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Conflits, malaises et autres problèmes connexes

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MONTRÉAL – Hernan Losada est arrivé sur l'estrade impeccablement sapé. Il s'est assis, a ouvert un cahier de notes qu'il a déposé devant lui, s'est incliné légèrement vers l'arrière et, avant même de prendre une première question, y est allé d'une annonce. Afin d'éviter qu'un malentendu ne s'immisce dans l'échange qui allait avoir lieu, il allait exceptionnellement s'exprimer exclusivement en anglais.

 

L'entraîneur du CF Montréal semblait piqué au vif et honnêtement, on l'aurait été pour moins. Dans les minutes qui avaient précédé son apparition, son joueur désigné avait placé sa tête sur un jeu de dards qu'il avait abondamment poivré de fléchettes et son capitaine avait exposé un désalignement troublant entre les demandes du coach et leur assimilation par les joueurs. Le fier Argentin avait tout entendu.

 

Un peu plus tard, son supérieur immédiat allait rendre public ce que Losada savait déjà, soit qu'il ne quitterait pas le Centre Nutrilait ce jour-là avec l'assurance qu'il y aurait un bureau l'an prochain. « Hernan a un contrat garanti, mais ça ne veut pas dire qu'il sera ici l'année prochaine, a lâché Olivier Renard avec sa franchise habituelle. Ça ne veut pas dire qu'il va partir non plus. »

 

La température a monté et la langue de bois a été laissée aux vestiaires mardi au bilan de fin de saison de l'Impact. Allons-y chronologiquement.

 

Après l'attribution des honneurs individuels à Mathieu Choinière et Jonathan Sirois, Victor Wanyama s'est présenté au micro. Le Kenyan a été cloué au banc par Losada en deuxième moitié de saison à la faveur du jeune Nathan Saliba. Après la présentation de la Coupe des Ligues en juillet, il n'a été titularisé que pour un seul des onze matchs de l'équipe.

 

On avait compris que la situation avait dégénéré à l'interne quand sa conjointe l'a décriée sur les réseaux sociaux. D'ordinaire réservé et peu loquace devant les médias, Wanyama a choisi de déballer son sac à son tour mardi.

 

« Au début, l'équipe gagnait et je respectais la décision. Quand ça s'est mis à moins bien aller, j'ai demandé des explications et je n'en ai pas reçu. J'ai été surpris qu'il ne pouvait pas me donner la raison [de mon exclusion]. »

 

ContentId(3.1433203):CF Montréal : Wanyama veut honorer son contrat malgré ses différends avec Losada
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Quand on lui a fait remarquer que Losada avait déjà été accusé, alors qu'il était employé par un autre club, de rapports malhabiles avec ses joueurs, Wanyama a feint la surprise avant d'ajouter : « la communication n'était pas claire. » Il a révélé que les vétérans avaient eu plusieurs rencontres avec l'entraîneur, mais que leur opinion n'était pas considérée.

 

« Tout ce que j'ai eu à lui dire, je lui ai dit en le regardant droit dans les yeux, s'est défendu Losada. Je peux comprendre sa frustration. Ça peut être difficile d'accepter qu'un jeune joueur est meilleur que soi. »

 

Les deux hommes, sous contrat en vue de la prochaine saison, pourraient-ils éteindre le torchon qui les sépare et continuer de travailler ensemble ou un divorce est-il inévitable?


« Le plus important, c'est que les gens se parlent, a répondu Renard. C'est comme dans un couple, si tu ne te parles pas, ça ne va jamais aller. [...] Je ne pense pas que c'est un point de non-retour. »

 

Un manque de clarté « inquiétant »

 

Samuel Piette avait déjà sonné l'alarme après un match contre Atlanta en fin de saison : les idées tactiques de Losada n'étaient pas claires pour ses joueurs et cette absence de synchronisme entre la théorie et la pratique pouvait donner lieu à de flagrantes inégalités sur le terrain. Le capitaine a doublé la mise en cette journée propice à la réflexion, insistant sur la nécessité pour le personnel d'entraîneurs de nettoyer les canaux de communication et faire en sorte que l'écoute soit un prérequis à chacune de ses extrémités.

 

Piette a précisé que sa relation avec Losada était bonne et a trouvé important de donner le bénéfice du doute à son staff, mais a mentionné qu'il y avait « des choses qui devaient changer ».

 

« Il y a des trucs qui n'ont pas marché, des ajouts qui ont été faits qui collaient moins à ce qu'on faisait. Le style de jeu cette année, c'était moins bien, a expliqué le porte-parole du vestiaire. Ça ne nous a pas bien collé à la peau, aux joueurs qu'on a. On a un groupe très jeune. Pour la première année du coach et son staff, c'était de bien connaître les joueurs. Ce n'est pas quelque chose qui se fait très rapidement. Maintenant, il y a des réflexions à faire pour trouver un style de jeu que 1) les joueurs veulent jouer et 2) avec lequel on peut connaître du succès. »

 

N'est-il pas ahurissant, voire anormal, de constater qu'une relation vieille d'une quarantaine de matchs soit caractérisée par une telle déconnexion entre les décideurs et les exécutants? Oui, a concédé Piette.Hernán Losada

 

« C'est même inquiétant, a plus tard reconnu Renard, qui a notamment affirmé qu'en début de saison, Losada avait proposé « un style de football qu'il n'était absolument pas prévu de faire ».

 

« C'est pour ça qu'on doit reparler de tout ça avec le staff, avec certains joueurs, peser le pour et le contre », a laissé en suspension le vice-président et chef de la direction sportive.

 

Se sachant visé de toutes parts, Losada a encaissé, esquivé, répliqué. Il l'a fait avec flegme, aplomb et un brin d'impatience. « Chacun a sa part de responsabilité. Je suis le visage du club, tout repose sur mes épaules. Mais chacun devra faire une analyse de sa propre saison », a demandé le stratège, désireux de souligner les réussites observées sous son règne et de clamer que sa première saison à Montréal « n'a pas été un échec ».

 

Cette dernière affirmation peut être symbolisée par une figure géométrique à plusieurs faces, chacune racontant une version différente de la même histoire. On nous dit qu'il faudra encore quelques rencontres pour en extraire un consensus et voir s'il sera favorable à Losada.

 

« J'ai un contrat, mais combien de fois c'est arrivé qu'un contrat ne s'est avéré être qu'un morceau de papier? », a questionné le principal intéressé.

 

« S'il dit ne pas être sûr, je crois qu'il a tout à fait raison », a laissé planer Renard.