La contre-attaque a toujours été une arme mortelle dans le football. Un peu passée de mode à l'époque des bloc-équipes jouant très bas, elle est remise au goût du jour à l'occasion de cet Euro. Quelques équipes l'ont utilisée avec une efficacité redoutable (Pays-Bas, Espagne, Turquie, Croatie). Ce qu'a montré la Russie aujourd'hui entre parfaitement dans le portrait.

Le contre répond à quelques règles de base. Il est déclenché sur la récupération du ballon au moment où le bloc adverse est en mouvement vers l'avant. Il n'a pas besoin de partir de la surface de réparation pour aboutir 80 mètres plus loin: l'essentiel est que le ballon soit repris et joué de façon à ce que l'adversaire demeure hors de position, qu'il ne puisse combler tous les espaces laissés libres.

Déséquilibre absolu

De la même façon, le contre n'est pas forcément l'apanage de joueurs ultra-rapides (même si ça aide grandement), mais il est avant tout question d'une transmission rapide du ballon. Un contre peut même être effectué sur quatre, cinq, six passes, à condition que dans l'enchaînement l'une des passes crée le déséquilibre absolu de l'adversaire.

Les deux buts russes face à la Suède sont venus sur des «petits» contres, des actions de 40 mètres à peine. À chaque fois sur des ballons gagnés dans le jeu de l'adversaire, au moment où celui-ci se projetait vers l'avant, dans son organisation offensive.

À chaque fois sur des relais appuyés vers l'avant, dans l'espace ouvert derrière le défenseur avancé (et donc hors-position). À chaque fois, deux, voire trois appels qui ont pour but de fixer les derniers défenseurs. Et la qualité finale de la passe décisive.

Lorsque cette équipe s'ouvre les espaces en jouant vers l'avant, au sol, à une touche, avec du mouvement, elle est capable de trouver des ouvertures presque à chaque fois. Face à des Suédois trop prudents dans leur dispositif de récupération, l'équipe de Hiddink a multiplié les phases d'accélération, n'hésitant pas à mettre six, sept, parfois huit joueurs en position d'attaque - et sans jamais s'exposer aux menaces de contres adverses d'ailleurs.

Agrandir le terrain

L'occupation du terrain est impressionnante, sur un trio de base (Semak - Semshov - Zyryanov) qui bouge à l'unisson, «agrandi» par les appels des deux latéraux (Zhirkov, Anyukov, tous deux passeurs décisifs contre la Suède), toujours dans la profondeur, et prolongés par deux joueurs «libres», Bilyaletdinov et bien entendu Arshavin, avec Pavlyushenko en homme de pointe, dont les mouvements doivent bousculer, perturber la communication de la défense.

Arshavin, évidemment, est la valeur ajoutée de cette équipe. Chacun de ses touchers de balle apporte le danger, la menace, multiplie les solutions et les risques de déséquilibre. Avec lui, la Russie devient imprévisible, se trouve bien plus à l'aise avec le ballon et irrémédiablement portée vers l'avant.

Reste à améliorer l'efficacité face au but, petit péché aujourd'hui, qui ne pardonnera pas face aux Pays-Bas.

Une équipe-type

Pas forcément évident de ressortir les individualités marquantes de ce premier tour, étant donné qu'une majorité des joueurs « décisifs » n'a disputé que deux rencontres - on les retrouve pour la plupart au sein des quatre vainqueurs de groupes. Mais il y a sans doute de quoi bâtir un petit effectif sympa.

Dans la foulée de sa fin de saison à MU, Van Der Sar a été solide, impressionnant et décisif face à l'Italie puis la France, s'interposant avec brio au moment où les uns, puis les autres tentaient de sortir la tête de l'eau. Juste derrière lui, Buffon (avec un peu moins de travail à faire) a gardé l'Italie en course.

En défense centrale, Ricardo Carvalho est d'une sécurité et d'une sobriété remarquables. Avec lui, on placerait peut-être le Roumain Tamas, qui a toujours été très juste dans son placement et ses interventions. Pepe mérite aussi une mention. À gauche de la défense, difficile de décider entre le Croate Pranjic, qui se révèle à ce niveau, et le tonique (et doué) Roumain Rat. L'Italien Grosso semble aussi parti pour faire un Euro énorme. À droite, l'autre latéral croate, Corluka, est impressionnant et me semble donner un peu plus de garanties que Sergio Ramos (Espagne) toujours très actif et utile à ses partenaires.

Devant la défense, égalité aussi entre l'homme de base du milieu espagnol Senna et l'hyper-actif De Jong (Pays-Bas). En meneurs de jeu, Deco (Portugal), Xavi (Espagne) et Sneijder (Pays-Bas) ont été essentiels (non, indispensables) à la réussite de leur sélection. Mais on s'en voudrait de ne pas mentionner le remarquable Modric (Croatie) pour sa facilité, son sens du jeu vers l'avant. Dans un registre plus pointu, Silva (Espagne) est un milieu / ailier toujours capable de faire la différence balle au pied.

Devant, impossible de ne pas mettre Villa (Espagne) au premier rang. Ses appels, son sens de l'anticipation et sa finition complètent avec succès la qualité du jeu de ses milieux. Van Nistelrooy a su faire progresser son jeu: non seulement est-il toujours aussi redoutable dans la surface, mais il sait maintenant jouer en remiseur, sa couverture de balle et sa capacité à mettre ses partenaires en mouvement participent totalement à la vitesse de jeu des Pays-Bas. Dans le même registre, Olic (Croatie) a été tout aussi impressionnant. Enfin, le talent atypique d'Ibrahimovic en fait l'un des attaquants les plus difficiles à défendre de cet Euro.

Demain, les quarts

On entre dans le lourd, le saignant. Avec pour entame un Portugal - Allemagne qu'on aurait pu attendre un tour plus tard dans le tournoi. Le Portugal a parfaitement attaqué son tournoi, avec son envie de jouer au ballon, d'aller vers l'avant. Pepe-Carvalho en défense centrale ne peut être déplacé pour le moment. Joao Moutinho et Petit ferment le milieu. Deco met tout le monde dans le jeu et les éclairs de Cristiano Ronaldo peuvent frapper n'importe qui n'importe quand. Peu de faiblesses dans le groupe de Scolari.

L'Allemagne, elle, en est encore à se chercher. Ses deux derniers matches (Croatie, Autriche) n'ont pas été des modèles de sérénité ni de maîtrise. Cette équipe peine à peser sur le jeu, trop dépendante du rendement de la paire Ballack - Frings. Derrière, on sent que les espaces peuvent s'ouvrir n'importe quand. Et hormis Podolski, le secteur offensif tourne pour le moment à l'à-peu-près. Face au Portugal, Löw (qui sera suspendu pour ce match), devrait retourner aux automatismes de 2006, avec sans doute Schweinsteiger à gauche et Podolski de retour devant avec Klose. Mais, c'est une évidence, la Mannschaft doit élever son niveau de jeu - et de conservation du ballon - si elle veut passer ce quart dont on peut dire aujourd'hui qu'elle n'est pas favorite