C'est l'expérience d'une vie. D'où la nécessité d'écrire. Écrire pour conserver les précieux souvenirs accumulés au cours des derniers jours.

J'ai été témoin de belles rencontres, de la naissance d'amitiés, de moments d'angoisse, de réjouissances, de joies et de déceptions. Mais surtout, j'ai constaté de la part de tous, les athlètes comme les bénévoles, le dépassement de soi.

J'aimerais donc ici partager avec vous mon journal de bord du Grand Défi Pierre Lavoie, que j'ai suivi de La Baie jusqu'à Montréal.

Jeudi 11 juin, veille du départ

Mauvaise nouvelle pour l'équipe RDS. Nous apprenons que nos deux meilleurs cyclistes, qui reviennent d'un camp d'entraînement au Brésil, ont attrapé au virus. Ils ne pourront participer au Défi pour des raisons évidentes. Un remaniement majeur s'impose au sein de l'équipe. En quelques heures, nous parvenons à trouver un cycliste professionnel, Frédéric Trudeau, qui aura pour mandat d'effectuer les épreuves les plus difficiles.

Notre équipe de cyclistes, formée depuis le mois de mars seulement, est donc composée de Frédéric Trudeau, Alain Perreault, le gardien de but Marc Denis, et 3 employés de RDS : Denis Morin, ingénieur en informatique, Patrick Jutras directeur des ventes et Michel Gagnon, vice-président ventes et marketing.

Vendredi 12 juin

6h00

Rendez-vous à Brossard chez notre conducteur Christian Philippe. Nous prenons la route à 6 heures et faisons davantage connaissance à bord de notre luxueux motorisé, gracieuseté de VR St-Cyr. Nous constatons que nous avons tous très peu dormi.

11h30

Arrivés au Saguenay, nous passons chercher Marc Denis que nous rencontrons tous pour la première fois. Marc et sa conjointe sont des passionnés de cyclisme. Puis nous nous rendons à La Baie, ma ville natale, d'où sera donné le départ dans quelques heures. J'amène les membres de l'équipe dîner chez mes parents où ils peuvent déguster les spécialités locales, la tourtière du Saguenay et le cipaille aux bleuets

L'immense stationnement du Palais Municipal est rempli de motorisés, probablement une centaine. Réunion d'information pour tous, préparation des cyclistes qu'on invite ensuite à se rendre au Parc Mars pour le départ.

15h30

Le Parc Mars est un endroit magnifique au bord de la Baie des Ha! Ha! avec vue sur le Fjord du Saguenay. Il fait beau, la population est au rendez-vous, la scène est donc exceptionnelle pour le départ des 465 cyclistes, avec en tête, bien sûr, Pierre Lavoie.

Après une petite boucle dans les rues de La Baie, la majorité des cyclistes se retire pour laisser la place à ceux qui doivent effectuer la première étape de 91 kilomètres jusqu'à Alma au Lac St-Jean. Marc Denis était désigné pour effectuer cette étape. Mais Patrick Jutras a décidé d'embarquer également, histoire de se délier les jambes! Je quitte l'équipe pour finaliser la préparation de mon premier reportage.

21h00

Je rejoins le tour à la troisième étape, entre Alma et Roberval. La scène est splendide. Les cyclistes roulent au bord du Lac au coucher de soleil. Et le rythme est élevé. Le peloton roule à près de 40 km/h. À l'arrivée, notre cycliste Denis Morin est radieux. Denis n'était pas convaincu qu'il avait la capacité de participer au Défi. Maintenant, il en avait la certitude, tout comme Patrick et Marc, comblés après la première étape. De son côté, Pierre Lavoie a complété cette étape et a continué de pédaler avec les jeunes puis les a entretenus sur l'importance des bonnes habitudes de vie.

22h18

Première étape de nuit du Grand Défi, entre Roberval et Chicoutimi, un segment de 97 kilomètres. C'est Alain Perreault qui est le cycliste désigné pour RDS. À bord du motorisé, nous écoutons à la télévision la troisième période du 7e match de la finale de la Coupe Stanley, avec les observations de Marc Denis en prime! Arrivés à Chicoutimi, nous dormons en attendant les cyclistes.

Samedi 12 juin

1h55

Réveil en catastrophe! Nous avons tous bien dormi, trop dormi, y compris Frédéric qui doit prendre le départ pour la terrifiante montée du Parc des Laurentides dans moins d'une demi-heure! Frédéric se prépare en vitesse, car le motorisé doit immédiatement partir. Il nous avait parlé de la nécessité d'une bonne préparation avant une telle épreuve, et il n'a rien pu faire de cela! Bonne chance!

05h45

Il fait froid. Je regarde le soleil se lever sur le lac Jacques-Cartier près de l'Étape en attendant les cyclistes pour la fin de cette dure épreuve de 103 kilomètres, en montée. La vue est impressionnante et digne de celles que l'on voit au Tour de France. Les autres cyclistes sont sortis de leurs motorisés pour accueillir les héros qui ont devancé l'horaire par près d'une demi-heure. Il s'agit d'une bonne nouvelle puisque Pierre Lavoie pourra dormir 30 minutes, une période de sommeil qui n'était pas à l'horaire (il s'agira de son seul sommeil du parcours). Le médecin qui accompagne Pierre est très satisfait de ce qu'il voit, mais il sait que la prochaine nuit sera autant, sinon plus difficile. De notre côté, Frédéric a réalisé la montée sans trop de difficultés, même s'il n'a pas eu le temps de se préparer comme il l'aurait voulu.

