MONTREAL (AFP) - Vide, avec sa tour blanche inclinée telle une trompe jouxtant un vélodrome reconverti en zoo, le Stade olympique de Montréal est aujourd'hui un éléphant blanc toujours nourri par les contribuables québécois, trente ans après les Jeux olympiques de 1976.

Sortie de l'anonymat grâce à l'exposition universelle de 1967, Montréal avait obtenu contre toute attente l'organisation des JO d'été de 1976 coiffant au poteau en pleine guerre froide Moscou et Los Angeles.

Ambitieux, le maire Jean Drapeau voulait poursuivre sur la lancée de l'exposition universelle et hisser la ville québécoise au rang des grandes métropoles du monde.

La création du complexe sportif avait été confiée à l'architecte français Roger Taillibert qui a moulé des tonnes de béton pour donner à ce stade de 60.000 places et au vélodrome une silhouette arrondie, ergonomique.

Les fumeurs paient

Trente ans après les JO, le stade est quasi désert. Montréal a perdu en 2004 son club de base-ball professionnel "Les Expos" - une référence à l'exposition universelle de 1967 - au profit de Washington, et l'équipe de football américain "les Alouettes" joue la majeure partie de ses matches dans une plus petite enceinte.

Le stade accueille des expositions automobiles, agricoles et sera la semaine prochaine l'hôte des jeux gays, lesbiens et transsexuels.

Le vélodrome, lui, a été démantelé au début des années 90 et reconverti en biodôme, où ont été recréés les écosystèmes boréal et tropical.

Les Québécois ne sont pas prêts d'oublier ce projet olympique qui a coûté beaucoup plus cher que prévu et qu'ils n'en finissent pas de payer.

Les autorités québécoises ont contracté une hypothèque de 30 ans sur une somme de 1,47 milliard de dollars pour le stade, sa tour, le vélodrome, la piscine olympique et le village olympique, vendu et transformé en appartements.

Ce sont les fumeurs qui paient puisque, depuis 1976, une fraction de la taxe provinciale sur les produits du tabac est attribuée au remboursement de la dette olympique.

"Il reste 1,5% de l'hypothèque à payer et ça devrait être fini à l'automne", assure Sylvie Bastien de la Régie québécoise des Installations Olympiques (RIO).

"Le gouvernement a annoncé que cette fraction de la taxe perçue (sur les produits du tabac) sera ensuite consacrée à la culture et aux installations sportives", dit-elle.

Héritage sportif ?

"Vous avez tout détruit sur le plan sportif. Vous avez tout abandonné. On a commencé à faire des expositions, à faire n'importe quoi. Supprimer le cyclisme, ça été le coup dur. A la Fédération internationale de cyclisme, on a dit ils sont fous", grogne l'architecte français Roger Taillibert.

"Le maire Drapeau disait toujours "on a eu les jeux 30 ans trop tôt"... Aujourd'hui, je suis obligé de confirmer. Vous les avez eus 30 ans trop tôt. Mais actuellement vous ne les auriez plus", ajoute-t-il lors d'un entretien avec l'AFP.

La Ville de Montréal organise lundi à l'occasion du trentième anniversaire de la cérémonie d'ouverture des JO une soirée réunissant le gratin politique et sportif dont le président du CIO, Jacques Rogge.

"Il est clair que Montréal n'a pas organisé les Jeux avec pour but d'avoir un héritage à long terme... Nous ne voulons pas que les stades qui sont pleins au moment des Jeux deviennent des éléphants blancs par la suite", a-t-il déclaré cette semaine au journal La Presse.

Montréal a donné cette semaine son feu vert pour la création d'un nouveau stade de quelque 13.000 places pour "L'Impact", son club dans le championnat nord-américain de soccer. Ce stade sera érigé sur un terrain à deux pas... du stade olympique.