Dimanche dernier, la commission exécutive du CIO a rendu sa décision quant à la participation des athlètes russes aux Jeux de Rio, laquelle a été annoncée suivant la publication du rapport McLaren commandé par l’Agence mondiale antidopage (AMA). Rappelons que ce rapport établissait l'existence d'un système de dopage d'État en Russie.

Étant donné l'urgence de la situation et les délais restreints, le CIO a préféré que la participation des athlètes russes aux Jeux de Rio relève de la discrétion de chacune des fédérations internationales. Par conséquent, les fédérations internationales de chaque discipline devra décider au cas par cas de la sélection des athlètes russes. Cette décision a été déplorée par plusieurs agences antidopage et athlètes.

Rôle de l'AMA

Même si l'AMA a suggéré l'exclusion de la Russie à toutes compétitions internationales, elle n'a pas le dernier mot. L'AMA peut faire des recommandations, mais les sanctions relèvent du pouvoir de l’organisme responsable de la manifestation ou de la fédération visée.

De telle sorte que pour les Jeux de Rio, c'est le CIO qui devait prendre une décision quant à l'exclusion de la Russie et non l'AMA.  Ainsi, l'AMA n'a pas de relation directe avec le pays, car ellea un mandat indépendant des organisations sportives et des gouvernements.

L'AMA doit toutefois veiller à ce que ses signataires se conforment aux exigences du code mondial antidopage, lesquelles visent le franc-jeu et le sport propre. La Russie est signataire du code mondial antidopage et elle doit le respecter vigoureusement. Les actes reprochés à la Russie sont une violation directe à l'esprit du code et ils sont contraires à la lutte antidopage.

Décision du CIO

a) Rapport McLaren

La commission exécutive a d'abord indiqué que Richard McLaren avait partiellement rempli son mandat et qu'il n'avait fait qu'un bref survol des informations disponibles en raison du délai extrêmement serré avant les Jeux de Rio. De telle sorte que le CIO a fortement encouragé McLaren à compléter son mandat. D'ailleurs, le CIO se réserve le droit d'imposer des sanctions supplémentaires suivant la publication du rapport final.

b) Arguments avancés par le Comité national olympique russe (ROC)

Avant de rendre sa décision, le CIO a permis au comité national olympique russe (ROC) de plaider sa cause. Dans le cadre d'une conférence téléphonique, le président du ROC, Alexander Zhukov, a fait valoir qu'il s'engageait à mettre en place une restructuration complète des politiques antidopage en Russie. De plus, Zhukov a allégué que tous les athlètes russes qui avaient été sélectionnés pour Rio avaient été testés au cours des six derniers mois par des agences antidopage accréditées, fiables et indépendantes de la Russie.

À ce titre, le CIO a rappelé que le rapport McLaren ne contenait aucune conclusion à l'encontre du ROC lui-même.

c) Responsabilité collective

Le CIO a établi une présomption à l'effet que tous les athlètes russes qui désiraient concourir aux Jeux de Rio étaient affectés par un système d'État détournant les programmes antidopages. Afin de préserver la probité des Olympiques, le CIO a conclu que les athlètes russes des 28 disciplines d'été devaient être tenus collectivement responsables pour les actes reprochés à la Russie. Toutefois, le CIO a soulevé l'importance du droit à la justice individuelle, lequel devait trouver application en l'espèce. Ce faisant, le CIO a offert l'opportunité aux athlètes visés de contester l'applicabilité de la responsabilité collective à leur situation personnelle auprès de leur fédération internationale, leur inscription aux Jeux de Rio n'étant acceptée que sous certaines conditions.

d) Régime d'exception

Ainsi, il est possible que certains athlètes russes puissent bénéficier du régime d'exception et puissent intenter un recours auprès du Tribunal Arbitral du Sport  (TAS) pour demander aux fédérations internationales elles-mêmes de faire la sélection des sportifs. Le CIO a établi des critères stricts auxquels les athlètes russes devront se conformer, lesquels serviront de balises pour les fédérations internationales dans le cadre de leur décision.

Les athlètes russes devront être déclarés admissibles par leurs fédérations internationales suivant la tenue d'une évaluation individuelle afin de vérifier notamment s'ils respectent les règles spécifiques de leur sport. De surcroît, tous les athlètes russes qui n'avaient pas été contrôlés dans le système russe, mais par des programmes antidopage externes et efficaces, pourront faire valoir leur demande individuelle.

Pour être éligible, l'athlète russe doit également n'avoir jamais fait l'objet d'une sanction de dopage, et ce, même s'il a déjà purgé sa sentence. Qui plus est, son nom ne doit pas apparaître au rapport McLaren.

Précisons que si l'inscription est acceptée par le CIO, elle devra être assujettie à des contrôles supplémentaires hors compétition, commandées par l'AMA et la fédération internationale.

À titre illustratif, le CIO a tranché dimanche dernier quant à la participation de la lanceuse d'alerte Yuliya Stepanova. Même si la fédération internationale d'athlétisme avait annoncé il y a quelques jours qu'elle était éligible pour participer aux Jeux d'été, sa sélection devait malgré tout être validée par le CIO pour avoir la certitude d'aller à Rio. Cependant, le CIO a conclu qu'elle ne pouvait pas être éligible puisqu'elle avait déjà été sanctionnée pour dopage dans le passé et par conséquent, elle ne remplissait pas les critères d'inscription.

e) Sous quel drapeau les athlètes russes défileront-ils?

Le CIO souhaite que les athlètes russes défilent sous la bannière russe grâce à des mesures d'exemption, puisque seuls les membres affiliés au comité national olympique peuvent concourir aux Jeux. Le CIO demande à ce que les Russes concourent sous leur drapeau national, car le comité olympique national russe n'est pas suspendu.

Cette façon de faire démontre une flexibilité du système. Il ne faut pas sanctionner les athlètes propres, mais bien le système en place. Il doit y avoir des conséquences pour la Russie, le gouvernement russe étant lui-même impliqué dans ce système de tricherie. C'est un cas unique. Les faits en cause sont très graves et ils constituent une atteinte sans précédent au franc-jeu et au sport propre.