En patinage artistique en couple, la différence entre la première moitié du classement et la seconde est dans la hauteur des vrilles, la rapidité des déplacements sur la glace et bien sûr, le degré de difficulté des mouvements exécutés…Au fur et à mesure que le programme libre progressait, ces différences devenaient de plus en plus évidentes. Et ce, même parmi un groupe formé desseize meilleurs couples au monde.

Il y avait beaucoup de pression sur les Canadiens Megan Duhamel et Eric Radford, cinquièmes après le programme court, à trois points de la troisième place. Ils se devaient d’être parfaits. L’élément qui allait donner le ton était le triple lutz côte à côte, seul couple à l’exécuter dans la compétition. Et il a été parfait, mieux encore que lors de leur prestation au programme court en équipe où il leur avait valu 6.10 contre 7.20 aujourd’hui. Mais le reste n’a pas suivi… chute de Meagan sur la combinaison, manque de vitesse dans l’ensemble, mauvaise réception sur le saut (mal) lancé et pirouette non synchronisée… Dès les dernières mesures de la trame d’Alice au pays des merveilles, on pouvait lire sur le visage de Meagan et Eric une terrible déception et un certain fatalisme. Ce n’était pas l’euphorie dans le « kiss and cry » etmême si les lames de leurs patins n’étaient pas encore sèches, il fallait déjà mettre derrière eux cette contre-performance et se tourner vers l’avenir et le championnat du monde. Parce que les espoirs de médaille venaient de s’envoler.

Ce fut encore plus évident avec le passage par la suite des autres Canadiens, deuxièmes derrière Duhamel/Radford au championnat national et tout juste au bas du podium au championnat du monde. Ceux-ci ont réussi une très belle performance malgré un triple salchow réduit en double. Mais ils ont été solides dès leur entrée et ont patiné avec une belle assurance, à tel point qu’ils ont dépassé Duhamel et Radford au classement.Mais résister aux poussées russe et allemande aurait tenu du miracle…

Lorsque les Russes ont fait leur entrée sur la glace, ils ont soulevé un tonnerre d’applaudissements. Le stade, la ville, le pays étaient derrière eux. Et non, je n’ajouterai pas les juges. Les médailles d’argent et d’or n’ont pas été volées. Gagnées au mérite et à la réussite. Ksenia Stobova et Fedor Klimov, qui avaient remporté le libre en couple, on encore mieux fait cette fois-ci. Leur prestation sur la musique de la famille Adams gagnait en force au fur et à mesure que le programme avançait. Ils ont amélioré leur performance de plus de 8 points pour s’installer en tête du classement …jusqu’è ceux que leurs compatriotesTatiana Volosozhar et Maxim Trankov viennent les déloger.

On les attendait ceux-là. Vainqueurs du court à la compétition par équipe, ils ont même battu leur propre record de points à la compétition en couple. Ils s’élançaient sur la musique de JesusChrist superstar. Cela a donné une performance impeccable - si on veut vraiment chercher des broutilles, il y a eu une légère bascule au saut lancé - mais l’or de leur costume semblait un peu prophétique.

La médaille de bronze est allée aux Allemands Aliona Savchenko et Robin Szolkowy. Ils arrivaient avec un palmarès impressionnant. Quadruples champions du monde, médaillés d’argent aux derniers Jeux olympiques, ils avaient des espoirs légitimes de médaille d’or. Rivaux directs des Volosozhar et Trankov, derrière qui ils ont terminé deuxièmes aux derniers championnats du monde, deuxièmes après le programme court, ils n’avaient pas le droit à l’erreur. Hélas, même si Casse-noisette était présenté sur sa terre d’origine, cela ne leur aura pas porté chance… À la chute de Robin sur la triple combinaison, on savait que l’or venait de s’envoler. Pour tenter de se rattraper, ils ont essayé un grand coup : le triple axel lancé…qui leur a probablement coûté l’argent. La déduction de trois points pour avoir failli sur cet élément est cruelle dans un classement où les centièmes de points comptent.

Leur médaille de bronze aura cependant privé les Chinois Pang et Tong d’un deuxième podium olympique. Défavorisés par le sort qui les faisait patiner tout juste derrière les éventuels champions olympiques, ils ont péché à de nombreux endroits sur leur programme et sont tout de même restés à près de six points du podium.

Un mot en terminant sur le troisième couple canadien, Paige Lawrence et Rudi Swiegers. Ils illustrent bien l’adage qui dit que l’important n’est pas de vaincre, mais de participer. Ils arrivaient là sans aucun espoir de médaille, que celui de bien faire. Malgré quelques petits accrocs, ils ont réussi leur meilleure note de la saison, un bon moment pour accomplir cette performance. Leur plaisir et leur fierté étaient évidents et ils rayonnaient littéralement dans le « kiss and cry ». En voilà deux pour qui l’expérience olympique aura été très positive et très porteuse pour ce couple qui projette une image très sympathique.

La compétition se poursuivra maintenant chez les hommes avec le programme court où tous les yeux (canadiens) seront tournés vers Patrick Chan et tous les yeux (russes) sur Evgeni Plyuchenko. Mais entre ces deux géants, d’autres candidats à surveiller, entre autres l’Américain Jason Brown dont le « Riverdance » a été vu trois millions de fois sur You tube! Du plaisir en perspective.