Jamais n'aura-t-on vu autant de joueurs canadiens (et québécois) être aussi dominants dans la NCAA que lors les dernières années.

« C'est une chose d'avoir des rêves, mais lorsque ce rêve est près de toi, on dirait qu'il est davantage à portée de la main », me disait le membre du temple de la renommée du basketball, Chris Mullin, lors de son passage à Montréal, en octobre dernier. Ce rêve s'est rapproché de milliers de Canadiens lors de l'arrivée des Raptors de Toronto et les Grizzlies de Vancouver dans la NBA, en 1995. Ce rêve, Steve Nash a prouvé qu'il était atteignable, alors qu'il est passé d'un joueur inconnu à l'université Santa Clara, à une vedette dans cette même équipe, à un athlète nommé deux fois joueur par excellence de la NBA.

Au cours des dernières années, on assiste à une véritable explosion de jeunes talents canadiens dans la NCAA. Pensez-y un instant, les athlètes canadiens, qui ont fait le saut dans la NCAA cette saison sont, pour la plupart, nés en 1993. Ils ont donc eu conscience de la présence du basketball dans leur environnement pour la majorité de leur vie. Dans un article paru en 2011, le joueur de centre des Lakers, Robert Sacre (né aux États-Unis, mais ayant été élevé à Vancouver), mentionnait qu'il avait toujours voulu jouer pour les Grizzlies lorsqu'il était jeune et à quel point cela l'avait poussé vers le basketball.

Si l'effet des Raptors se fait toujours sentir, l'arrivée de joueurs comme Sacre dans la NBA décuplera cet effet d'entraînement chez les jeunes, qui se diront alors : « s'il peut le faire, moi aussi je peux le faire ». Lorsque j'étais jeune, tout le monde voulait devenir Patrick Roy ou Wayne Gretzky, des idoles canadiennes. Ces fameuses idoles permettent à une nouvelle vague de talent d'éclore, créant ainsi de nouvelles idoles à son tour. Je pense entre autres à Andrew Wiggins, qui fera son entrée dans la NCAA la saison prochaine et qui pourrait bien être repêché au tout premier rang dans la NBA en juin 2014.

Bref, la nouvelle génération de joueurs de basketball semble véritablement être née avec un ballon dans les mains.

Qui sont-ils?
Cette saison, 88 jeunes hommes, dont 10 Québécois, jouent pour une équipe de NCAA division 1 (sans oublier 80 Canadiennes, dont 11 Québécoises).

Les équipes de la NCAA sont de plus en plus nombreuses à recruter des joueurs du nord de la frontière. L'ancienne formation du Québécois, Hernst Laroche, les Aggies de l'université New Mexico State, est certainement la plus active de toutes au Canada. L'équipe compte en ses rangs 4 joueurs canadiens cette saison, dont l'arrière, Daniel Mullings, l'un des 10 meilleurs pointeurs de la Western Athletic Conference (WAC). La présence de Paul Weir, un Torontois, dans le groupe d'entraîneurs des Aggies n'est pas étrangère au fort contingent de Canadiens dans l'équipe.

À deux mois du début de March Madness, deux formations, menées par des Canadiens, font beaucoup de bruit dans la NCAA : les Bulldogs de Gonzaga et les Runnin' Rebels de UNLV.

Les Bulldogs de Gonzaga (classés #8 selon Associated Press) ont subi leur 2e revers de la saison samedi soir, sur un tir à la toute dernière seconde, contre l'université Butler (#13). La troupe de Mark Few connait malgré tout une excellente saison, notamment grâce à l'apport de Kevin Pangos (Newmarket, Ontario) et Kelly Olynyk (Kamloops, Colombie-Britannique). Pangos est un meneur de jeu avec une excellente touche au périmètre et une vision belle vision du jeu. Le géant de Kamloops, Kelly Olynyk, tire profit de la présence de Pangos sur le terrain, étant régulièrement la cible des passes du meneur de jeu. Après avoir accepté de passer une saison complète sur le banc, Olynyk pourrait bien être nommé joueur par excellence de la West Coast Conference. Il montre une moyenne de 18 points et 6,8 rebonds par match, en 25 minutes de jeu seulement (un match dure 40 minutes dans la NCAA).

