C’était aujourd’hui le grand jour, la bataille ultime en danse, en patinage artistique, entre les champions olympiques en titre, les Canadiens Tessa Virtue et Scott Moir, et les Américains invaincus depuis 2012, Meryl Davis et Charlie White. C’était aussi un jour d’adieux, puisque Tessa et Scott y allaient d’un dernier tour de piste avant de prendre leur retraite.

Toute la tension de la soirée était tendue vers cette ultime rencontre, dans le dernier groupe. Mais en prélude à ce grand choc, quelques performances ont certes été dignes de mention. Celle par exemple du troisième couple canadien, Alexandra Paul et Mitchell Islam qui ont beaucoup progressé au cours de la dernière année. Leur changement d’entraîneur vers Anjelika Krylova et Pasquale Carmelengo leur a permis de passer d’une cinquième à une troisième place aux championnats nationaux et leur a ouvert en grand les portes de Sotchi. Ils ont réussi le quinzième rang au programme libre et ont conservé la dix-huitième place qu’ils occupaient après la danse courte.

Petit coup d’œil intéressé sur les premiers danseurs sur glace espagnols de l’histoire aux Jeux olympiques, entraînés par Marie-France Dubreuil, restée au Canada avec la petite Billy-Rose, et de Patrice Lauzon, qui a fait le voyage. Sara Hurtado et Adria Diaz nous ont présenté une chorégraphie sur le thème très espagnol de Picasso et de sa muse , remplie de petites bulles de sensualité, de mouvements originaux, d’angles recherchés, comme des traits de pinceau qu’on aurait tirés sur la glace. Le chorégraphe canadien David Wilson les a bien servis. Décidément, le Canada a la cote en Espagne, si on ajoute Brian Orser qui entraîne Javier Fernandez.

L’autre couple canadien, Kaitlyn Weaver et Andrew Poje, a certes eu la performance qu’il espérait aux Jeux olympiques. Leur interprétation de Maria de Buenos Aires a été tout simplement envoûtante. Andrew a su donner le caractère latin du tango et Kaitlyn avait littéralement du feu dans les yeux. Ils ont réussi la cinquième performance de la soirée en libre, à quelques dixièmes de la sixième place. À leurs premiers Jeux olympiques, ils auront séduit le public qui les a salués bruyamment.

Lorsque le dernier groupe a sauté sur la patinoire pour l’échauffement, on savait que tout se jouerait là et qu’il y avait peu de chances qu’il y ait du mouvement dans le classement à l’issue de la danse courte. Tessa et Scott se sont lancés sur la glace, comme on lance un bateau sur l’eau en lui souhaitant bon vent. Ils allaient patiner pour eux, pour le Canada, pour les amateurs qui les ont suivis durant leurs dix-sept années de carrière. Et encore une fois, la magie a opéré. Charme, grâce, élégance, précision, en harmonie avec le Petit adagio du compositeur russe Alexander Glazunov (vous aviez reconnu le thème des Belles histoires des pays d’en haut?), leur exécution leur a valu leur meilleure marque de la saison. Mais on savait qu’il  fallait un miracle ou une catastrophe (une énorme erreur des Américains par exemple) pour qu’ils prennent et gardent la première place. Parce qu’ils l’ont prise… jusqu’à ce que  Davis et White s’amènent à leur tour. Ceux-ci devaient atteindre au moins 112,11 au libre pour passer devant Virtue et Moir, une note qu’ils ont réussie à plusieurs reprises durant la saison.

« Les Canadiens sont les meilleurs au monde »

Et la prophétie se réalisa. Il serait injuste de dire que les dés étaient pipés parce que ce serait réducteur pour leur performance qui a été exécutée à la perfection. Disons seulement que cette médaille, ils l’ont construite au cours des deux années où ils ont été invaincus, ils l’ont bâtie dans ces finales où ils ont systématiquement eu le meilleur sur les Canadiens et ils l’ont concrétisée sur la glace de l’Iceberg de Sotchi. Ils ont gagné avec  le pointage et la manière, inscrivant, tout comme à la danse courte, un record de points pour l’épreuve.

La médaille de bronze est allée aux Russes Elena Ilinykh et Nikita Katsalapov, de futurs champions du monde à coup sûr! S’ils ne pouvaient se battre contre la maîtrise et la renommée des deux couples précédents, ils ont été absolument ensorcelants avec leur interprétation du Lac des cygnes, version cygne noir. Avec un sens dramatique renversant, ils ont présenté une chorégraphie qui avait beaucoup de caractère et sont restés dans le ton d’un bout à l’autre. Nonobstant le caractère particulier de la prestation de Virtue et Moir, ce n’était pas loin de la performance que j’ai préférée de la soirée.

La danse sur glace nous a donné un spectacle relevé, digne certainement des Jeux olympiques. Même si les choses paraissent un peu figées dans un ordre préétabli, je ne crois pas qu’il y avait matière à crier scandale dans la distribution des médailles de cette finale. Tous ont patiné de leur mieux, et tous ont reçu ce qu’ils méritaient.