« Le monde a besoin de héros et c'est aussi bien que ce soit des gens inoffensifs comme moi que des vilains comme Hitler » C'est ce qu'affirmait le récipiendaire du prix Nobel, Albert Einstein, à propos d'Adolf Hitler et du mouvement nazi. En 1939, lorsque la Deuxième Guerre Mondiale éclata, les Allemands, dirigés bien évidemment par Hitler, étaient devenus les ennemis de tous les occidentaux. Après que la guerre fut terminée en 1945, jumelé au décès de Hitler, il était plus propice pour les comédiens et les hommes de théâtres de personnifiés les nazis. Ce fut alors le début d'une belle carrière pour celui qui était encore connu que sous le nom de Guy Larose, mais qui deviendra vite un « méchant Allemand » connu à travers le monde, Hans Schmidt.

Samedi dernier, le 26 mai 2012, Guy Larose, mieux connu sous son nom de lutteur Hans Schmidt, est décédé dans son sommeil à l'Hôpital de Joliette. Il était âgé de 87 ans. Selon la famille Rougeau, qui est demeurée près de Schmidt, principalement Raymond et son père Jacques, il avait été admis à l'hôpital il y a deux semaines, alors qu'il faisait de l'eau dans les poumons. Il était atteint d'arthrite depuis des années et avait aussi eu des problèmes à l'estomac en 2006. Selon ce que son épouse des 28 dernières années, Monique Moreau, a dit à Jacques le père, il a eu un regain d'énergie la semaine dernière et pendant trois jours, il avait repris des forces. Comme on dit en Québécois, il est mort de sa belle mort, personne ne pouvant échapper à la vieillesse.

« J'étais sur la route samedi dernier justement et j'ai passé près d'arrêter chez Hans, de dire Raymond Rougeau qui habite non loin de la demeure de Schmidt à Entrelacs dans Lanaudière. Ça n'aurait rien donné car il était déjà à l'hôpital, mais c'est une drôle de coïncidence. »

Raymond voyait encore régulièrement Schmidt.

« Chaque été, je prenais ma moto pour aller faire un tour et j'arrêtais chez Hans, une heure de temps et on jasait. En 1988, quand j'ai faire bâtir ma maison à Rawdon, c'est qui lui avait fait le deck en arrière et qui avait fait toute la plomberie, » raconte-t-il.

Il est à penser que le milieu de la lutte pensait à Schmidt samedi dernier, car Gino Brito a vécu une situation similaire à celle de Raymond.

« Je parlais avec l'ancien promoteur pour Sudbury Al Campbell samedi et il me demandait si Hans Schmidt était toujours vivant ; j'lui ai dit que oui. »

Schmidt avait la réputation d'être stiff dans le ring et Gino Brito est là pour en témoigner.

« Il était considéré comme un stiff dans la business. J'me souviens qu'en 1965 à Hull, il m'avait étranglé avec la corde de micro de l'annonceur et y serrait ça solide, tellement que je m'étais dit que je perdrais connaissance. Il a fini par arrêter, mais quand on est revenu en arrière, je lui en ai parlé. Hans m'a répondu que ça paraissait bien, que la foule y croyait. Crime, moi-même j'y croyais ! », raconte Brito en riant.

L'ancien agent de la WWE et ancien lutteur René Goulet se souvient aussi du côté solide de Schmidt.

« J'avais lutté contre lui à Minneapolis à la fin des années 60, début 70 et j'avais pu réaliser par moi-même qu'il était stiff dans un ring. Il était vraiment un ‘tough guy'. Disons que tu apprenais rapidement quand tu luttais avec. La fois d'après, tu savais quoi faire et surtout quoi ne pas faire ! », rigole-t-il.

Mais cette réputation lui servait à jouer des tours également.

