Laurence Vincent-Lapointe et Katie Vincent en demi-finale

Après une traversée du désert de presque deux ans, la céiste Laurence Vincent-Lapointe contemple le bassin promis des épreuves de canoë aux Jeux olympiques de Tokyo avec le sentiment qu'elle a de nouveau la possibilité d'écrire une page d'histoire de son sport.

Dès que le CIO a ajouté le canoë féminin au programme olympique en juin 2017, la multiple championne du monde a fait de ce rendez-vous l'objectif ultime de sa carrière. Après avoir dominé sans partage sa discipline, elle pouvait légitimement aspirer à obtenir la consécration sur la plus médiatique des tribunes sportives.

Mais le scénario a connu plusieurs rebondissements qui aurait pu avoir raison de sa force de caractère. vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, dit-on. Alors si la Trifluvienne parvient à ajouter un titre olympique à son palmarès à Tokyo, sa réussite n'en sera que plus méritoire.

Tout a basculé pour Vincent-Lapointe en août 2019, à quelques jours des Championnats du monde, quand elle a été provisoirement suspendue après un contrôle antidopage positif. Innocentée au début de l'année suivante, la pandémie de COVID-19 a entraîné quelques semaines plus tard le report des Jeux de Tokyo et placé de nouveaux obstacles devant elle pour tenter d'obtenir sa qualification olympique.

« Le cauchemar a davantage été ma suspension, a reconnu l'athlète de 29 ans il y a quelques semaines lors d'un entretien avec La Presse Canadienne. La COVID a été difficile pour tout le monde à travers la planète et la différence, c'est que nous étions tous là pour nous aider les uns les autres.

« Ma suspension, j'étais seule au monde. Certes, j'avais ma famille et mes amis, mais en termes de soutien sportif, j'étais seule. Pour moi, c'est ça la vraie partie cauchemardesque. »

Planche de salut

LVL, comme on la surnomme, avoue qu'il s'en est fallu de peu pour qu'elle s'en aille à la dérive.

« Je me suis retrouvée dans une espèce de néant. C'est beau si je m'entraînais une fois par semaine, sans objectif. J'étais complètement découragée, perdue. »

Une invitation de B2Dix, une fondation privée destinée à soutenir la préparation des meilleurs athlètes canadiens pour les Jeux olympiques, s'est révélée une véritable planche de salut pour elle.

« Quand j'ai été suspendue, pas grand monde avait le droit de m'aider, de m'approcher tout court. Ça faisait déjà un certain temps que j'étais avec B2Dix et ils m'ont approché en me disant qu'il ne croyait pas en ma culpabilité, qu'il croyait en moi.

« J'ai donc été invitée à une retraite avec d'autres athlètes incroyables où il a été question de l'approche mentale de la compétition. J'ai réalisé que les athlètes, on les perçoit de l'extérieur comme des êtres incroyables, des surhumains qui n'ont jamais de problèmes, d'incertitudes.

« Mais tous les athlètes vivent des difficultés comme tout le monde. La seule différence qui démarque les athlètes de haut niveau du reste, c'est qu'ils continuent à s'entraîner comme des machines. Quand j'ai pris conscience de cette volonté, ça m'a vraiment aidée parce que j'étais dans un néant émotionnel, je me sentais dans un trou noir. »

De retour chez elle après cette expérience, Vincent-Lapointe a recommencé à respecter un horaire et à reprendre l'entraînement avec plus d'entrain. Elle est d'avis que cela l'a grandement aidée lorsqu'elle a pu rejoindre l'équipe nationale en janvier 2020, après avoir été blanchie des accusations de dopage.

Leçon de vie

N'empêche qu'il lui restait à peine plus de six mois pour se qualifier et se préparer pour les Jeux de Tokyo, prévus initialement en juillet 2020.

« J'avais très peu de temps devant moi. J'ai toujours fait attention à ma santé mentale, mais là je n'avais pas le temps de "niaiser". Donc, je me suis dit peu importe s'il faut que je me pousse au-delà de mes limites physiquement, émotionnellement, mentalement, je prendrais une pause après les Olympiques. C'est une très mauvaise approche, mais je n'avais pas le choix. »

Même si elle ne l'a pas compris immédiatement, l'annonce en mars du report de l'événement d'un an lui a été bénéfique.

« C'est une situation qui me permettait de m'entraîner mieux et plus longtemps afin d'être vraiment prête pour les Jeux. »

Dans toute l'adversité qu'elle a rencontrée, elle estime avoir appris une leçon de vie.

« En tant qu'athlète, on sait qu'on est fort. Ce n'est pas pour être prétentieuse, mais on sait qu'on a une force de caractère, la résilience. Mais cette situation m'a fait prendre conscience que j'étais encore beaucoup, beaucoup plus forte que je le pensais.

« Mais ça m'a aussi fait réaliser que si j'avais encore à revivre le tout, je pense que je ne passerais pas au travers. C'est particulier parce que je sais que j'ai la force de le faire et je l'ai fait. Mais ç'a été tellement souffrant, pour moi et pour mon entourage, tous ces mois de combat par moi-même que ce n'est pas une situation qu'on veut vivre. »

Depuis, elle a aussi réalisé que l'entraînement à tout prix n'est pas tout ce qui compte pour être au sommet de sa forme. Il faut aussi trouver la bonne façon de se ressourcer.

« Côté motivation, je me suis rendue compte à quel point de revenir à la maison, de passer quelques jours avec mes parents, avec mon chien Yuki, c'est nécessaire. »

Et pour ce qui est d'écrire l'histoire aux Jeux de Tokyo, Vincent-Lapointe n'hésite pas à se mettre de la pression. Car elle a confiance en ses moyens.

« Je ne m'en vais pas à Tokyo pour battre d'autres compétitrices. J'y vais pour faire la performance que je sais que je suis capable de réaliser. Et je sais que ma meilleure course peut être meilleure que la meilleure course des autres. C'est sur ça que je me concentre et c'est tout. »

Et elle vise un chrono de 44 secondes ou moins, ce qu'elle n'a jamais réalisé. Et en sachant qu'elle est détentrice du record du monde en C-1 200 mètres en 44,504 secondes, la consécration olympique lui est promise si elle atteint son objectif.

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Laurence Vincent Lapointe participera à l'épreuve de C-1 200 mètres les 4 et 5 août et, en compagnie de Katie Vincent, au C-2 500 mètres les 6 et 7 août au canal de la forêt de la mer.