Une équipe à la sauce Babcock
Hockey mercredi, 12 févr. 2014. 11:01 mercredi, 11 déc. 2024. 04:29On est à quelques heures d'un match de hockey sans importance à l'intérieur d'un tournoi d'une extrême importance. Équipe Canada est d'une telle puissance que ses joueurs pourraient vaincre la Norvège, tout comme l'Autriche le lendemain, en jouant sur des patins à deux lames. Mais deux lames bien affûtées quand même.
Il ne faut pas s'attendre à ce que Mike Babcock partage cette option. En matchs préparatoires, le score n'a aucune importance pour lui. Il cherche plutôt des réponses à certaines questions qu'il se pose peut-être encore. Pas des questions cruciales, bien sûr, mais quand on est aussi méticuleux que lui, on s'attarde aux plus petits détails. Quels sont les trios les plus homogènes, qui seront les réservistes, qui sera le gardien numéro un, le 13e attaquant, le septième défenseur? Il doit avoir une idée très précise de tout cela avant de passer aux choses sérieuses.
Néanmoins, on ne doute pas que la planification de Babcock soit déjà pas mal complétée. Il a sans doute une bonne idée de ce qu'il fera d'une patate chaude comme P.K. Subban. Pas facile de tasser un gagnant du trophée Norris qui brûle toujours du désir de s'illustrer. On a hâte de savoir s'il trouvera une façon d'insérer Martin Saint-Louis dans la formation. Comme il n'est pas un de ses admirateurs, il faudra peut-être s'en remettre à une blessure ou à une contre-performance d'un coéquipier pour que le champion marqueur en titre de la Ligue nationale obtienne sa chance.
On parle de sa petite taille, mais chaque soir, Saint-louis fonce tête première vers des défenseurs format géant. Chaque soir, il transporte son équipe, mais cela n'impressionne pas Babcock outre mesure, semble-t-il.
L'entraîneur des Red Wings est un dur qui fait les choses à sa manière. Comme il y a autant de pression sur lui que sur ses joueurs, il n'est pas là pour ménager les susceptibilités de chacun. Il va trancher sans faire de quartier certains jours.
De son côté, je ne crois pas que Subban fasse connaître publiquement son mécontentement si jamais il passe plus de temps que prévu dans un rôle secondaire. Il s'agit d'un tournoi planétaire. Subban est un élément trop visible dans la Ligue nationale pour risquer d'être identifié comme un mauvais joueur d'équipe à son retour au pays. Il va ronger son frein par moments, mais il pourrait bien profiter de certaines situations pour jouer un rôle important.
Faut juste souhaiter qu'il comprenne qu'il y a une montagne olympique de différence entre le Canadien et le Canada. À Montréal, il se permet des fantaisies sans qu'on lui en fasse payer le prix parce qu'il est un joueur indispensable. À Sotchi, il ne l'est pas. Babcock va lui permettre une première erreur, mais pas une deuxième. Aux Olympiques, on ne tricote pas avec la rondelle, comme il a la mauvaise habitude de le faire. Il lui faudra se concentrer à effectuer une bonne première passe. Il n'y a pas de plombiers ou de quatrième trio dans cette formation bondée de super vedettes. Le coéquipier qui reçoit la passe en sortie de territoire saura toujours quoi en faire.
Sur papier, le Canada doit être établi favori pour répéter l'exploit de Vancouver. C'est une équipe qui n'a pas de faiblesses. Si jamais cela ne se passe pas comme prévu, on le devra à une mauvaise exécution d'un plan de match, à une faiblesse du gardien ou à des erreurs stratégiques derrière le banc, comme on l'a vu dans le cas de Marc Crawford, à Nagano, lors de la fusillade contre la République tchèque. Dans le cas de Babcock, un entraîneur allumé, il y a peu de chance que cela se produise, cependant.
La décision concernant l'identité du gardien de but qu'il choisira pour disputer le tournoi sera probablement celle sur laquelle il sera jugé, qu'il gagne l'or ou qu'il rate la première marche du podium. Pour le public canadien, seule la médaille d'or est acceptable. Quand il s'agit de hockey, on n'accepte pas que les champions olympiques en titre soient détrônés.
L'entraîneur a décidé de faire appel à Carey Price dès le départ. On aurait cru qu'il aurait donné le premier match à celui qui lui a permis de gagner il y a quatre ans, mais il a opté pour le gardien par excellence de la saison dans la Ligue nationale. On sait aussi que Luongo sera devant le filet lots du deuxième match de l'équipe, contre l'Autriche vendredi. La suite des choses est un secret bien gardé.
Luongo arrive à Sotchi après avoir perdu ses cinq derniers matchs. Price a gagné ses trois derniers. Toutefois, le gardien des Canucks s'empresse de préciser qu'il connaissait également des ennuis avant de se présenter aux Olympiques de Vancouver, ce qui ne l'a pas empêché de déloger Martin Brodeur en cours de route. Babcock, comme il l'a fait il y a quatre ans, sera vite sur la gâchette s'il n'aime pas ce qu'il voit.
Il y a une pression énorme sur les gardiens aux Jeux, mais j'aime bien l'explication fournie par Jonathan Toews à ce sujet. Selon lui, les gardiens qui évoluent déjà dans des marchés exigeants et fort critiques à leur endroit ne peuvent pas être trop ennuyés par la pression aux Jeux. Or, à Vancouver et à Montréal, les gardiens ont toujours l'impression de jouer pour sauver leur peau.
Au moment de la confirmation des équipes, j'avais favorisé la Suède pour remporter le titre, mais cette équipe a été frappée durement avec la perte de Johan Franzen et de Henrik Sedin. Ce qui n'a rien de rassurant, Daniel Sedin traverse une période léthargique. Dans les circonstances, il serait très décevant si le Canada, qui compte dans les rangs 11 médaillés d'or de Vancouver, ne retenait pas son titre.
Par ailleurs, malgré la bonne volonté des joueurs russes et leur intention de justifier une partie des 50 milliards investis dans ces Jeux, dont l'attraction principale reste le tournoi de hockey, il faut s'attendre à ce qu'ils combattent comme des guerriers pour la médaille de bronze. On n'a pas de mal à imaginer la réaction du peuple russe si jamais une place sur le podium leur échappe.
À partir de demain, les athlètes amateurs perdront un peu d'espace dans les différents médias à travers le monde. Le jour où les riches professionnels ont été acceptés aux Jeux, on a créé un monstre. La descente de ski alpin reste l'épreuve maîtresse des Jeux, mais le hockey, c'est la grosse affaire. Et c'est aussi une question de prestige pour les nations les plus puissantes.