« Je luttais à Toronto en 1972, pour la première fois au Maple Leaf Gardens. J'étais assez nerveux. C'était moi père et moi contre Hans Schmidt et Sweet Daddy Siki. Je n'avais que 17 ans et je trouvais ça impressionnant, raconte Raymond Rougeau. Siki avait un côté de la mâchoire paralysé et il m'avait conseillé plus tôt dans la journée de faire bien attention à moi car c'est Hans qui lui avait fait ça à la mâchoire. Une fois qu'on a eu fini de préparer le match, Hans m'a dit qu'il me donnerait un coup que j'étais pour me souvenir toute ma vie.

« C'était une autre époque et ça ne me dérangeait pas. J'm'étais dit que j'allais le prendre, je devais payer mes dues et que c'était ainsi que tu devenais un des boys.

« Dans le match, il me lève les jambes alors que je suis sur le dos et avance son pied vers le bas de mon ventre. Il faut se rappeler qu'il chaussait des 13 ou 14 et là il me dit ‘le v'la ton coup' !

« J'm'attendais tellement à un gros coup que lorsqu'il m'a frappé avec son pied - qui était worké et aucunement stiff finalement - je n'ai pas vendu le coup, je me suis relevé d'un coup sec et je lui ai dit ‘Rien que ça ?!?' Il était en maudit et m'a couru après jusqu'à ce que j'aille faire le relais à mon père. Le tour s'était retourné contre lui finalement ! », raconte Raymond en riant.

Né le 7 février 1925 à Joliette, la carrière de Hans Schmidt ne commença pas immédiatement sous ce nom, mais bien sous son vrai nom de Guy Larose.

Quatre ans après la fin de la guerre, Guy Larose, 24 ans, fait ses débuts dans le monde de la lutte professionnelle. Sous le nom de Guy Ross, il lutte principalement dans l'état du Michigan et dans le reste du Canada contre des lutteurs tels que Stu Hart, Dave Ruhl, Chief Thunderbird, Bob Lortie et Pierre Lasalle (Eddy Auger). Vers la fin de l'année et durant toute l'année suivante, il lutte surtout en Nouvelle-Angleterre sous son vrai nom. Il fait finalement ses débuts à Montréal le 21 février 1951 face à Manuel Cortez. Après avoir fait quelques préliminaires à Montréal, il retourne aux États-Unis et en 1952, il devient celui qui le fera connaître à travers la planète, Hans Schmidt.

« Je luttais à Boston et le promoteur de l'endroit, Paul Bowser, qui était Allemand d'origine, trouvait que je ressemblais à un Allemand et c'est lui qui m'a donné le nom de Hans Schmidt », explique Larose dans une entrevue avec SLAM Wrestling.

« Hans Schmidt c'était l'une des plus grosses vedettes du Dumont Network avec Gorgeous George quand la lutte à commencer à la TV. Il était connu de Chicago à Los Angeles car le réseau de télévision se rendait jusque là. », de dire Gino Brito. « Il était l'un des meilleurs heels au début des années 50 pendant la période suivant la 2e Guerre Mondiale avec son personnage de Nazi. Il était l'un des lutteurs les mieux payés de ce temps », relate Dave Meltzer.

Il faut dire qu'il avait le personnage voulu.

« L'histoire de la lutte est basée sur les situations sociales », explique Paul Leduc. L'après-guerre vu d'ailleurs plusieurs « Nazis » faire leur apparition. Karl Von Hess, Kurt Von Hess, Fritz Von Erich, Waldo Von Erich, sans oublier le premier à interpréter ce type de personnage, Kurt Von Poppenheim. Il fera d'ailleurs équipe au cours de sa carrière avec les quatre premiers, ayant aussi des rivalités avec certains d'entre eux. Même si Larose personnifiait un Allemand, il ne joua jamais la carte complète du Nazi, laissant la croix gammée et le salut d'Hitler pour d'autres.

Évidemment, jouer un Allemand était amplement suffisant dans les années 50 pour se faire détester, les Américains et Canadiens se relevant à peine de la guerre. Cette gimmick joue d'ailleurs de vilains tours à Schmidt aujourd'hui, alors que plusieurs historiens créditent sa popularité uniquement à son personnage et au fait qu'il fut le premier à le jouer lorsque la télévision commençait, au détriment de ses capacités de lutteurs. Pourtant JJ Dillon affirme en entrevue qu'il y avait plus que cela.

