LAUSANNE, Suisse – On attendait des débats sur les menaces de boycott de la Coupe du monde qatarie ou sur l'éphémère Super Ligue... Mais c'est une nouvelle bataille du calendrier qui se dessine vendredi au Congrès de la FIFA, avec l'idée d'une Coupe du monde tous les deux ans.

Inscrite à l'agenda par la fédération saoudienne, proche du patron de la Fifa Gianni Infantino, cette proposition a de quoi allécher les diffuseurs mais crisper les championnats nationaux, les confédérations et tous les clubs qui constatent déjà l'épuisement des joueurs.

La 71e assemblée de l'instance du foot mondial, censée se tenir à Tokyo et rebasculée en visioconférence, ne touchera pas dès cette année à son joyau, qui se tient tous les quatre ans depuis 1928 chez les hommes et 1991 chez les femmes.

Mais le simple fait d'envisager « une étude de faisabilité sur les conséquences de l'organisation » de Coupe du monde masculine et féminine « tous les deux ans », idée distillée depuis plusieurs semaines déjà, fait l'effet d'une petite bombe.

Bataille des droits TV

Car dès le 3 mars, le Français Arsène Wenger, directeur du développement au sein de l'instance mondiale, préconisait dans une interview au Parisien d'organiser « tous les deux ans » la Coupe du monde, l'Euro et les autres championnats continentaux, « et d'arrêter tout le reste ».

Bien que l'idée ait aussitôt été jugée « irréaliste » par l'association European Leagues, qui regroupe une trentaine de championnats européens, elle figure aussi dans un rapport rendu la semaine dernière par le même Wenger, qui recommandait samedi « d'aboutir chaque fin d'année à une grande compétition ».

Une telle refonte du calendrier sonnerait le glas des matchs amicaux, réorganiserait les phases de qualification, décalerait les tournois continentaux programmés deux ans après la Coupe du monde, et imposerait aux clubs de libérer leurs internationaux chaque été – donc de retarder leur reprise et d'assumer un risque supplémentaire de blessure.

L'impact économique est lui aussi incertain : « Attention au risque de rendre le produit moins rare, donc moins prestigieux » que la Coupe du monde actuel, explique à l'AFP Raffaele Poli, responsable de l'Observatoire du football CIES à Neuchâtel.

Par ailleurs et comme « on ne peut pas faire payer le consommateur à l'infini », une telle multiplication des rendez-vous internationaux rongerait les droits TV des championnats et des tournois continentaux, bousculant tout l'équilibre actuel, ajoute le chercheur.

« Position de négociation »

Comme souvent, Gianni Infantino cultive lui le mystère sur ses intentions : fin mars, il assurait être « ouvert à tout » pour le calendrier international au-delà de 2024 et début mai, il promettait « des discussions intéressantes » sur les propositions d'Arsène Wenger.

Sa priorité reste de faire de la place à sa Coupe du monde des clubs élargi à 24 équipes, projet repoussé en raison de la pandémie, combattu depuis l'origine par l'UEFA et la Confédération sud-américaine de football (CONMEBOL), et qui permettrait à la FIFA de renforcer sa position dans le lucratif football de clubs.

Pour Raffaele Poli, l'idée d'une Coupe du monde tous les deux ans peut d'ailleurs n'être qu'une « position de négociation » de l'instance pour décrocher un compromis plus favorable sur le calendrier international, en arrachant par exemple un accord sur sa Coupe du monde des clubs.

Après la réforme par l'UEFA de sa Ligue des Champions au-delà de 2024, avec cent matches supplémentaires qu'il va falloir caser, la FIFA « montre qu'elle aussi peut saturer le calendrier », relève le responsable du CIES.

Reste à voir comment ces manoeuvres seront accueillies par les championnats, entraîneurs, joueurs ou supporters, las de n'être pas consultés sur des programmes toujours plus denses et déjà exaspérés par l'épisode Super Ligue, ce projet de compétition privée voulu par douze grands clubs dissidents et rapidement avorté face au tollé général.

« Peut-être devons-nous demander à l'UEFA et à la FIFA de prolonger l'année. Peut-être que nous pourrions avoir 400 jours par an », ironisait ainsi mi-avril Pep Guardiola, l'entraîneur de Manchester City.