Jasey Jay Anderson délaisse le surf des neiges pour le ski alpin
Planche à neige vendredi, 10 avr. 2020. 09:42 mercredi, 11 déc. 2024. 18:26LONGUEUIL, Qc - Comme il le fait chaque année après une saison éreintante sur le circuit de la Coupe du monde de surf des neiges, le Québécois Jasey-Jay Anderson a choisi de s'envoler avec sa famille vers une destination tropicale au début du mois de mars.
Puis, la pandémie de COVID-19 est arrivée.
À son départ, le gouvernement canadien commençait à parler de mesures spéciales pour contrer la propagation du coronavirus, mais pas encore de la fermeture des frontières.
« Nous sommes donc arrivés au Costa Rica, et quatre ou cinq jours plus tard, le pays a fermé toutes ses boutiques, ses hôtels et même ses frontières - sauf pour les ressortissants des autres pays qui souhaitaient retourner chez eux », a d'abord expliqué Anderson en entretien téléphonique avec La Presse canadienne.
« Entre-temps, j'ignore pourquoi, mais notre hôtel est demeuré ouvert, et même si la plage où nous étions était fermée, notre 'spot' de surf était toujours accessible. Puis, notre billet de retour a été annulé, et le prochain vol disponible l'était seulement quatre jours après notre date de retour initiale. On a donc été chanceux dans notre malchance », a-t-il raconté.
De retour au pays depuis le 28 mars, l'athlète âgé de 44 ans et sa famille se sont donc placés en quarantaine, chez eux dans les Laurentides, afin de respecter les directives du gouvernement. Et pendant ce confinement, il compte plancher sur un projet commercial qui le passionne profondément.
Car, en parallèle de son entreprise de conception de surf des neiges, Anderson développe aussi depuis sept ou huit ans un projet de skis alpins - appelé 'ICISKI'.
« Quand j'ai commencé à développer mes planches, c'était parce que ça manquait à ma carrière d'athlète. Et puisque certaines leçons tirées des planches s'appliquent aux skis, alors j'ai décidé de développer ce projet-là. Et aujourd'hui, je considère que 80 pour cent de mes innovations portent exclusivement sur les skis », a confié le médaillé d'or en slalom géant en parallèle aux JO de Vancouver, en 2010.
« Vous savez, le surf des neiges, ce n'est pas le meilleur march à développer au niveau des performances. C'est très niché; la clientèle est très restreinte. Je travaille donc surtout sur les skis ces derniers temps. Nous développons une nouvelle technologie et nous tentons de déterminer où elle peut s'appliquer. Nous faisons vraiment de grands pas actuellement », a-t-il évoqué.
Selon Anderson, la clé du succès consiste à développer un ski qui sera plus polyvalent, plus propice aux conditions du Québec _ comme les pentes glacées. Il ajoute du même souffle qu'il croit pouvoir décupler ses parts de marché dans le ski - même s'il compte limiter sa production aux skis pour « monsieur et madame tout-le-monde », et non aux athlètes de pointe.
Une autre saison en Coupe du monde?
Anderson se dit satisfait des skis qu'il développe, bien qu'il qualifie sa production actuelle d'"artisanale". Il croit cependant avoir trouvé un bon filon, car l'engouement des skieurs sur le terrain est perceptible.
« Lorsque je prête mes skis démonstrateurs pour tester un paramètre, et bien je ne le récupère pas parce que la personne veut l'acheter. Habituellement, j'essaie de ne pas les vendre. Mais les gens sont parfois insistants, donc je me dis que je vais en développer d'autres. Mais ça, pour moi, c'est une preuve que le produit fonctionne bien », a mentionné le principal intéressé, dont les paires de skis prennent environ trois jours à sa conjointe et lui à confectionner et qui se vendent environ 1200 $.
Anderson est cependant bien conscient que la vague sur laquelle il surfe présentement pourrait se casser rapidement, à cause du virus. Pour l'instant, jure-t-il, la COVID-19 ne l'affecte toutefois pas dans sa production.
« J'essaie toujours de m'approvisionner localement. Par exemple, le noyau de bois des skis est local, et les fibres également. Malheureusement, je dois aller chercher les bases, les plastiques et les matériaux de surface aux États-Unis, ou même en Europe, parce que la qualité est là-bas », a expliqué le premier Canadien à avoir pris part à six JO en carrière.
« Ceci étant dit, j'ai toujours du matériel pour au moins trois ans à l'avance. Donc je serai pas pire pour la prochaine saison. Mais je considère maintenant piger dans mon inventaire, et l'année prochaine, lorsque les choses seront revenues à la normale, alors je vais les relancer. Mais c'est sûr que dans le contexte actuel, je ne prévois pas réaliser de très grosses ventes la saison prochaine; ce sera plutôt une autre année de lancement », a-t-il résumé, humblement.
De plus, Anderson commençait à tâter le terrain pour développer son marché en Europe. Mais, encore une fois, le coronavirus l'a freiné dans son élan. En attendant que la planète se remette à tourner, Anderson espère pouvoir disputer une autre saison sur le circuit de la Coupe du monde.
« J'aimerais ça, mais c'est à voir avec les brevets qui seront distribués par Canada Snowboard. Je vais le savoir probablement au milieu de l'été. J'ai touché des choses vraiment intéressantes l'an dernier, donc j'aimerais ça savoir où ça pourrait me mener », a-t-il dit, sans s'avancer davantage.
Et si ça ne fonctionne pas, alors il pourra toujours se rabattre sur ses skis.