« Jim Barnett, qui pour les plus jeunes fut celui qui a recommandé John Cena à la WWE juste avant de mourir, pouvait ressentir qu'un lutteur allait attirer beaucoup d'argent et c'est ce même Barnett qui a lancé la carrière de Hans Schmidt. »

Quoiqu'il en soit, Schmidt attirait et est rapidement devenu l'une des principales attractions du monde de la lutte. Les promoteurs se l'arrachaient. « Je n'ai que deux mots pour décrire Schmidt : machine à heat! », de dire Sir Oliver Humperdink.

Durant les quelques 20 années qui suivirent, Schmidt lutta dans à peu près tous les territoires en Amérique du Nord, d'est en ouest, du nord au sud, sans oublier quelques voyages au Japon, où il lutta en équipe à quelques reprises avec Bruno Sammartino, Waldo Von Erich et Lou Thesz, affrontant entre autres Giant Baba. Même s'il n'a jamais remporté le titre, il eut de nombreux match de championnat pour le titre de la NWA. « Mis à part les gros noms de l'histoire, il est celui qui a eu plus de matchs de championnats dans le plus grand nombre de territoires différents, ce qui prouve qu'il était over dans plusieurs endroits », explique Dave Meltzer, en essayant de démontrer qu'il avait sa place dans le Temple de la Renommée de la Lutte Professionnelle du Wrestling Observer Newsletter, le plus reconnu en la matière. En effet, Schmidt affronta pour le titre de la NWA Lou Thesz, Billy Watson, Gene Kiniski, Pat O'Connor et Dory Funk Jr. À quelque part durant ces années, il était même considéré comme l'athlète le mieux payé aux États-Unis.

Sa rentrée officielle à Montréal sous le personnage de Hans Schmidt arriva le 19 mai 1954. Si bien souvent on pense que l'identité derrière ce type de personnage reste secrète, ce ne fut pas du tout le cas pour Larose. En effet, le journal La Patrie indiquait dans son édition du 19 mai 54 qu' « on aura hâte de plus d'assister aux débuts du Montréalais Guy Larose, mieux connu sous le nom de Hans Schmidt comme lutteur… » Il était fréquent aussi pour Larose de parler français dans des entrevues ou dans l'arène, alors que des fans l'insultaient. Il était donc plus facile pour Larose de passer incognito aux États-Unis qu'au Québec, où son accent et ses entrevues le trahissaient.

« À Chicoutimi ou en Gaspésie, le monde criait Larose durant ses combats. C'est bien normal aussi. Quand après un show il se commandait un lunch au restaurant, il le commandait en français, y parlait pas un traître mot d'allemand ! », précise Brito.

« Une autre fois, pendant que Jacques Rougeau appliquait une clef de jambes à Hans Schmidt, un p'tit monsieur de 5 pieds 3 s'avance vers l'arène, allume et éteint un briquet rapidement et dit à Schmidt : « M'a te brûler les yeux mon ostie! », raconte l'animateur René Pothier. Ce à quoi Schmidt, un « Allemand », répondit : « Jacques va m'lâcher et tu vas manger une claque mon câlisse! » J'en ris encore aujourd'hui! »

Dans les années 60, plus précisément à partir du milieu de cette décennie quand Johnny Rougeau a pris le contrôle du territoire, Schmidt lutta de façon plus régulière au Québec. Il a d'ailleurs remporté le titre International à 5 reprises. C'est aussi durant ces années passées au Québec qu'il fit équipe avec un autre « Allemand », Baron Von Rashke.

Quelques années auparavant, Schmidt a fait partie du dernier programme de lutte présenté par l'homme qui lui avait trouvé ce personnage, Paul Bowser. Le 15 juillet 1960, il fit donc équipe avec Killer Kowalski face à Édouard Carpentier et Lou Thesz au Boston Garden.

