BAGDAD (AFP) - Postes de télévision dans la rue, kalachnikov à portée de la main pour fêter la victoire, les Irakiens, transcendant leurs divisions politiques et confessionnelles, vibrent avec leur équipe olympique de soccer, en passe d'obtenir une médaille aux Jeux olympiques à Athènes.

"Elle a réussi à unifier les Irakiens et à leur faire oublier pendant quelques instants la violence qui ravage leur pays depuis la fin de la guerre en avril 2003", affirme Najah Hamoud, adjoint du président de la Fédération irakienne de soccer.

Les murs de son modeste bureau au club Al-Karkh à Bagdad sont tapissés de photos de l'équipe et toutes les dix minutes, quelqu'un pénètre avec un bouquet de fleurs envoyé par un responsable politique du pays.

"Quand nos garçons jouent, les Irakiens oublient leur confession ou leur appartenance politique. Ils s'assoient ensemble avec pour seul désir la victoire de leur équipe", dit cet homme qui fut l'ancien entraîneur de l'équipe de Najaf (centre) et de la sélection nationale.

L'euphorie règne dans les locaux du siège de la Fédération irakienne de soccer. "Nous sommes heureux que l'équipe ait encouragé les Irakiens à vivre en paix et en harmonie", ajoute-t-il avec beaucoup d'optimisme alors que des combats ont lieu à Najaf depuis deux semaines entre les miliciens chiites et l'armée américaine venue appuyer les forces de sécurité irakiennes.

Sur les 22 joueurs de la sélection olympique, il y a 20 chiites, un Kurde et un sunnite. La moyenne d'âge est de 23 ans et sept mois et elle joue ensemble depuis 2000, lorsqu'elle avait remporté le championnat d'Asie junior à Téhéran avec le même entraîneur, Adnane Hamad.

Six des joueurs évoluent hors d'Irak : deux dans
l'équipe égyptienne de Zamalek, deux au Qatar, un en Arabie saoudite et un autre en Iran.

Pour parvenir en demi-finale, les blancs et verts ont battu le Portugal (4-2), le Costa Rica (2-0) et se sont inclinés face au Maroc (1-2) avant d'éliminer l'Australie (1-0) en quart de finale. Ils doivent jouer mardi contre le Paraguay.

C'est d'ailleurs un bien mauvais tour qu'ils ont joué samedi à l'Australie. Ce pays les avait invités pour deux semaines d'entraînement en raison de la situation sécuritaire en Irak.

En tout cas, depuis ces victoires, les invitations pleuvent. "Nous étions coupés du monde à cause de l'embargo (imposé durant 13 ans par l'Onu à la suite de l'invasion du Koweït) et rêvions d'envoyer une équipe à Amman pour quelques jours seulement afin de changer d'air. Maintenant nous recevons des invitations du monde entier que nous ne pouvons même pas honorer", dit avec joie Najah Hamoud.

Avant de partir pour Athènes, l'équipe a été reçu par le président Ghazi al-Yaouar et le Premier ministre Iyad Allaoui. La dernière fois qu'un chef de l'Etat avait reçu une sélection nationale remontait à 1977. Hassan al-Bakr (1968-1979) avait offert une Lada à chacun des joueurs qui avait remporté le championnat d'Asie junior.

Profitant de l'aubaine, les journaux irakiens publient des pages entières sur l'équipe avec photos et analyses. Bagdad, le quotidien du Premier ministre, en fait sa une et publie une lettre de M. Allaoui à l'équipe.

"Vous avez planté des sourires dans chaque maison irakienne et vous avez porté haut le drapeau irakien. Je vous salue et tout l'Irak vous salue. Les palmiers, les marais, les montagnes, le Tigre et l'Euphrate vous saluent. Vous avez toute notre estime", écrit-il avec emphase.

Le résultat est d'autant plus exceptionnel que depuis deux ans, en raison de l'occupation des stades et de la violence, le championnat d'Irak est suspendu.

"J'espère que ces résultats cicatriseront les blessures du peuple irakien et aideront à mettre fin à l'occupation", a déclaré à l'AFP à Athènes l'entraîneur, Adnane Hamad.