Il y avait des questions. Essentiellement brésiliennes. Comment serait l’attaque du Brésil sans sa star Neymar? Comment la défense s’organiserait-elle sans le capitaine Thiago Silva? Réponse : prendre l’initiative du jeu dès le départ, faire un gros pressing sur l’Allemagne. Et ça semblait marcher. L’Allemagne a fait sa première incursion en zone adverse à la 7e minute. Le tir de Khedira a été bloqué par les fesses de… Kroos! Mais on sent que le vent est en train de tourner, sans savoir que cette légère brise est annonciatrice d’un ouragan.

À la 11e minute, Müller se retrouve tout seul au deuxième poteau, totalement oublié par la défense, et marque son 5e but sur un corner servi par Kroos. Inquiétude. En quart de finale, les équipes qui ont marqué le premier but hâtif ont toutes remporté le match. Pendant quelques minutes, le Brésil semble vouloir réagir. Mais l’orage menace. Après ce coup de tonnerre isolé, une petite accalmie. Le calme avant la tempête. Puis, le ciel tombe sur la tête des Brésiliens.

À la 23e minute, Klose pousse l’Allemagne (qui n’a jamais perdu quand il compte) en avance par deux buts en réussissant son 16e but en Coupe du monde, et battant par le fait même un… Brésilien, Ronaldo, qui reste à 15. Klose a aussi grimpé au deuxième rang des présences dans cette prestigieuse compétition. Il est à 23 matchs, et rejoint l’Italien Paolo Maldini au deuxième rang, deux matchs derrière son compatriote Lothar Mattheus. Ce but de Klose, c’était le coup de vent qui nous fait rentrer à l’intérieur pour fuir la pluie qui arrive...

… et qui arrive en force! Une minute plus tard, Toni Kroos marque son premier en Coupe du monde, qui sera suivi du deuxième deux minutes plus tard! L’ouragan se déchaîne sur le terrain. Il n’y a plus de défense, plus de milieu de terrain, les Brésiliens errent sans trouver de sens à leur jeu. Ça fait près de quarante ans qu’ils n’ont pas perdu un match à domicile et ils sont incapables de réagir à la situation. Sans pitié, Khedira ajoute au pointage à la 29e minute. Ça semble trop facile pour les Allemands. C’est 5-0.

Les Brésiliens entrent au vestiaire dans l’œil du cyclone. Quand ils reviennent sur le terrain, ils savent qu’il n’y a plus rien à sauver, seulement tenter de faire bonne figure. Les gens pleurent dans les gradins tandis que les images nous montrent une foule en liesse à Berlin. Ils y vont de quelques attaques, mais comble du malheur, se heurtent à un Neuer intraitable! Oscar, Marcelo, Paulinho par deux fois passent bien près de remonter légèrement le moral des troupes.

Mais le vent se remet à souffler du Rhin jusqu’à l’Amazone... Le Brésil voulait sa sixième coupe, l’Allemagne cherche son sixième but. Il arrive à la 69e minute quand Schürrle marque son deuxième de la compétition. Les Brésiliens sont pétrifiés. David Luiz, qui porte lourdement le brassard de capitaine, ne bouge pas. Dante, qui vit l’enfer, ne bouge pas. C’est la déroute la plus totale. À 6-0, le Brésil égale sa pire défaire subie à la Copa America en 1920 devant l’Uruguay. Il reste encore vingt longues minutes à jouer. Suffisant pour que Schürrle marque le septième, son deuxième de la rencontre. Sur un très beau geste d’ailleurs, à la 79e.

Les Allemands se regardent, légèrement incrédules. Ils y allaient pour gagner, mais ça, c'est autre chose. Personne n’a vu venir cette déferlante, ce tsunami qui allait engloutir complètement les espoirs du pays hôte. À la toute fin du match, alors que les dernières bourrasques balaient les derniers débris d’une équipe anéantie, Oscar ramasse un bout d’honneur sur le terrain et marque pour enlever un peu, si peu, à l’humiliation.

À la fin du match, tout le monde est un peu étourdi. Que s’est-il passé? On savait que derrière Neymar, il n’y avait pas grand-chose, mais là, ce fut le vide absolu. Rien n’a fonctionné. On disait souvent que le Brésil n’avait encore rien montré dans cette Coupe, il en a fait la preuve aujourd’hui. Les Allemands étaient tout simplement trop forts. Efficaces, organisés, souverains, dominants. Ils n’ont même pas eu besoin d’être extraordinairement brillants, dès qu’ils ont pris les commandes du match, ils se sont placés eux-mêmes en orbite, hors de portée, intouchables.

Ils se sont donné ce dont ils avaient besoin avant leur 8e finale en Coupe du monde. Une confiance inébranlable, une vision du jeu digne de l’aigle de leurs armoiries. Un premier titre pour un pays européen en terre d’Amérique devient tout à coup fort plausible.