Si on regardait d’abord le statut des quatre demi-finalistes?

Le Brésil : Depuis son dernier titre en 2002, il a connu deux éditions décevantes, battu en quarts les deux fois, alors qu’il démarrait (comme d’habitude) parmi les favoris. Ce coup-ci, à la maison, il n’y a aucune alternative : autre chose qu’une victoire dimanche prochain sera considéré comme un échec. Un terrible échec.

L’Allemagne : Depuis sa victoire en 90, deux quarts décevants (94 et 98), une finale (2002) et deux demies consécutives (3e à chaque fois). La seule progression logique est d’aller enfin au bout et de l’emporter. Sinon, avec en outre une finale (2008) et une demi-finale d’Euro (2012), cette génération risque de passer à la postérité comme des « presque » ou des « seconds ». Pas vraiment du goût de la maison...

L’Argentine : Championne en 86, finaliste en 90. Ensuite, c’est pénible. Élimination en huitièmes en 94 (avec une belle équipe mais déstabilisée par l’affaire Maradona). Battue en quarts en 98 (Pays-Bas). Éliminée au premier tour de 2002 alors qu’elle était l’un des trois favoris. Ensuite deux quarts, battue aux tirs au but par l’Allemagne (2006) puis atomisée (0-4) par cette même Allemagne il y a quatre ans. Pour cette génération aussi, il est grand temps de se remettre à gagner quelque chose, d’autant que celle qui vient n’est peut-être pas du même cru….

Les Pays-Bas : Eux, il viennent de donner, avec une finale perdue il y a quatre ans. En y ajoutant les deux échecs de 74 et 78 (et une demie en 98), ça commence à faire beaucoup. Idem que pour les deux autres, cette génération (Van Persie, Robben, Sneijder) risque d’être perçue comme « étant elle aussi passée à coté »…

Donc quatre sélections qui ne peuvent se contenter ni d’une troisième place, ni même d’une finale perdue. Les quatre sont pas mal dans l’obligation de triompher. Ce qui n’aurait peut-être pas été le cas avec l’un des quart-finalistes battus. Non pas qu’ils n’auraient pas joué le coup à fond, bien sûr. Mais sans doute pas avec cette même impression ultime, ce même sens « d’urgence historique ». On le sent un peu, par exemple, aux déclarations de Didier Deschamps ou Marc Wilmots. Évidemment, il se disent déçus. Mais tout de même pas abattus. Un quart de finale est finalement la marque d’un assez bon tournoi, car ils s’étaient déjà inscrits, avant ce Mondial, à plus long terme. Et avec un peu de perspective, n’importe lequel des quatre aurait assez été heureux d’une troisième ou d’une quatrième place. Ce n’est pas le cas des quatre qui restent…

Choc de superpuissances sans Neymar

Brésil/Allemagne, c’est un peu la quintessence d’une Coupe du Monde. Choc de styles et de cultures. Choc de superpuissances traditionnelles (certainement que l’Argentine ou l’Espagne, et surtout l’Italie, pourraient prétendre à cette étiquette). C’est vrai qu’il ne s’agit que d’un deuxième affrontement entre les deux (avec la finale 2002).

De façon dramatique, le Brésil n’est plus clairement le même favori qu’il y a un mois ou même une semaine. Les pertes de Neymar et Thiago Silva pour cette demi-finale ont nettement miné la confiance placée autour de cette équipe, confiance qui avait déjà un peu vacillé après des prestations plus ou moins convaincantes, Là, pour le plus gros match du Brésil depuis 12 ans, on sent poindre une nette inquiétude. La dernière fois que le Brésil a fait face à une telle « crise », c’est lors de la finale 98 et l’accident de Ronaldo plus tôt dans la journée. Et ça s’était très mal fini…

Felipe Scolari possède des options - et tout de même d’assez belles options! - pour remédier à ces absences. Admettons que Dante est sans doute le premier candidat au poste de défenseur central pour remplacer Silva. C’est assez solide et il possède une assez bonne connaissance de ses adversaires. Même si une défense centrale Dante - David Luiz a un petit quelque chose d’inquiétant…

Sans Neymar, le Brésil est obligé de jouer différemment. C’est d’autant plus vrai sur les deux derniers matches où les défenseurs ont abusé de longues balles dans sa direction, genre « passez à Neymar, il se débrouille après… » Les options demeurent intéressantes mais demandent des mises en place tactiques nettement différentes. Scolari peut changer poste-pour-poste, avec Oscar en meneur de jeu axial classique et Willian ou Bernard d’un côté, Hulk de l’autre. Il va récupérer Luiz Gustavo de suspension, juste devant la défense.

