Une stabilité surestimée chez le CFM?
Bien qu'elle n'offre aucune garantie de succès (l'histoire du XI Montréal le démontre bien), la présentation d'un nouvel entraîneur reste un exercice important.
À l'image de son C.V., celle de Laurent Courtois a coché toutes les cases mardi au Centre Nutrilait.
Absent pour des raisons personnelles, Olivier Renard a laissé sa chaise à Gabriel Gervais qui a bien pris le soin de préciser que Renard et son adjoint Vassili Cremanzidis étaient en charge du processus d'embauche.
Anondin en apparences, ce complément d'information clarifie et renforce les responsabilités de chacun. Une dynamique beaucoup plus saine et fonctionnelle que le flou artistique de l'époque où les décisions étaient prises en « collégialité ».
Surestimée?
Une gestion volatile des entraîneurs pendant près de 10 ans a créé une obsession pour la stabilité. On se pose la même question à chaque nouvelle nomination. Est-ce un engagement pour le long terme?
Je suis le premier à souhaiter voir un entraîneur rester 4-5 ans, mais je commence à penser qu'on pose la mauvaise question.
Le soccer moderne est une version amplifiée de notre société. Une société où tout va plus vite. On change d'employeur beaucoup plus rapidement qu'à l'époque où rester avec la même entreprise pendant 20-30 ans était un idéal de carrière.
Pour les plus jeunes générations, ce n'est plus le cas. Pour le monde du foot non plus.
Interrogé à ce sujet mardi, Gervais souhaite 10 ans de règne pour Courtois. Il sait toutefois que le futur est très incertain. Pour le coach, parler de longévité est prétentieux et relatif. Bref, tout le monde reste sur la clôture.
Bien que ce soit le scénario de rêve, je crois qu'on doit aller au-delà d'une simple corrélation entre la stabilité et la longévité d'un coach. La moyenne d'un règne n'est que de 2-3 ans en la MLS de toute façon. Douze entraîneurs ont d'ailleurs été remerciés à travers la ligue en 2023.
Il est temps d'utiliser une équation plus étoffée pour évaluer la stabilité. Si l'entraîneur change, mais le jeu reste divertissant, l'équipe fait les séries, les ventes de billets sont en croissance d'une année à l'autre et les Québécois continuent de contribuer de manière importante, peut-on vraiment parler d'instabilité?
La Grinta
Au premier coup d'œil, Courtois a un charisme indéniable. Il se présente, comme un homme prêt à passer ce nouveau palier de carrière.
Son intransigeance avouée pour une équipe qui a du cœur, de l'énergie et la volonté de tout arracher présente un cocktail parfait pour qu'il tisse rapidement de forts liens avec les supporters.
Cette Grinta, comme on l'appelle au CF Montréal, est noble. Elle doit toutefois être accompagnée de substance.
Si les joueurs ont l'impression de travailler dans le vide, ils finiront tôt ou tard par se démotiver et lever le pied. Ce n'est pas la volonté de mouiller maillot qui s'envole, c'est la frustration de se démener pour rien qui s'installe.
C'est d'ailleurs ce qui a mené à une sortie inhabituelle de Samuel Piette après un lourd revers à Atlanta en fin de saison dernière.
Voilà où la clarté des attentes de Courtois sera clée.
On sait déjà que le gardien sera particulièrement sollicité, que les onze joueurs devront être obsédés par créer des occasions de marquer, que le courage de faire des erreurs sera valorisé et que le pressing pour récupérer le ballon dans des positions payantes sera une priorité.
Tout ça avant même de faire les tests physiques.
La nomination du coach arrive peut-être sur le tard, mais la clarté du message aidera grandement à rattraper le temps perdu.
Autre chose qui semble claire, il ne suffira pas d'être un bon joueur de ballon pour évoluer sous Courtois. Il faudra aussi être en mesure de tenir le coup physiquement. Certains fleuriront et d'autres auront du mal. Lassi Lappalainen est un cas quelque peu inquiétant en ce sens.
Médias
Pour celui qui a joué près de 400 matchs de haut ou très haut niveau, le monde professionnel ne sera pas une découverte en soi.
Courtois devra toutefois apprendre à mener un groupe plus hétérogène dans sa composition. Un groupe qui contient Victor Wanyama et Nathan Saliba est bien différent d'une équipe réserve où la plupart des joueurs ont les mêmes objectifs.
À cela s'ajoute une particularité montréalaise à laquelle il faudra aussi s'ajuster… les médias.
Lorsqu'il a quitté pour Columbus, Wilfried Nancy s'est vu beaucoup moins scruté et sollicité par les médias de l'Ohio qu'il ne l'était à Montréal. À l'inverse, Courtois verra rapidement que l'attention médiatique n'est pas limitée à sa nomination. Une réalité qui a fait sursauter plusieurs entraîneurs au fil des ans.
À en un juger par sa première prestation sous les projecteurs, il semble plutôt bien équipé pour y arriver.