GANGNEUNG, République de Corée - Derrière chaque médaille, chaque athlète olympique, il y a un travail de longue haleine parsemé d'embûches et de sacrifices. Dans le cas de Kim Boutin et Kasandra Bradette, il y a peu de gens mieux placé pour le réaliser que la physiothérapeute de l'équipe nationale de patinage de vitesse courte piste Véronique Carmel.

Lors du dévoilement de l'équipe canadienne de courte piste en vue des Jeux olympiques de Pyeongchang, en janvier, à Montréal, Boutin et Bradette s'étaient montrées très émotives en nommant Carmel comme l'une des trois personnes les ayant aidées dans leur marche vers leurs premiers Jeux.

Les deux patineuses ont été ralenties par des problèmes au dos au cours de leur carrière, sans compter toutes les autres blessures fréquentes dans leur sport.

« Si j'ai été touchée si profondément, c'est parce qu'elle n'a pas juste fait son travail, elle a aussi eu une touche humaine envers moi, a raconté Bradette plus tôt cette semaine. Elle m'a toujours prise au sérieux et elle a pris son temps de façon professionnelle. »

Carmel a elle-même une très bonne raison pour expliquer son approche. Pratiquant elle aussi le patinage de vitesse courte piste dans son enfance, des fractures de stress à une cheville l'ont forcée à rencontrer un physiothérapeute à l'âge de 12 ans. D'abord craintive à l'idée de le rencontrer, c'est finalement cette visite qui l'a inspirée à devenir physiothérapeute.

« J'avais à dit à ma mère que s'il m'empêchait de m'entraîner, j'allais immédiatement quitter la place. Finalement, il m'avait bien expliqué le problème et m'avait donné des exercices à faire, a raconté Carmel, qui a grandi à Sainte-Julie en patinant notamment avec Charles et François Hamelin sous la supervision de leur père, Yves.

« Cette démarche-là a fait une grosse différence pour moi. Ça me permet de penser aux athlètes quand ils viennent me consulter, c'est angoissant pour eux de penser qu'ils ne pourront plus pratiquer leur sport. Je garde ça en tête, qu'il faut les réconforter rapidement et expliquer le processus. »

Diplômée de l'université McGill en 2007 et détentrice d'un diplôme canadien en physiothérapie du sport, Carmel est à l'emploi de l'Institut national du sport du Québec depuis 2011 et collabore à temps plein avec l'équipe canadienne de patinage de vitesse courte piste depuis la même année.

Son rôle dépasse largement la simple intervention en cas de blessure, alors qu'elle suit même l'équipe à l'étranger.

« Je travaille en étroite collaboration avec le préparateur physique, les entraîneurs et le physiologiste pour savoir la nature des différents cycles d'entraînement, a-t-elle expliqué. Ça me permet de faire certains liens quand la douleur apparaît. C'est la même chose avec l'équipement et le technicien. Si un athlète vient me voir parce qu'il ressent de la douleur, je vais faire le tour de l'équipe pour savoir s'il y a des choses qui ont changé.

« Ce rôle-là est génial et il me permet d'avoir un travail plus large qu'un travail de physiothérapeute plus conventionnel qui attend que les gens soient blessés sans trop savoir le contexte. Ça me permet de m'ajuster tout le temps, d'essayer des techniques plus avant-gardistes parce que je fais le suivi avec les athlètes au quotidien. Je n'attends pas une semaine avant de les revoir. »

La gestion de la douleur

La carrière de Bradette a déraillé à cause d'une spondylolyse et celle de Boutin en raison de problèmes d'hernie discale. Carmel a donc dû trouver des solutions pour aider les deux patineuses à gérer la douleur provoquée par ces problèmes au dos.

« Il y a un langage qui est utilisé pour dire 'tu es déplacé, tu es croche, pas aligné, il y a une faiblesse à ce niveau-là, une hernie discale'. Ce sont des mots qui font peur et les gens ont l'impression d'être brisés et qu'il n'y a plus rien à faire, a mentionné Carmel. Il faut changer le vocabulaire.

« Il faut expliquer c'est quoi la douleur, d'où elle vient et ce qu'on peut faire pour la soulager. Trouver des moyens qui fonctionnent pour eux, dédramatiser la situation, écouter les signaux. Quand un athlète vient me voir parce qu'il a mal, mon travail est de voir s'il y a vraiment un tissu de brisé, un muscle de déchiré. Même si le muscle n'est pas déchiré, la douleur existe et voici ce qui va la faire varier. Si certains mouvement font apparaître la douleur, on essaie de trouver pourquoi et trouver des exercices pour retrouver son autonomie. (...) Le corps va s'adapter, se réparer. Chaque petite victoire qu'on va chercher finit par faire un grand bout de chemin. »

Boutin a déjà deux médailles de bronze autour du cou depuis le début des Jeux de Pyeongchang, tandis que Bradette a aidé l'équipe de relais à se qualifier pour la finale, deux exploits dont plusieurs auraient douté il y a quelques années soutient Carmel.

« De voir qu'elles sont fonctionnelles dans leur vie de tous les jours, que les douleurs qu'elles avaient ne sont plus présentes, c'est vraiment super pour moi, a-t-elle indiqué. J'apprécie de pouvoir voir ça. Elles sont en situation où il y a beaucoup de pression et où la douleur aurait pris toute la place dans le passé et ne leur aurait pas permis d'être compétitives. Maintenant, elles sont rendues à un point où la douleur ne les dérange plus, où elles ont appris à la contrôler. De les voir aller comme ça, c'est la plus belle reconnaissance pour moi et je suis hyper fière d'elles. »