7h05

Début officieux de la 2e journée. Tout le monde semble en pleine forme. Patrick Jutras est notre premier cycliste à grimper sur son vélo une deuxième fois. Je l'envie! À nouveau, la température est du côté des cyclistes. Pierre dirait que c'est grâce à ses 2 petits anges qui veillent sur lui. Un accident d'automobile mortel à Stoneham force les cyclistes à effectuer un léger détour.

11h00

Arrivée à Québec au campus de l'Université Laval. À nouveau Pierre Lavoie continue de rouler avec la population après son étape. Toujours très généreux dans ses entrevues avec les médias, Pierre fait même attendre les dignitaires sur la tribune d'honneur! Michel Gagnon rejoint enfin notre équipe. Je le sens nerveux à l'idée de participer à sa première étape, celle entre Québec et Deschambault. Je quitte à nouveau mes coéquipiers pour terminer mon 2e reportage.

16h45

Je rejoins l'équipe à Trois-Rivières. Bel accueil à l'UQTR. Je sens que l'esprit d'équipe est à son comble. Les liens se soudent facilement dans ces circonstances. Il en va de même avec les bénévoles que nous croisons étape après étape, les gens du stationnement, de la logistique, des ravitaillements et du montage/démontage des installations; des visages qui me sont familiers pour la plupart puisqu'il s'agit en majorité des gens de La Baie qui ont suivi Pierre depuis le début de ses folles aventures. Il faut dire que Pierre sait être convaincant. Je l'ai rencontré il y a environ 15 ans. Les circonstances de la vie ont fait qu'il s'est transformé en une personne qui a une aura… Un être d'exception.

18h00

Départ pour Drummondville. Selon les commentaires recueillis, le peloton roulait à un train d'enfer, le vent dans le dos.

23h00

La caravane des motorisés arrive à l'Université de Sherbrooke où l'accueil est exceptionnel. Des chandelles sillonnent le passage. Et dans le gymnase, les gens du tour sont guidés par des dessins d'enfants posés au sol. J'espère que Pierre a pu admirer ça…

Dimanche 14 juin

0h40

Les nouvelles ne sont pas bonnes après cette étape de nuit. Selon notre expert Frédéric, le trajet emprunté entre Drummondville et Sherbrooke était dangereux par endroits. Puis il semble que Pierre commence vraiment à souffrir, qu'il est « sur le pilote automatique » selon l'expression. De plus, l'étape qui s'en vient est considérée comme la deuxième plus difficile du Grand Défi. C'est Alain qui tentera de franchir les 73,6 kilomètres entre Sherbrooke et Knowlton.

4h20

On me réveille. « Les cyclistes arrivent! » Comme d'habitude, tout le monde accourt pour applaudir et encourager ceux qui viennent de conclure une étape. Est-ce que Pierre est là? Oui, et souriant en plus! Le pire est maintenant passé pour lui. Par contre, nous cherchons tous notre collègue Alain. Il arrive bien après les autres, affreusement déçu. Alain n'a pas été en mesure de terminer l'épreuve. Il a passé la dernière heure dans la remorque, ne pouvant pas juger visuellement l'énergie qu'il devait dépenser lors des longues et nombreuses montées. De plus, les montées se faisaient à un rythme de 30 km/h alors que les organisateurs prévoyaient une vitesse de 27 km/h… en moyenne pour la durée du tour! Mais peut-être qu'à ce moment, pour être bien sûr de compléter son Grand Défi, Pierre Lavoie devait absolument rouler à sa vitesse.

9h53

Les dernières heures du défi ont passé trop vite. Marc Denis a été émerveillé par le lever de soleil lors de son trajet autour du Lac Brome. Puis Denis Morin disait mission accomplie après avoir rempli son mandat à l'issue de l'étape Cowansville/Farnham. Par ailleurs, un caméraman qui était juché sur l'autobus de tête a fait une chute alors que le véhicule était en mouvement. Il semble qu'il n'ait pas été blessé gravement.

Quatre de nos cyclistes enfourchent leur vélo pour se rendre à Brossard. Je rejoins mon caméraman pour préparer mon dernier reportage.

13h33

Autre belle journée à Montréal. Les 645 cyclistes du Grand Défi s'apprêtent à rejoindre ceux qui ont participé au Défi 24 heures cycliste au circuit Gilles-Villeneuve. Pierre est accompagné à vélo par sa conjointe Lynne Routhier. Tous les cyclistes se rassemblent ensuite sur la ligne de départ d'où Pierre parvient à livrer un discours malgré la faiblesse de ses cordes vocales. Une belle scène, mais le plus beau est à venir.

15h30

Cinq mille enfants attendaient Pierre Lavoie au Stade olympique. Cinq mille jeunes qui ont gagné un concours pour démontrer qu'ils bougent. Ils ont acclamé le nom du cycliste de 46 ans lorsqu'il est entré dans le stade. La scène était merveilleuse. Pierre venait de compléter son Défi.

Après la cérémonie, c'était le temps pour les autres cyclistes des félicitations, des tapes dans le dos et des accolades. Le Grand Défi aura fait bouger les jeunes, les adultes, et aura aussi tissé des liens qui demeureront longtemps.

Pour consulter mes photos de l'événement, je vous invite à vous visiter ma page personnelle dans le Grand Club.