Nicolas Fontaine : le legs d'un père
Ski acrobatique mardi, 30 juin 2020. 08:00 jeudi, 12 déc. 2024. 09:52RDS.ca vous propose une série de rencontres avec des athlètes québécois qui ont marqué l’histoire de leur sport à leur façon. Que font maintenant ces anciens athlètes de haut niveau? Nous poursuivons cette série avec l’ancien skieur acrobatique, Nicolas Fontaine.
À l’approche de la cinquantaine, Nicolas Fontaine continue de défier les lois de la gravité. Dernier Mohican du célèbre et très sélect Québec Air Force, il se réunit une fois par année sur les rampes à Lac-Beauport avec les autres fous qui ont pratiquement mis au monde l’épreuve des sauts en ski acrobatique.
« Ce qui distinguait le Québec Air Force, c’est la camaraderie. Elle existe encore! », confirme l’ancien champion du monde et médaillé olympique. « Malgré ses 58 ans, Jean-Marc Rozon (médaillé d’Or à Calgary) fait encore des doubles avec triple-vrille. »
Les Laroche, Rozon, Lloyd Langlois et Fontaine, véritables acrobates sur ski, ont toujours sauté pour le plaisir, le dépassement et l’adrénaline, bien plus que pour les médailles et les honneurs.
Alors que l’obsession de « performance » et de podiums a presque tué la discipline au Québec, Fontaine s’apprête à réussir ce que l’on ne croyait plus possible : la renaissance de l’escadron québécois, pilotée par son garçon Miha.
Trouver sa place
Depuis son tout jeune âge, Fontaine a toujours aimé bouger.
« À mon époque, on ne connaissait pas ça l’hyperactivité ou les déficits d’attention. Je ne sais pas si j’ai un TDAH, mais pour moi c’était difficile à l’école. J’étais toujours en train de penser au ski. Avec le ski, j’étais l’un des meilleurs, j’étais capable de me surpasser et j'avais de la confiance en moi. »
« Quand j’étais jeune, le Québec Air Force était dominant. Tout le monde les connaissait. Je m’étais tout le temps dit que je voulais faire partie de ce groupe. Mais pour y arriver, je savais qu’il fallait que je gagne des Coupes du monde, des Championnats du monde, et que je réussisse quelque chose de spécial. »
En 1996, alors qu’il est déjà médaillé olympique à Lillehammer, Nicolas Fontaine laisse de côté les spectacles de démonstration de sauts dans les différents centres de skis pour se concentrer sur la compétition.
« C’est à ce moment que j’ai commencé à gagner des Coupes du monde. »
Lors de la saison 1997, il signe trois victoires sur le circuit de la Coupe du monde. Il met la main sur son premier Globe de cristal en sauts et termine la saison aux Championnats du monde avec une victoire au Japon.
Fontaine poursuit sa domination lors des trois années suivantes. Au total, il remporte quatre Globes de cristal consécutifs, en plus de remporter le gros Globe de ski acrobatique en 1999.
Au-delà des titres accumulés sur la scène internationale avec ses 13 victoires et 35 podiums en Coupe du monde, Fontaine conserve un précieux souvenir des championnats canadiens en 2000 présentés au Mont-Gabriel.
« J’ai réalisé des quadruples sauts périlleux lors de ces championnats. J’ai fait des sauts que personne n’avait jamais faits. Pour moi ça signifiait que j’étais maintenant un membre légitime du Québec Air Force. »
Retrouver le plaisir
Peu à peu, le plaisir est disparu, si bien qu’en 2003, Nicolas Fontaine a décidé de mettre un terme à la compétition.
« J’aimais encore sauter, mais je ne voulais plus faire de compétitions. Je trouvais ça lourd. Il fallait performer tout le temps. Je préférais faire des démonstrations en Europe et aux États-Unis, ce que j’ai fait régulièrement jusqu'en 2010. »
Selon Fontaine, c’est cette même pression qui a pratiquement conduit le sport à sa disparition. Le programme À nous le podium, dont l’objectif était d’optimiser le développement de l’élite pour obtenir des médailles olympiques dès 2010, et pour lequel il a contribué en tant que recruteur de talents, a eu des effets pernicieux.
« J’ai vu les conséquences de "À nous le podium". C’est un bon programme de financement, mais ils ont tellement mis de pression que le message que l’on recevait est ‘’débarrassez-vous de ceux qui n’ont pas la chance de gagner des médailles olympiques!" On poussait les athlètes, sans les encourager. Les athlètes se faisaient dire : "si tu ne réussis pas tel saut, tu es dehors de l’équipe à l’automne". »
La situation s’est grandement redressée depuis 2018 selon Fontaine.
« Les entraîneurs de l’équipe nationale Jeff Bean et Rémi Bélanger ont la bonne vision des choses. On est dans une très bonne lancée pour revenir forts. »
Les résultats parlent d’eux-mêmes. Lors de la dernière étape de la Coupe Nor-Am le 8 mars dernier à Bristol, dans l’État de New York, les sauteurs québécois ont occupé les 10 premiers rangs du classement!
Au moment où la Russie et la Chine ont relancé leur intérêt pour la discipline et que s’ajoutera en 2022 une seconde épreuve olympique par équipe, le rêve d’une renaissance du Québec Air Force n’est pas si loin.
« Juste le fait d'avoir une dizaine d'athlètes très forts, qui se poussent entre eux, c’est ce qui avait fait dans le passé la force du Québec Air Force. »
De père en fils
Bien installé à Lac-Beauport où il s’occupe du Centre national d'entraînement Yves Laroche AcrobatX, le cadre était idéal pour les deux enfants de Nicolas Fontaine. Sa fille Charlie et son garçon Miha suivent les traces de leur père.
Miha Fontaine a été la grande révélation de la récente saison de la Coupe Nor-Am en remportant 4 des 5 épreuves auxquelles il a pris part. Puis en février, lors de sa toute première participation à une épreuve de la Coupe du monde, le jeune acrobate de 15 ans a terminé en 13e position, un résultat supérieur aux attentes, sur la même piste de Deer Valley en Utah où son père a disputé sa dernière compétition 17 ans plus tôt. La passation des pouvoirs semble en bonne voie de se compléter.
Qui sait ce que les sauts seraient devenus sans la persévérance de Nicolas Fontaine?
« Il y a quelques années, j’ai eu peur que le sport disparaisse, car plusieurs pays avaient cessé d’investir dans cette discipline. Même ici, il n’y avait plus de relève et plus de système de compétition. On a tout reconstruit. Maintenant le sport est en pleine santé et peut-être aussi bon, sinon meilleur, qu’à mon époque!
Preuve que le sport est bel et bien de retour au sommet, le Québec devrait accueillir de nouveau la saison prochaine une étape de la Coupe du monde de sauts, le 31 janvier 2021 à Val St-Côme.
D’ici là, Nicolas Fontaine va continuer de guider ses enfants, tout en multipliant les démarches pour les rénovations des installations du Lac-Beauport.