Il retourna aux États-Unis dans les années 70, essentiellement en Ohio, à Detroit et à Buffalo, avec aussi des arrêts à Toronto. Il revint à Montréal en 1974, entre autres dans un match avec Jacques Rougeau face à Tarzan Tyler et Gilles Poisson. Schmidt, cette fois-ci un babyface, avait même participé à l'émission Symphorien, se disputant avec Tyler. En 1975, il devint même actionnaire des As de la Lutte, et l'était encore au moment où celle-ci a fermé les portes. De moins en moins actifs avec la lutte à Montréal qui était sur le déclin, Schmidt participa à ses derniers combats réguliers en 1976 et 1977. Puis, en 1983, il fit un retour pour le promoteur Denis Lauzon, alors qu'il lutta comme babyface et comme heel, principalement contre les frères O'Reilly. Ce fut ses derniers combats.

Schmidt se classe historiquement au 5e rang des lutteurs s'étant positionnés le plus souvent dans le top 10 de ceux qui attiraient le plus, années après années. Les années 1953 à 1959 furent très rentables pour lui, alors qu'il faisait les finales un peu partout où il passait.

À Montréal, il a fait partie de la finale qui a attiré le plus en 1959 et en 1961, les 2 fois face à Édouard Carpentier, alors que 15 830 fans y étaient en 59 et 20 743 en 61.

Ce n'est pas pour rien qu'en 1998, le documentaire « The Unreal Story of Professional Wrestling” qualifiait Schmidt du “vilain étranger classique”. Il fut sans l'ombre d'un doute l'influence pour d'autres « Allemands », sachant se servir du nouveau média qu'était la télévision pour augmenter sa popularité.

Il est passé bien près de faire partie du Temple de la Renommée du Wrestling Observer Newsletter l'an dernier, alors qu'il ne lui manquait que 3 votes pour se faire élire. Il fait partie des plus proches aspirants depuis quelques années déjà. À tout le moins, en 2006, il faisait son entrée dans le Temple de la Renommée de la Lutte au Québec de Lutte.com, en compagnie cette année là de Bob Langevin, Killer Kowalski et Don Leo Jonathan.

Dans ses dernières années, il ne voulait plus parler de lutte. Seul Greg Oliver de SLAM ! Wrestling arrivait à lui soutirer une entrevue de temps en temps.

J'ai moi-même essayé d'avoir une entrevue pour notre livre sur l'histoire de la lutte au Québec et à deux reprises, il avait gentiment décliné. J'avais même demandé à Raymond Rougeau de parler en ma faveur, mais rien à faire. Raymond m'avait alors dit qu'il était encore amer envers Vince McMahon pour ce qu'il avait fait de la business.

Pourtant, en 1995, alors que la WWF avait fait une conférence de presse pour confirmer la nomination de Johanne Rougeau comme promotrice au Québec, il faisait partie des anciens lutteurs présents.

L'ancien lutteur Michel « Justice » Dubois lui avait d'ailleurs parlé l'an dernier de cette amertume.

« Il ne voulait pas parler de lutte et on en a même fait un joke ! On a pris des nouvelles de la santé de chacun et c'est pas mal ça. On a jasé pas plus de 10 minutes. »

Pour ce qui est d'une des personnes avec qui il acceptait de parler, Raymond Rougeau, ce dernier garde un bon souvenir de Guy Larose.

« J'ai beaucoup voyagé avec lui. Quand nous sommes tous les deux devenus actionnaires des As de la Lutte, on faisait du booking ensemble. On était de bons amis. », conclut tristement Raymond.

Si pour les États-Unis et le reste du monde, il était Hans Schmidt, un redoutable ennemi, pour le Québec il fut et sera toujours Guy Larose, un Québécois francophone et l'un des meilleurs lutteurs que la province ait connu.

Ses funérailles auront lieu à l'Église d'Entrelacs ce mercredi à 10h. Il laisse dans le deuil ses deux enfants, Guy et Diane, deux petits-enfants, David et Ian ainsi que son épouse Monique et ses enfants.