QUÉBEC - Jasey-Jay Anderson n'a jamais été du genre à faire les choses à moitié. Perfectionniste à l'extrême, il aura mis 14 ans avant de réunir tous les éléments nécessaires à sa consécration olympique.

À quelques jours du premier anniversaire de la conquête de sa médaille d'or en slalom géant parallèle aux Jeux de Vancouver, Anderson affirme avoir encore du mal à réaliser ce qu'il a accompli le 27 février 2010 à Cypress Mountain.

«C'est un moment surréaliste. Je n'ai pas de mot pour décrire ce que j'ai vécu ce jour-là, a-t-il confié lors d'un entretien à La Presse Canadienne. Je ne pouvais pas souhaiter un tel dénouement. Encore aujourd'hui, je me pince chaque fois que j'y pense pour m'assurer que c'est vraiment arrivé.»

Quand il se remémore ce moment magique, son visage s'illumine. Il esquisse un sourire de contentement. Car le planchiste de Mont-Tremblant se souvient très bien tous les sacrifices qu'il s'est imposés pour atteindre l'objectif ultime. Souvent trahi par un équipement inadéquat au fil de sa carrière, il a travaillé comme un forcené dans les semaines qui ont précédé les Jeux pour ne pas rater son dernier grand rendez-vous en carrière.

«Malgré tout ce travail, vous n'avez jamais la garantie de récolter une médaille d'or. À Vancouver, j'espérais une médaille tout court. Gagner la médaille d'or, c'était encore mieux que dans mes rêves. Je n'ai jamais été assez arrogant pour rêver à une médaille d'or.»

Pour gagner cette médaille, Anderson a démontré une volonté de fer. Après avoir frôlé la catastrophe en qualifications, il a surmonté un déficit de 76 centièmes de seconde en finale pour finalement coiffer le redoutable Autrichien Benjamin Karl.

S'il maintient encore aujourd'hui qu'on ne peut baser sa vie sur l'obtention d'une médaille, Anderson reconnaît que l'or olympique s'est révélé un formidable tremplin pour lui.

«Ma raison d'être comme athlète a toujours été d'offrir une performance au maximum de mes capacités. Le 27 février 2010, j'ai été le meilleur que je pouvais être ce jour-là. J'ai atteint mon plein potentiel et ça s'est soldé par une médaille d'or. Cette réussite m'a procuré une paix de l'esprit qui va m'accompagner tout le reste de ma vie.»

Le palmarès d'Anderson en carrière est éloquent. Outre sa médaille d'or olympique, il totalise 61 podiums en Coupe du monde, dont 27 victoires. Il s'est aussi assuré cinq globes de cristal et a été couronné champion du monde à quatre reprises.

S'il a accompli tout ce qu'il voulait comme athlète, la vie de Jasey-Jay Anderson ne fait que commencer à 35 ans. Animé de la même passion, il mène actuellement plusieurs projets de front.

«J'ai tellement d'autres projets à réaliser», a-t-il mentionné le regard allumé.

Il reconnaît que la transition n'est pas toujours évidente quand on quitte un domaine où on a excellé pendant des années.

«Il faut recommencer au bas de l'échelle. Ça demande une dose d'humilité. Mais je suis très à l'aise avec l'idée de retrouver une passion à travers d'autres projets.»

Et l'un des projets qu'il chérit le plus lui permet de ne pas couper les ponts avec le sport qui lui a tant donné.

En tant qu'athlète, Anderson a toujours déploré le manque d'accessibilité d'un matériel de qualité dans les épreuves alpines en surf des neiges. Il entend corriger la situation en lançant sa propre ligne de planches.

«C'est l'enfance de mon 'master plan', comme je l'appelle. Je veux m'assurer que la relève dispose d'une ligne haute performance abordable et accessible. Tout ce que j'ai développé l'an passé comme athlète, je le mets en application avec cette ligne de planches.

«Le projet prend un peu plus de temps que je le pensais à se matérialiser. Mais ça progresse bien.»

Les premières planches devraient être sur le marché l'hiver prochain et, selon la volonté d'Anderson, elles seront fabriquées au Québec.

Dans son plan d'affaires, la commercialisation de ses planches devrait lui assurer un revenu et lui permettre de redonner à son sport. Par la suite, il n'écarte pas la possibilité de s'impliquer encore davantage, peut-être comme entraîneur au niveau national.

Un autre défi qui s'est présenté au moment opportun est celui de participer à la nouvelle émission de télévision «Le défi des champions», où 10 athlètes doivent exécuter différents numéros de cirque dans le cadre d'une compétition amicale.

«Dans les mois qui ont suivi ma retraite, je suis devenu trop sédentaire. Mon corps a mal réagi à ce changement d'habitudes. Je me sentais affaibli, maladif. J'avais besoin de me réactiver. Ce projet de cirque est arrivé au moment parfait.»

Malheureusement pour lui, il pourrait ne pas pouvoir se faire justice dans cette compétition amicale — la première des huit émissions sera diffusée dimanche au réseau TVA — puisqu'il s'est infligé une hernie cervicale en répétant un numéro.

«Il faut savoir qu'on fait un apprentissage accéléré aux arts du cirque. En effectuant un numéro, j'ai trop forcé et je me suis déplacé une vertèbre. Jusqu'à cette blessure, j'étais aux anges. Je n'ai jamais pensé que ce serait aussi trippant comme expérience.»

Anderson a également l'opportunité d'agir comme analyste pour la CBC, le réseau anglais de Radio-Canada, lors des épreuves alpines de surf des neiges, comme en fin de semaine dernière à la Coupe du monde de Stoneham.

«J'adore ça. J'ai toujours aimé analyser. Pendant ma carrière, j'utilisais beaucoup la vidéo pour analyser mes descentes et régler mes problèmes.»

Il travaille également sur un autre concept d'émission de télévision, qui est toujours à l'état embryonnaire, où il jouera le rôle d'animateur et de recherchiste.