Et, pourquoi pas choisir un milieu à trois? Avec Luiz Gustavo, sans doute Fernandinho, et faire rentrer un troisième élément (Paulinho, Hernanes ou Ramires). C’est un système qui lui permettrait de contenir l’avancée du milieu allemand et d’offrir une couverture assez solide pour lancer Marcelo, Dani Alves en contres, avec l’explosivité d’un Hulk ou d’un Willian, voire d’un Ramires.

Joachim Löw semble être revenu à son système classique tel que vu contre la France, avec Khedira et Schweinsteiger aux commandes. Sa seule décision défensive devrait être de choisir entre Mertesacker et Boateng dans l’axe. Devant, il a un nombre monumental d’options, mais considérant que Özil, Müller et sans doute Kroos (pour son travail dans les espaces intermédiaires) devraient démarrer, il n’a vraiment qu’un choix majeur à faire: démarrer avec Klose, comme contre la France, un attaquant de pointe classique? Les autres options incluent Podolski, Götze ou Schürrle, là aussi avec des mises en place assez différentes, mais l’Allemagne a déjà montré une énorme flexibilité dans ce domaine.

L’évolution constante

Argentine - Pays-Bas a une allure moins classique, un peu plus moderne. Les rendez-vous entre les deux n’en demeurent pas moins généralement épiques. La finale de 78, ou le quart 20 ans plus tard… Le match de groupe de 2006 (avec plusieurs joueurs déjà dans les deux sélections, Kuyt, Van Persie, Sneijder, Robben, Macherano, Messi, Maxi Rodriguez ou Palacio) a été une vaste « zone démilitarisée » (0-0, les deux avaient déjà assuré leur qualification pour les huitièmes). Et celui de 74 (deuxième tour de groupes) très nettement dominé (4-0) par la « génération Ajax » des Cruijff, Neeskens, Krol, Rep ou Haan.

Les deux ont régulièrement évolué et modifié leur forme et leur style au long du tournoi. Et il est plus difficile de prévoir leur mise en place que pour l’autre demi-finale. Il est tout de même fort possible que l’on retrouve une Argentine assez proche de ce qu’elle a montré face à la Belgique. Un peu plus solide au milieu et avec un Messi en vrai meneur de jeu. L’absence de Di Maria est par contre un casse-tête, aucun autre joueur ne présentant ce genre de profil et surtout cette activité depuis le début de la compétition. Agüero est par contre disponible, ce qui risque de pousser de nouveau Lavezzi sur le banc. Rojo revient de suspension et devrait retrouver sa place à gauche de la défense. Demichelis devrait être maintenu dans l’axe, avec Mascherano et Biglia un cran devant. C’est un système qui ouvre une porte pour Gago ou Perez. Si Agüero était à son meilleur, ce serait clairement le genre de « match pour lui », ses qualités étant clairement du genre à gêner la défense néerlandaise. Mais on doute que ce soit le cas…

Les Pays-Bas ont montré une remarquable flexibilité au cours de cette Coupe du Monde, pouvant changer de forme d’un match à l’autre et même souvent au cours d’un même match. Van Gaal est un extraordinaire entraîneur (certainement meilleur que Sabella), qui possède la très, très rare qualité de pouvoir être à la fois (ou en alternance) analytique et/ou synthétique. L’absence de De Jong lui pose tout de même un problème, ni Wijnaldum ni De Guzman n’ont le même volume au milieu, surtout face à un Messi. Les difficultés rencontrées face au Mexique puis au Costa Rica demeurent cependant des points d’interrogation qui passeront au révélateur lors de cette demi-finale. La tenue de la défense centrale, en particulier. Et le marquage individuel tout de suite après…. Devant, la question est assez clairement réglée et l’Argentine devra en premier lieu fermer tous les espaces autour de Robben et Van Persie, multiplier les couches d’isolation (individuellement, et puis l’un de l’autre, et puis vis-à-vis de Sneijder et puis vis-à-vis des latéraux….. sacré programme!).

Van Gaal est brillant. Et a sans doute un plan sur Messi. Mais n’a pas été infaillible. Il a en outre réussi un coup de filou lors du quart avec son changement de gardien. Maintenant, c’est plus un coup de bluff qu’un coup de génie. S’il avait été génial, il aurait plié ce match en 90 minutes, face à une équipe nettement moins douée (remarquablement organisée, par contre). D’ailleurs, en théorie, des trois gardiens c’est Vorm qui présente, et de loin, les meilleurs stats sur pénaltys (27% d’arrêts contre 10 à Krul).