1970, aime raconter la séquence de jeu qu'un peu tout le monde ramène sur le tapis lorsqu'on évoque Lafleur: son but marqué d'un tir frappé lors du septième match de la demi-finale de 1979 contre les Bruins de Boston. Celui qui a suivi la pénalité des Bruins pour avoir eu trop de joueurs sur la glace.

Lafleur avait égalé le score et permis aux siens d'atteindre la prolongation, au cours de laquelle Yvon Lambert avait donné la victoire aux Montréalais. Le Canadien avait ensuite facilement battu les Rangers de New York en finale et raflé sa quatrième coupe de suite.

"On n'aurait pas remporté la coupe sans (Lafleur)", a reconnu Bowman, qui agit maintenant comme conseiller chez les Blackhawks de Chicago.

Guy Carbonneau, lui, aime raconter l'histoire du "petit gars de Sept-Îles" qui s'est retrouvé au centre d'un trio complété par Lafleur et Shutt à son premier camp d'entraînement. Même s'il était encore tout jeune, Carbo a vite réalisé l'immensité de la chose...

"Guy Lafleur, c'est l'idole d'un peuple, un homme intègre qui s'est tenu droit, qui n'a jamais reculé", a énuméré Carbonneau lors d'un récent entretien téléphonique, en parlant d'un Lafleur qui a agi ainsi tant sur la glace - malgré l'intimidation d'équipes telles que les Bruins ou les Flyers de Philadelphie -, que face aux médias quand il défendait ses coéquipiers par ses déclarations franches, mais controversées.

Trois fois victime

Denis Herron a affronté les tirs de Lafleur dans l'uniforme des Penguins de Pittsburgh et des Scouts de Kansas City avant de devenir son coéquipier chez le Tricolore. Les partisans de Lafleur à l'époque se souviendront de lui pour avoir remporté le trophée Vézina et Jennings à Montréal, mais aussi pour avoir 'permis' à Lafleur d'enfiler son 50e but de la saison à ses dépens... trois fois!

"Je disais tout le temps à l'époque que ce n'était pas ma faute s'il avait 49 buts au moment où j'arrivais en ville!, a rappelé Herron. Et je ne le savais pas toujours nécessairement qu'il était tout près (de son 50e) au moment de l'affronter. Comme gardien, j'essayais juste de gagner le match, d'étudier les tendances des joueurs... Je ne regardais pas combien de buts ils avaient.

"Guy était tellement précis dans ses tirs, a par ailleurs indiqué Herron. Tu lui donnais rien qu'un pouce et il trouvait l'ouverture. S'il a marqué 50 buts aussi souvent, c'est parce qu'il pouvait mettre la rondelle pas mal là où il le voulait."

Herron a encore mieux apprécié les exploits de Lafleur quand il est devenu son coéquipier.

"Ce qui m'avait impressionné chez lui, c'est à quel point il travaillait fort pour continuer de s'améliorer. J'ai connu beaucoup de joueurs talentueux dans la LNH, des joueurs qui avaient même plus de talent que Guy, mais qui ne donnaient pas un dixième de l'effort qu'il donnait."

Malgré la pression

"Guy a été un magnifique joueur de hockey qui, dès le départ, avait beaucoup de pression sur lui en jouant ici à Montréal, a renchéri Mahovlich. Il a accepté ce rôle. Il a travaillé fort, il était toujours le premier joueur sur la glace à l'entraînement. Il aimait arriver tôt et peaufiner son jeu."

"Il a été le joueur par excellence de la décennie des années 1970, et j'ai eu la chance de me joindre à l'organisation du Canadien le jour avant qu'il soit repêché, a noté Bowman. Il était unique. Il était un aussi bon frabricant de jeu qu'il était un marqueur. Les gens se souviennent de ses montées à l'emporte-pièce avec la rondelle, les cheveux au vent, mais ce qu'on oublie parfois, c'est qu'il avait aussi un tir puissant. Son tir surprenait souvent l'adversaire.

"C'était un bon fabricant de jeu, mais il pouvait aussi enfiler l'aiguille."

Avant même la LNH

Guy Lafleur a eu un impact sur le hockey québécois avant même son arrivée chez le Canadien. Le commissaire de la LHJMQ Gilles Courteau ne s'est joint au circuit qu'en 1975, mais il se souvient très bien du séjour de deux saisons du Démon blond chez les Remparts de Québec, de 1969 à 1971.

"Il a rempli le Colisée avec des foules de 8000 à 10 000 spectateurs _ c'était la capacité à l'époque, a raconté Courteau à La Presse Canadienne cette semaine. Tout le monde savait depuis le niveau pee-wee qu'il serait une vedette. Ils avaient hâte de le voir arriver dans les rangs juniors."

À l'époque, le reste du Canada ne considérait pas que la LHJMQ présentait un niveau de jeu valable. Les succès de Lafleur avec le Canadien a changé tout ça. On peut même dire qu'il a un peu mis le circuit junior québécois au monde.

"Pas rien qu'un petit peu... Il l'a carrément mis au monde", s'est exclamé Courteau, qui a aussi reconnu que les prouesses de Lafleur ont convaincu plusieurs clubs de la LNH qu'il valait la peine d'aller repêcher dans la Belle Province.

"Il a pavé la voie pour les 10 années suivantes et permis à plus (de francophones) de se retrouver dans les rangs professionnels. Tout comme l'Association mondiale avait eu un impact à ce niveau-là", a conclu Courteau.