Seulement 57 jours nous sépare maintenant de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Sotchi. Pour les skieurs acrobatiques du pays, c’est aussi la continuité de la course pour l’une des 26 places disponibles au sein de la délégation canadienne.

Ce sont les spécialistes du slopestyle qui ont brisé la glace mercredi, en prenant part aux qualifications du Dew Tour, présenté à Breckenridge, au Colorado, où les Québécois Alex Beaulieu-Marchand, Vincent Gagnier et Jean-Fançois Houle ont respectivement terminé 6e, 21e et 22e.

Aucune erreur permise

En bosses, le coup d’envoi se fera samedi, à Ruka, en Finlande, pour une épreuve en simple. Meneurs de leur discipline, les Québécois Alexandre Bilodeau et Mikaël Kingsbury se disputeront plusieurs fois la tête cette saison. Si les deux ont déjà obtenu leur préqualification au sein de l’équipe olympique, il n’y a toutefois qu’une seule place au sommet.

« L’avantage, c’est que nous sommes deux Canadiens, car nous sommes capables de voir mutuellement nos descentes, explique Mikaël Kingsbury, actuel champion du monde en simple. Nous nous poussons tous les deux et ça paraît sur la montagne puisque nous sommes ceux qui font les plus gros sauts. »

« Peu importe ce qui arrivera pendant la saison, nous savons que l'autre va être à la hauteur aux Jeux olympiques », raconte pour sa part Alexandre Bilodeau, champion olympique en titre.

Détenteur du dossard numéro un depuis presque deux ans jour pour jour, Mikaël Kingsbury n’est pas prêt à s’en défaire. « Une fois qu’on y touche, on veut le garder. Je veux arriver aux Jeux en étant le premier au monde et en continuant de faire ce que je fais le mieux », indique-t-il.

Kingsbury est toutefois conscient que la compétition est féroce. « Ce n’est pas facile. Avec une simple erreur, on est hors du podium. J’essayerai de rester concentré pour ne faire aucune erreur », raconte le skieur de Deux-Montagnes, qui a travaillé sur ses atterrissages ainsi que sur son cork 1080 au cours de la saison morte. « Je voulais qu’il soit plus constant pour l’exécuter même si les conditions sont plus difficiles. »

En terme d’expérience olympique, Bilodeau a certainement l’avantage puisqu’il est médaillé d’or à Vancouver en 2010, et a fini 11e à Turin, quatre ans plus tôt. Cela n’intimide toutefois pas Kingsbury, qui en sera à ses premiers JO. « Je ne suis tout de même pas une recrue dans le sport. Je vais faire tout ce que j’ai à faire pour gagner ou aller chercher une médaille. »

L’avantage Kingsbury est peut-être relié directement à la piste de Sotchi. Vainqueur de la Coupe européenne disputée sur le site olympique en 2012, il a aussi remporté la Coupe du monde présentée au même endroit à titre d’épreuve-test, en février dernier. « Ça me met en confiance, car j’aime la piste. Je suis aussi quelqu’un qui est bon sous toutes les températures. Je suis bon pour m’adapter à toutes les conditions. J’ai hâte d’y être et de voir comment ça va se passer. »

Kingsbury, qui a terminé au sommet du classement de la Coupe du monde ces deux dernières saisons espère aussi mettre la main sur un troisième globe de cristal d’affilée. « Je suis en bonne forme et je vais essayer de faire le meilleur de moi-même chaque fois que je serai en Coupe du monde. Le globe de cristal a beaucoup d’importance pour moi, mais en haut de la liste, c’est une médaille olympique. »

Le dernier tour de piste

Alexandre Bilodeau ne le cache pas. Son tour du monde qu’il amorce en Finlande est le dernier à titre de skieur acrobatique membre de l’équipe nationale et une autre vie l’attend au printemps prochain. « C’est la dernière fois que je vais aller à plusieurs endroits et j’apprécie chaque moment. Tout comme j’ai apprécié les journées plus difficiles au gymnase cet été. Je suis quand même chanceux d’avoir vécu ce train de vie aussi longtemps », réalise le Rosemérois membre de l’équipe nationale depuis 2004.

Mais avant de mettre un point final à sa carrière, il a un titre olympique à défendre et il se battra jusqu’à la fin pour le conserver. « L’objectif est d’être chaque jour le meilleur au monde, explique-t-il. Je suis présentement le meilleur skieur que je n'ai jamais été. Mes sauts vont très bien. J'ai travaillé vraiment fort. »

Les Jeux de Sotchi, qui seront les troisièmes du bosseur, n’auront toutefois pas la même signification. À Vancouver, en 2010, Bilodeau avait davantage l’impression de définir sa carrière. « Je savais bien qu’à Vancouver, c’était un do or die. Sotchi, c’est tout à fait différent. Je me suis entraîné en me disant que peu importe ce qui va arriver, je vais être capable d’aller chercher l’or. Mais est-ce que ça va se dérouler comme prévu? Surtout avec la température, il y a beaucoup d’inconnu. »

« J'ai accepté de mettre ça de côté et peu importe ce qui va arriver, je vais vivre avec et je vais être heureux. Je suis pas mal plus serein. Rien ne va changer dans ma carrière ni qui je suis », termine celui qui compte déjà 39 podiums en Coupe du monde.