L'histoire d'Olynyk est surprenante. Je vous invite d'ailleurs à jeter un coup d'œil au bloc que nous avons diffusé récemment pendant la diffusion du basketball de la NCAA sur les ondes de RDS 2.

En ce qui a trait aux Runnin' Rebels de UNLV, il s'agit d'une équipe qui tente de remporter un premier titre national depuis 1990. Les Rebels comptent en leurs rangs l'un des candidats potentiels au titre de joueur de l'année dans la NCAA, Anthony Bennett (Brampton, Ontario). Bennett est un joueur très athlétique, doté d'une charpente solide (6 pieds 8, 240 livres). À sa première année dans le circuit, il marque en moyenne 19 points par match et capte près de 9 rebonds. Je vous suggère d'aller faire un petit tour sur YouTube, afin d'aller admirer quelques-uns de ses plus beaux dunks.

Il faut également parler du Montréalais, Khem Birch, qui a enfin trouvé sa place dans la NCAA, chez les Rebels. Birch avait quitté l'université Pittsburgh la saison dernière, en raison de ce qu'il affirmait être « un manque d'esprit d'équipe ». En raison des règlements en vigueur dans la NCAA, il n'a pu rejoindre les Rebels qu'au milieu du mois de décembre. Il s'agit d'un joueur très athlétique, efficace en défense dans la clé (2,4 contres par match), capable de soulever la foule avec de gros dunks. En 2010, il était devenu le 2e Québécois (l'autre étant Bill Wennington) à participer au McDonald's All-American, un match mettant aux prises les meilleurs espoirs inscrits à l'école secondaire.

L'exode vers les États-Unis

On ne peut que se réjouir du succès des Canadiens dans la NCAA. Pourtant, une question s'impose : « pourquoi quitter le Canada vers les États-Unis? » On pourrait croire qu'il s'agit d'une question de visibilité. Lors de mon passage à Syracuse il y a deux ans, le Montréalais, Kris Joseph, me disait qu'il sentait qu'il avait fait le tour du jardin au Québec et qu'il pensait être mieux servi en allant terminer ses études secondaires aux États-Unis, dans le but d'obtenir une bourse d'études dans une université américaine. Il a finalement connu une belle carrière dans la NCAA avec l'Orange de Syracuse pour avant d'être repêché par les Celtics en juin dernier.

La vérité, c'est que la NCAA n'est pas un passage obligé. Les joueurs s'y rendent surtout pour vivre une nouvelle expérience de vie, pour jouer devant de grosses foules (on parle de plus de 20 000 spectateurs à certains endroits) ou pour jouer à un niveau plus élevé qu'au Canada. Pour ce qui est de la visibilité, Le Montréalais du Heat de Miami, Joel Anthony, a déjà dit à mon collègue Jean-Luc Legendre : « si tu es bon, les dépisteurs de la NBA vont te trouver, peu importe où tu joues ». Il a raison. L'an dernier, 8 joueurs étrangers, qui n'ont jamais joué dans la NCAA, ont été repêchés par une équipe de la NBA, dont Evan Fournier, en première ronde. Ces athlètes jouent généralement dans la ligue professionnelle de leur propre pays. Voilà donc toute l'importance de miser sur un excellent système de développement au Canada.

Les meilleurs joueurs d'âge universitaire quittent le pays pour jouer dans la NCAA, ce qui fait en sorte que le calibre y est moins fort. Si le niveau de jeu est moins élevé, le circuit universitaire devient moins intéressant et donc moins de jeunes joueurs décident de rester au Canada.
Si tous les jeunes joueurs canadiens demeuraient au Canada, on aurait alors une ligue universitaire beaucoup plus forte, qui attirerait davantage les regards des dépisteurs de la NBA. C'est un véritable cercle vicieux, qui sera difficile à renverser maintenant que le barrage est ouvert et que les jeunes Canadiens suivent le courant jusqu'aux États-Unis.

Il faut aussi souligner la présence de la Ligue nationale de basketball du Canada. On doit espérer que cette ligue se développe avec le temps et qu'elle reçoive le support des amateurs de basketball pour en faire une ligue crédible, au même titre que la Ligue canadienne de football. Chaque année, quelques joueurs de la LCF font le saut dans la NFL. Il devrait en être de même, un jour, je l'espère, pour la LNB et pour notre circuit universitaire canadien.