TOKYO – Quand Michael Woods a compris qu'il ne connaîtrait pas le Tour de France qu'il espérait, il n'a pas hésité une seconde à quitter l'Hexagone pour se rendre plus rapidement à Tokyo, où il vise le podium dans la course de samedi.

Victime de l'importante chute dans la première étape et d'une autre dans la 14e, le détenteur du maillot à pois de meilleur grimpeur pour la 15e étape du Tour a jeté l'éponge après la 18e étape.

« C'était une éventualité dont nous avions prévu avant le Tour de France, afin d'arriver à Tokyo plus tôt si la compétition n'allait pas comme nous le voulions, a expliqué Woods au cours d'une visioconférence, mardi. La première chute a rendu une victoire d'étape plutôt impossible. Après la deuxième, ma concentration est passée du Tour aux JO. La décision s'est ensuite imposée d'elle-même. »

Woods a mis 26 heures à gagner sa chambre d'hôtel, qu'il a quittée samedi dernier.

Alors que les prévisions météorologiques laissaient entrevoir une course disputée sous la pluie, il appert que les cyclistes devront franchir les 234 kilomètres reliant le parc Musashinonomori au Fuji Speedway, au pied de la célèbre montagne nippone, par une chaleur accablante.

« (Venir à Tokyo plus tôt) m'a notamment permis de m'acclimater à la chaleur et au décalage horaire. (...) C'est beaucoup plus chaud ici (que sur le Tour de France) et je ne voulais pas risquer de me déshydrater. C'était la bonne décision à prendre.

« Malheureusement, la chaleur n'était pas au rendez-vous au Tour de France, nous n'avons donc pas pu se préparer en ce sens, a-t-il poursuivi. C'était l'un des Tours les plus froids des dernières années : en montagne, certaines journées, il faisait 4 ou 5 degrés Celsius. Cette semaine, à l'entraînement, j'ai roulé pendant les heures les plus chaudes de la journée et j'ai sué abondamment. J'étais heureux d'avoir pu rouler dans ces conditions. Encore quelques jours d'exposition à cette grande chaleur et je serai prêt, particulièrement en matière d'hydratation.

« Il faudra consommer beaucoup d'électrolytes et beaucoup de liquide. Ça pourrait faire une différence, car il n'y a pas beaucoup de circulation d'air sur le parcours. C'est une erreur que j'ai commise quand j'ai terminé troisième aux Mondiaux (en 2018) : j'ai raté un point de ravitaillement et c'est ce qui a fait que j'ai souffert de crampes pendant le sprint. Peut-être que cette bouteille d'eau aurait transformé ma médaille en médaille d'or. Je vais m'assurer de passer par tous nos points de ravitaillement sur le parcours (samedi). »

Parcours sur mesure

Woods aime d'autant ses chances de monter sur le podium cette fin de semaine puisqu'il croit le parcours taillé sur mesure pour lui.

« Le parcours est fait pour moi. J'y avais roulé une première fois à la Coupe du Japon, en 2019 et j'ai refait les deux principaux cols (lundi) deux autres fois : ça sied vraiment à mon style. Je pense qu'avec la chaleur et mes qualités de grimpeur, c'est un parcours qui pourrait me sourire. Je suis complètement remis de mes chutes en France; je pense donc que d'aspirer au podium est réaliste. »

Il sait qu'une médaille ne se gagnera pas en solo, c'est pourquoi l'Ottavien est si heureux de pouvoir compter sur ses coéquipiers, les Québécois Hugo Houle et Guillaume Boivin.

« Même si je suis un des meilleurs samedi, il faut que les choses tombent en place et il faut que j'aie des équipiers qui m'aident. Hugo et Guillaume sont si forts et ils ont terminé le Tour de France en santé. Si je veux monter sur le podium, leur aide sera très importante.

« Sur le circuit, Guillaume est mon cochambreur, mais les deux sont de bons amis. Comme Guillaume dans mon équipe (Israel Start-Up Nation), ça m'aide beaucoup. Nous mangeons souvent ensemble. C'est bon d'avoir un ami comme ça dans son entourage.

« Quant à Hugo, j'ai vu ce qu'il a été en mesure de faire pour ses coéquipiers (d'Astana-Premier Tech). Dans les autres courses que j'ai faites avec lui, comme aux Mondiaux, il m'a beaucoup aidé. J'ai extrêmement confiance en lui. »

En plus de ses coéquipiers, Woods compte sur la chaleur pour amincir le peloton de tête.

« Je dois souhaiter que ce soit une course très difficile. Que la chaleur va avoir un pouvoir d'attrition sur le peloton et que ça se joue au sprint. Il y a probablement 15 gars qui peuvent aspirer au podium. Au lieu de se concentrer sur un adversaire, il faudra avoir l'esprit ouvert et regarder qui sera sur une bonne journée samedi. »

Aux Jeux sans y être

Les cyclistes ne sont pas logés au Village olympique, ce qui a pour effet de créer une ambiance particulière autour du peloton, qui n'est pas tout à fait olympique, souligne le Canadien de 34 ans.

« Je ne me sens pas au Japon en fait. C'est très bizarre, a-t-il dit. J'arrive du Tour de France et je me suis rendu directement à l'hôtel où sont les cyclistes ici, qui ne se trouve pas au Village olympique, mais près du mont Fuji. Il n'y a que des cyclistes ici. On dirait que j'ai quitté une bulle pour me retrouver dans la même bulle! Je vois exactement les mêmes gens à l'hôtel ici que je voyais sur le Tour. On ne peut pas quitter l'hôtel sauf pour aller s'entraîner, alors à part la vue sur le mont Fuji et les noms de rues sont affichés en japonais, on ne se sent pas au Japon. (...) Je n'ai aucune idée de ce que les Japonais pensent de cette course, des JO : je n'ai pas de contact avec eux.

« Ça retire du plaisir de me retrouver aux Jeux. Je me rappelle qu'à Rio de Janeiro, on se sentait vraiment dans l'ambiance olympique; on voyait tous ces athlètes du Canada et des autres pays. Ici, on ne voit que des cyclistes ou des gens liés au cyclisme. »

Woods, Boivin, Houle et le reste du peloton seront sur la ligne de départ du parc Musashinonomori à compter de 11 h, heure de Tokyo, samedi.