Justine Dufour-Lapointe a soif de gagner

Chez les femmes, seule Justine Dufour-Lapointe est présentement préqualifiée pour les Jeux de Sotchi. « Les compétitions qui sont à venir seront de l’entraînement pour la grande journée », explique la Montréalaise qui précise toutefois que son esprit de compétition sera toujours présent sur chaque ligne de départ. « J’aurai toujours soif de gagner! »

« C’est la première occasion à vie que j’ai de participer aux Jeux olympiques et je veux en profiter à 100 % », mentionne-t-elle.

« Je veux tout donner, mais je ne veux pas me mettre de la pression. La clé, je crois, c’est d’avoir du plaisir », ajoute l’athlète de 19 ans qui a pu goûter à l’effervescence des Jeux olympiques d'été de Londres, en 2012, ce qui lui a permis de mettre cette expérience en banque. « J’ai visité le village olympique, j’ai rencontré des athlètes, mangé à la cafétéria », se rappelle la plus jeune des sœurs Dufour-Lapointe, qui avait alors notamment été témoin de la médaille d’or obtenue par la trampoliniste torontoise Rosie MacLennan. « J’ai réalisé à quel point tu n’es jamais assez prêt pour les Jeux olympiques. C’est beaucoup plus gros que toi et tu ne peux pas tout contrôler. »

Sont aussi présents à Ruka, les Québécois Chloé Dufour-Lapointe, Maxime Dufour-Lapointe, Marc-Antoine Gagnon, Pascal Olivier Gagné, Philippe Marquis, Simon Pouliot-Cavanagh, Audrey Robichaud et Cédric Rochon.

Pendant ce temps, à l’autre bout du monde…

S’ils sont plus d’une dizaine de bosseurs canadiens à Ruka, la délégation canadienne est réduite à un trio à Beida Lake, en Chine, où l’étape initiale de la Coupe du monde de sauts sera disputée dimanche. En plus de l’Ontarien Travis Gerrits, vice-champion du monde de l'épreuve, les Québécois Sabrina Guérin et Jean-Christophe André seront en action.

« C’est une saison super importante et super stressante, mais je suis prête. J’ai hâte que ça commence », affirme Sabrina Guérin, l'une des protégée de l'entraîneur national Daniel Murphy.

Malgré des douleurs à une hanche qui se sont maintenant résorbées et un camp d’entraînement en Australie annulé faute de neige cet été, la Lavalloise reste satisfaite de son entraînement entre-saison. Elle en a profité pour perfectionner ses sauts. « Je crois que j’ai accompli tous mes objectifs », explique celle qui a surtout travaillé à accélérer l’exécution des vrilles de son full-full, un double périlleux combiné à deux vrilles.

En plus de consolider ses sauts, l'athlète de 28 ans a également fait du ménage dans sa tête. « J’ai fait beaucoup de travail mental et ça me permettra de mieux gérer la pression. Je pourrai aussi mieux me détacher quand les sauts n'iront pas bien en compétition ou à l’entraînement afin de ne pas les traîner avec moi. »

Son objectif pour la saison 2013-2014 est simple. La skieuse veut se qualifier pour les Jeux olympiques. « Il me faudrait au moins un podium, souligne-t-elle. Mais je vais prendre une compétition à la fois. »

Son approche pour l’épreuve de Beida Lake, puis Pékin, qui accueillera aussi une étape de la Coupe du monde la semaine prochaine, ne la mènera peut-être pas tout de suite sur le podium. « On veut tout le temps bien faire, mais c’est le début de la saison et je n’ai pas encore eu l’occasion de faire plusieurs sauts sur neige. »

Un autre Québécois devait aussi faire le voyage en Chine. Olivier Rochon devait être parmi eux avant de voir ses espoirs s’anéantir d’un coup, la semaine dernière. En camp d’entraînement à Apex, le Gatinois, vainqueur du globe de cristal pour la saison 2011-2012, s’est déchiré le ligament antérieur croisé du genou gauche alors qu’il skiait dans la poudreuse.

« Je suis vraiment triste, mais je vais passer au travers en restant positif, avait alors mentionné Rochon, qui devra passer sous le bistouri, ce qui occasionnera six mois de réadaptation. « Je ne peux pas reculer alors je vais regarder devant moi. »

« C’est vraiment triste. Ça aurait été ses Jeux olympiques, se désole Sabrina Guérin. Mais Olivier est un gars super talentueux. Il a appris à travailler fort et surmonter les épreuves. Je suis convaincue qu’il reviendra rapidement. »