Une autre édition du Championnat canadien de curling masculin s’est terminée ce week-end. La formation de l’Albertain Kevin Koe a remporté cette édition 2014. Sa victoire en grande finale face à la formation de John Morris était la 26e victoire albertaine dans l’histoire du Championnat canadien. L’Alberta s’approche ainsi à une seule victoire du Manitoba, qui est la province détenant le plus grand nombre de victoires avec un total de 27. Quant à Koe, il en était à une deuxième victoire au cours des quatre dernières années puisqu’il avait remporté le titre en 2010.

John Morris, qui a défrayé les manchettes au printemps dernier à cause de sa rupture avec la formation de Kevin Martin (médaillé d’or aux Jeux de Vancouver), en était à une deuxième défaite crève-cœur cette saison puisqu’il s’était également incliné en grande finale des essais olympiques canadiens face à Brad Jacobs. Brad Jacobs, on le sait, a par la suite représenté le Canada aux Jeux de Sotchi et en est revenu médaille d’or au cou.

De son côté, le Québec de Jean-Michel Ménard a connu un très bon tournoi, accédant à la ronde éliminatoire. Après une belle victoire en quart de finale contre Jeff Stoughton du Manitoba, il s’est finalement incliné en bout supplémentaire de la demi-finale face au nouveau champion en titre Kevin Koe. Le Manitobain Stoughton a pu venger sa défaite face à la formation québécoise dans le match de la médaille de bronze reléguant le Québec à la 4e position.

Il s’agissait de la dernière édition du Championnat canadien tel qu’il existait depuis plusieurs années. En effet, les dirigeants de l’Association canadienne de curling ont apporté des changements majeurs en ce qui a trait aux équipes qui participeront dorénavant au Championnat canadien. Dès 2015, il n’y aura plus un représentant par province comme ce fut le cas depuis belle lurette. Je reviendrai dans un blogue ultérieur vous expliquer en détail le nouveau processus de qualification et l’impact que celui-ci aura pour le développement du curling dans certaines provinces. Mais en attendant, soyez rassuré, la bonne performance de l’équipe Ménard dans cette édition 2014 a solidifié, du moins à court terme, la participation du Québec aux prochains Championnats de curling masculin.

Quelques observations et conclusions que l’on peut tirer de cette édition 2015 :

-         On peut conclure que malgré la popularité croissante du curling sur les différents réseaux de télévision qui couvrent les différents évènements de curling au niveau canadien, la tenue d’un championnat de cette importance en dehors des mégapoles du curling canadien telles qu’Edmonton, Calgary, Saskatoon, Winnipeg etc., comporte des risques importants en termes d’assistance. En effet, malgré une performance exceptionnelle de l’équipe locale de John Morris, l’assistance totale lors de ce Championnat fut l’une des plus décevantes depuis 1988 alors que le Championnat canadien avait été disputé à Chicoutimi. Kamloops était très loin des records d’assistance que s’arrachent d’édition en édition les villes mentionnées ci-dessus.

-         On peut également conclure que l’Association canadienne a la mémoire courte en modifiant la formule de qualifications pour le Championnat canadien qui aura pour conséquence d’exclure au moins une province du Brier 2015. On risque ainsi de créer un mouvement de contestation important dans certaines provinces vulnérables. L’ACC semble avoir oublié les troubles que lui avait causés la décision impopulaire de céder les droits de télévision au réseau CBC plutôt que TSN il y a quelques années. La réaction des amateurs avait été si virulente que l’Association avait dû revenir sur sa décision et modifier sa nouvelle entente avec les diffuseurs canadiens à coup de frais juridique importants. La création de zones de relégation pourrait engendrer la même passion et les mêmes réactions chez les amateurs.

-         Au niveau de la qualité de jeu, on peut conclure que le curling est dorénavant un jeu de sorties pesantes et de sorties montées à la Ryan Fry. Il n’en demeure pas moins cependant que le vieil  adage du sport qui dit que « Si on ne peut pas faire de placement précis au bouton, on ne peut pas être capitaine » fait encore foi de loi. En effet, avec les nouvelles conditions de glace plus rapides et plus régulières, les joueurs de haut niveau ont développé au cours des dernières années une habileté incroyable dans la précision des sorties. Même Pat Ryan, roi et maître des sorties dans les années 80, aurait l’air d’un novice face à la précision d’un Kevin Koe, d’un Mark Nichols ou d’un EJ Harden. Mais aussi habile soit-on sur ce type de coup, si votre capitaine ne peut toucher le cercle de 4 pieds quand le besoin s’en fait sentir, vos chances de succès sont assez minces. Parlez-en à la formation de la Saskatchewan!

-         On a pu également observer qu’il sera de plus en plus difficile de remporter un Championnat canadien pour les formations qui ne font pas partie de l’élite. Cette année, trois formations qui participaient au Brier avaient également participé aux essais olympiques. Ces trois formations ont terminé dans les trois premières positions sans aucune surprise, et cela même sans avoir connu une semaine extraordinaire (la qualité du curling de Jeff Stoughton fut en deçà du niveau de jeu qu’il nous présente habituellement, mais il a quand même terminé troisièmesans aucun souci). Les autres formations se sont battues en quelque sorte pour la quatrième position. L’an prochain, avec l’ajout d’Équipe Canada (assurément une équipe d’élite identifiée par l’ACC) et possiblement le retour de Brad Jacobs (avec également une équipe sur le programme de l’ACC, lui qui n’a pas participé au Brier cette année en raison de sa participation olympique), les chances des autres provinces ou territoires de s’insérer dans le quatuor final  seront à peu près nulles. Le Championnat canadien deviendra un genre de Grand Chelem au même titre que les autres tournois de cette série.

Bref, le Championnat canadien 2014, bien qu’il fût modeste en assistance, fut divertissant en termes de qualité de jeu. Toutefois, on risque bien plus de se remémorer ce Championnat canadien comme le dernier d’une longue tradition si propre au curling qui voulait que n’importe quelle équipe si modeste soit-elle ou que n’importe quel club de curling au Canada qui s’inscrivait dans les qualifications régionales pouvait rêver de se retrouver sur la plus haute marche du podium. Ce rêve n’est désormais plus accessible à tous!

Kevin Koe aura été le dernier champion canadien à pouvoir se vanter d’avoir remporté un véritable Championnat canadien s’étendant à l’ensemble du territoire et le premier à porter les couleurs du Canada lors du Championnat canadien de 2015.