MONTRÉAL - Congédier Stephen Hart ou ne pas le congédier, là n'est pas la question. Il va falloir faire bien plus que régler le sort de l'entraîneur pour mettre véritablement fin aux déboires de la sélection canadienne masculine en qualifications pour la Coupe du monde.

Tout d'abord, en changeant les mentalités dans les hautes sphères de l'Association canadienne de soccer.

« Il faut arrêter de blâmer les joueurs. Les gens doivent commencer à savoir que c'est beaucoup plus une question de volonté politique », a indiqué Ali Gerba, ancien attaquant québécois de l'équipe canadienne et de l'Impact de Montréal, quelques heures après la cinglante défaite de 8-1 au Honduras qui a vu le Canada être éliminé hâtivement des qualifications pour la Coupe du monde de 2014.

C'était là la sixième fois en autant de cycles de qualification que l'équipe canadienne échouait à la tâche dans l'une des confédérations les plus faibles au monde, la CONCACAF. Le Canada n'a participé qu'à une Coupe du monde dans son histoire, en 1986.

Bien des gens associés de près au programme national canadien ne le diront pas ouvertement, par peur de représailles. Ils se contenteront plutôt de tourner autour du pot. Mais l'ACS a toutes les apparences, depuis 24 ans, d'un organisme qui se soucie peu des résultats de son équipe-phare sur le terrain.

Comme si l'argent amassé grâce aux inscriptions de ses joueurs juvéniles et seniors enregistrés — le membership s'approche du million maintenant — lui suffisait.

« Ce n'est pas juste sur le terrain que ça prend de la passion, il faut commencer par mettre des gens passionnés dans les bureaux », a lancé Gerba, qui a marqué 15 buts en 31 matchs avec le Canada avant d'y perdre sa place parce qu'il ne joue plus en club.

« On devrait mettre une bombe atomique et recommencer à zéro. Ça prend du sang neuf », a ajouté l'attaquant de 31 ans.

Absence de matchs préparatoires de bon niveau et camps d'entraînement minimalistes: voilà autant d'indices que le soutien de l'ACS à l'endroit de ses hommes seniors reste purement théorique. Les dirigeants sont généreux de leurs paroles mais quand vient le temps d'appuyer le tout avec des investissements sous forme d'argent sonnant, cela devient plus aléatoire.

« Ça ne fait pas sérieux de demander à des joueurs professionnels de se réunir deux jours avant un match important. Après, on leur demande de faire des miracles, a affirmé Gerba. Il faut aussi donner plus de matchs amicaux aux joueurs. Mais le Canada a droit à un tournoi à chaque deux ans, la Gold Cup, et c'est tout. Et on fait des matchs amicaux contre Sainte-Lucie ou la Grenade. »

« Il faut absolument jouer plus de matchs pour que les joueurs puissent bien s'entendre sur le terrain, a de son côté déclaré Olivier Occéan, membre actuel de l'équipe canadienne, au cours d'un entretien de l'Allemagne. Et pour avoir une philosophie de base. Quand tu vois le Canada jouer, tu n'en vois pas vraiment une. Ce n'est pas comme l'Espagne ou d'autres équipes. »

Le fait qu'on se contente de sélectionneurs développés au Canada, qui n'ont qu'une expérience internationale limitée — avant Hart il y a eu Dale Mitchell —, semble également indiquer que l'ACS ne semble pas vouloir tout mettre en oeuvre pour assurer le succès de l'équipe canadienne.

Comme si on voulait avoir un simple gestionnaire à la tête de la formation, qui ne sera pas trop exigeant à l'endroit des administrateurs de l'ACS.

Depuis son arrivée, non seulement Hart semble-t-il se contenter du peu d'encadrement que lui fournit l'ACS, mais il ne semble même pas enclin à tenter de tirer le mieux des cartes qu'on lui offre.

« On a les joueurs qu'il faut, mais les décisions en conséquence ne semblent pas suivre, a déploré Occéan, qui n'a pas disputé le match au Honduras puisqu'il devait purger une suspension. Un gars comme Patrice Bernier, qui a été joueur du mois en MLS et qui est vraiment en bonne forme, était sur le banc face au Honduras. Tout comme Marcel de Jong, qui joue en Bundesliga. Pendant ce temps, des joueurs qui ne sont pas affiliés à un club depuis un an ont commencé le match. »

« Le groupe qu'on avait était excellent. J'étais sûr qu'on allait se qualifier sans problème, a affirmé Gerba. C'était un des groupes les plus talentueux de l'histoire du Canada. On a des gars qui sont capables de jouer contre de grandes équipes. »

Occéan estime qu'il faudrait embaucher un entraîneur étranger de renom. Sauf que l'expérience a été tentée avec l'Allemand Holger Osieck par le passé. Son passage s'est avéré un échec parce que le changement de philosophie n'a pas eu d'écho dans les bureaux de l'ACS.

Par ailleurs, il est vrai que l'ACS fera toujours face à un obstacle important : plusieurs des meilleurs joueurs canadiens évoluent en Europe. Les clubs avec lesquels ils évoluent, bien souvent, voient d'un mauvais oeil le fait qu'ils doivent traverser l'Atlantique pour aller jouer pour le Canada. C'est ainsi qu'Occéan a dû longuement discuter avec ses patrons à Francfort pour les convaincre de le libérer en vue du match contre Cuba, la semaine dernière.

L'ACS aurait donc intérêt à tout mettre en oeuvre, à long terme, pour que ses meilleurs joueurs puissent revenir jouer en Amérique du Nord, nommément dans la MLS. Pour cela, il faudrait qu'elle fasse pression sur les clubs de Montréal, Toronto et Vancouver pour faire augmenter le quota minimal en terme de contenu canadien. Celui s'élève présentement à trois joueurs.

« Il faudrait que ce soit de six à huit joueurs. Il faut mettre l'accent sur les Canadiens et les inciter à revenir jouer à la maison. Ce serait alors plus facile de réunir les joueurs avec l'équipe canadienne », a noté Occéan, qui réfléchira à son avenir avec l'équipe canadienne au cours des prochaines semaines.