C'est le test suprême pour les casse-cous de la vitesse, dans le temple du ski : sur la descente de Kitzbühel, le long de l'exigeante Streif, « la ligne entre la gloire et la blessure est plus fine que nulle part ailleurs ».

Ces mots sont prononcés par Larissa Hofer, skieuse italienne qui s'est essayée un temps au circuit de Coupe du monde, et devenue la femme du descendeur autrichien Hannes Reichelt.

« C'est la seule course où j'ai vraiment peur pour Hannes et où je suis juste contente qu'il atteigne la ligne d'arrivée en un seul morceau », lâche celle qui ne peut s'empêcher de trembler au moment de voir son mari, qui a pourtant dompté la Streif en 2014, s'élancer depuis le portillon de départ.

« À Kitzbühel, on est toujours content d'arriver en bas! » : le Français Guillermo Fayed résume bien le sentiment partagé par les skieurs.

« C'est un vrai combat, c'est stressant. Ce sont des pentes extrêmes, des virages à haute vitesse, tu n'es jamais sûr de sortir des virages », décrit-il. « Le plus dur, c'est de se lancer. Après, une fois que tu es dedans, tu n'as plus le choix, il faut y aller. »

Lancés à 140 km/h

Derrière cette expression, comprenez dévaler en deux minutes à peine une piste de 3,3 kilomètres de long, avec une inclinaison maximale de 85 % atteinte dès les premiers mètres de course dans le redoutable Mausefalle, qui oblige les descendeurs à négocier un saut de 80 mètres de long. Vertigineux.

Voilà les bolides lancés. Jusqu'à atteindre autour de 140 km/h. Vendredi dans le super-G, moins rapide que la descente, les plus rapides ont déjà frôlé cette vitesse dans le schuss d'arrivée.

« Ce qui est passionnant, c'est que pour un skieur normal, la Streif est inskiable. C'est pour ça que les gens normaux ont envie de regarder les skieurs qui osent s'attaquer à cette piste », estime l'Autrichien Franz Klammer, sorti quatre fois victorieux de la légendaire descente dans les années 1970-1980.

On a encore en mémoire le cru 2016, il y a un an, marqué notamment par les chutes spectaculaires du Norvégien Aksel Lund Svindal et de Reichelt. Ce dernier s'en était heureusement sorti le genou simplement contusionné. Ligament croisé rompu, Svindal avait lui dû dire adieu au reste de la saison, alors qu'il occupait la tête du classement général de la Coupe du monde.

« Le risque zéro n'existe pas. On est très loin de ça ici! », reconnaît Fayed. Mais « les gros crashs, on en a sur toutes les pistes, ça fait partie de notre sport », nuance-t-il.

« Rien de mieux que la Streif »

En Autriche, où le ski est le sport roi, Kitzbühel et son aire d'arrivée garnie de plusieurs dizaines de milliers de spectateurs, en plein cœur de la station de moins de 8500 habitants, sont l'endroit rêvé pour briller pour les skieurs locaux.

« Pour un Autrichien, il n'y a rien de mieux que de skier sur la Streif. La descente, c'est la discipline reine. Et la Streif, c'est encore un cran au-dessus », explique Vincent Kriechmayr.

« La combinaison de la tradition, des spectateurs et du parcours est sans égal », renchérit Stephan Eberharter, vainqueur en 2004.

À Kitzbühel, « il y a quelque chose de mythique » selon lui, « de mystique » pour Matthias Mayer, victorieux du super-G vendredi.

Le décor est posé. Il y a de quoi être nerveux au moment de s'y frotter. Même si l'on est un des tout meilleurs spécialistes de la vitesse, comme Kjetil Jansrud.

« Quand j'ai skié lors du premier entraînement mercredi, c'était fantastique, j'ai adoré. Mais lors du second entraînement (jeudi), je n'en menais pas large parce que je savais à quoi je m'attaquais », a reconnu le Norvégien.

« Il y a peut-être cinq ou six fois plus de monde dans la station qu'en temps normal, c'est la piste sur laquelle tout le monde veut gagner: c'est la Mecque du ski, point final », conclut Fayed.