TOKYO - Le report d'un an des Jeux olympiques a été dans un premier temps bénéfique au kayakiste Pierre-Luc Poulin. Mais il a aussi failli lui coûter sa présence à Tokyo.

Le Québécois de 25 ans, qui était membre de l'équipage du K-4 500m qui a qualifié le Canada à cette épreuve en vue des Jeux olympiques aux championnats du monde en 2019, a profité des 12 mois supplémentaires et de l'absence de compétitions en raison de la pandémie pour mieux se préparer.

«Comme j'avais plus de temps devant moi, j'en ai profité pour m'entraîner extrêmement fort, a expliqué Poulin plus tôt ce mois-ci avant son départ pour Tokyo. J'ai aussi pris le temps, et c'est la première fois dans ma carrière que je le faisais, de me reposer au même niveau que je m'entraînais. Mes stratégies de repos, tant mental que physique, étaient égales à mes stratégies d'entraînement. Et ça m'a vraiment aidé.»

Cette approche lui a notamment permis de bien guérir des blessures d'usure qui sont fréquentes dans une discipline très exigeante pour les épaules et les hanches.

Tout allait donc pour le mieux dans sa préparation lorsqu'une blessure à une main est venue remettre tout en question en février dernier. En se penchant pour ramasser une pagaie, il s'est blessé à la main droite - rupture de la bandelette sagittale du majeur. Il a été opéré et n'a repris l'entraînement qu'au printemps.

«Ma blessure est survenue à un mois des essais nationaux, a-t-il rappelé. Je n'ai donc pas pu prendre part aux épreuves de sélection.»

Canoë-kayak Canada a toutefois amendé ses critères de sélection pour le K-4, ce qui a permis à Poulin de guérir et finalement de se qualifier avec ses coéquipiers Mark de Jonge, Nicholas Matseev et Simon McTavish lors d'une course disputée au bassin de l'île Notre-Dame à la mi-mai.

Poulin n'a toutefois pas pu bénéficier d'une telle disposition pour la course individuelle, lui qui était le meilleur au pays en 2019.

Des atouts

Le quatuor n'a pas disputé une course sur la scène internationale depuis les Mondiaux de 2019, où le Canada s'est classé 14e. Poulin reconnaît que c'est un peu l'inconnu en vue de leur épreuve de 500m qui est présentée pour la première fois aux JO.

«On connaît nos temps, mais de le faire seul sur le bassin un samedi après-midi versus les meilleurs bateaux du monde entier, ce sont deux choses différentes.»

Mais les Canadiens ont des atouts dans leur jeu et ils entendent les utiliser.

«Il s'agit d'une course stratégique, mais ça reste avant tout un effort maximal extrêmement court, en moins de 1:20 dans de bonnes conditions, a-t-il analysé. C'est là que ça devient délicat, il faut réussir un départ canon, maintenir une vitesse de croisière élevée et avoir la capacité de terminer la course en force.

«Historiquement, nous étions un des bateaux dans le monde avec l'un des meilleurs départs. Mais ça fait deux ans que nous n'avons pas fait de départ contre un autre bateau de niveau international. Entre vous et moi, notre départ s'est encore amélioré au cours des derniers 20 mois, on s'attend au moins à montrer la même force.

«Mais si on fait un bon départ et qu'on se retrouve d'emblée dans le peloton, ça va nous surprendre. Après, il ne faudra pas avoir peur de maintenir une vitesse de croisière élevée même si nous sommes en avant. Tout ça est bien évidemment hypothétique.»

Comme la course est courte dans le temps, une petite erreur d'intensité trop élevée ou trop basse et «c'est la fin», a noté Poulin.

La chaleur étouffante de Tokyo pourrait également être un facteur, selon lui.

«Nous sommes conscients que ça va être un défi de gérer la chaleur, pas tant pendant la course, car nous sommes sur l'eau dans une épreuve courte. Mais nous allons la ressentir au fur et à mesure que la journée avance, car nous sommes sur le site entre deux à six heures.»

Inspiré par van Koeverden

Attiré au canoë-kayak par son frère Maxim, qui a joué un très grand rôle dans sa carrière, Pierre-Luc Poulin apprécie tout de son sport.

«Au début, c'est la qualité du temps passé qui m'a attiré. Passer l'été au bord de l'eau, c'était magique, incomparable par rapport à ce que mes amis me racontaient de leurs vacances. Puis tranquillement, ça s'est transformé en goût de la performance, de dépassement de soi et de sensation de faire un avec la pagaie, le bateau, l'eau.»

Le fait de s'entraîner au club de canotage du Lac-Beauport a également aiguisé sa volonté de participer aux Olympiques.

«On n'a pas besoin de prononcer plusieurs fois le nom du club de Lac-Beauport pour que les mots olympiens, Olympiques et succès résonnent dans la tête des gens. D'avoir côtoyé des olympiens dès mon jeune âge, il ne m'a pas fallu trop longtemps avant que je m'identifie à ce mouvement et que j'essaie d'y faire mon chemin.»

Il a aussi été inspiré par la performance d'Adam van Koeverden aux Jeux d'Athènes en 2004 - médaille d'or en K-1 500 m et médaille de bronze en K-1 1000 m.

«J'étais assez loin dans le sport pour comprendre qu'il avait gagné ce qu'il y a de plus gros dans le monde du canoë-kayak. Ça m'a vraiment allumé.»

Ce désir de performance, Poulin l'a également hérité de sa famille. Son frère aîné Maxim est membre de l'équipe nationale de canoë et la fibre sportive remonte les générations.

«C'est un trait familial chez les Poulin d'avoir le désir de se dépasser. Mon père a fait du cyclisme et a été champion provincial, mon grand-père a joué au hockey, participant même à un camp d'entraînement du Canadien de Montréal.»

Et désormais, la famille Poulin pourra dire qu'elle a un olympien dans ses rangs.