ROME - Passés le choc et la déception, l'Italie s'est réveillée mardi résignée à l'idée que la Coupe du monde de football l'été prochain en Russie se jouera sans elle, pour la première fois depuis 60 ans.

L'« apocalypse », « la honte » : la presse titrait à l'unisson sur l'immense déception d'une élimination et sur « le saut en arrière » de son équipe quadruple championne du monde, dont le dernier sacre remonte à seulement 11 ans.

L'Italie ratera la Coupe du monde

Le Corriere della Sera, principal tirage du pays, plante le décor : « Un Mondial sans l'Italie. Mais surtout une Italie sans Mondial. Adieu les nuits plus au moins magiques, les groupes de spectateurs avec un morceau de pizza et une bière glacée, l'illusion de compter encore pour quelque chose, au moins dans le football ».

« C'est une sensation nouvelle, pas tant celle de la défaite, mais le fait de se sentir exclu. C'est quelque chose de différent, quelque chose que je n'avais jamais éprouvé jusqu'à présent », explique Davide, un Romain trentenaire.

Des piliers historiques de la Squadra Azzurra, « Gigi » Buffon et ses 20 ans de sélection en tête, ont annoncé lundi soir leur retraite internationale, mais face au désastre, d'autres têtes vont tomber.

Refondation

Dans les rues, dans les médias et sur les réseaux sociaux, les critiques fusent en effet contre le sélectionneur Gian Piero Ventura, mais aussi contre le président de la fédération (FIGC), Carlo Tavecchio.

« À sa place, moi je donnerais ma démission », a déclaré Giovanni Malago, président du Comité olympique italien (Coni), qui chapeaute toutes les fédérations sportives italiennes.

La FIGC a pour l'instant annoncé une réunion mercredi à Rome pour « faire une analyse approfondie et décider des choix à venir ».

« Il est clair qu'il faut refonder le monde du foot », a déclaré le ministre italien des Sports, Lucca Lotti, en rappelant que malgré des Euros 2012 et 2016 convaincants, l'Italie avait été sortie en phase de poules des deux derniers Mondiaux.

À l'heure où la Serie A se porte paradoxalement plutôt bien, avec un championnat haletant et des résultats très honorables sur la scène européenne, la défaite des Azzurri risque désormais de peser sur le football national et sur le moral du pays.

Selon les estimations de la presse, la FIGC voit s'envoler environ 100 millions d'euros, entre les primes de participation au Mondial versées par la FIFA et le rabais que les 21 sponsors actuels de l'équipe vont imposer pour l'année prochaine ainsi que lors de la négociation des contrats pour les quatre années avant le Mondial 2022 au Qatar.

Chute en Bourse

Au-delà, la défaite représentera aussi un sérieux manque à gagner pour la Rai et Sky, les deux chaînes qui se partagent les matches et devront dire adieu aux audiences moyennes de 17,7 millions de téléspectateurs lorsque l'Italie jouait lors du Mondial 2014. Lundi soir, les Italiens étaient près de 15 millions à suivre leur équipe.

Mardi, le groupe de médias RCS, propriétaire de La Gazetta dello sport, journal sportif de référence en Italie, a perdu près de 9 % à la Bourse de Milan, en raison des risques de voir s'envoler les recettes supplémentaires liées aux grandes compétitions sportives.

À contrario, le quotidien économique Il Sole 24 Ore rappelle que l'Italie devrait être épargnée en juin par la baisse de productivité dénoncée par le patron de Fiat-Chrysler, Sergio Marchionne, qui évoquait l'absentéisme les jours de matches et les gueules de bois les lendemains de victoire.

Alors que la pré-campagne électorale est déjà lancée avant des législatives qui s'annoncent très incertaines début 2018, la grande majorité de la classe politique a gardé le silence mardi.  

À l'exception notable de Matteo Salvini, le chef de la Ligue du Nord, parti anti-euro et anti-immigration : « Il y a trop d'étrangers sur le terrain, depuis les plus jeunes jusqu'à la Serie A, et voilà le résultat. Arrêtez l'invasion et laissez plus d'espace aux jeunes Italiens, sur les terrains de foot aussi », a-t-il lancé sur Twitter.

« Ridicule », a répliqué Matteo Renzi, chef du Parti démocrate (PD, centre-gauche, au pouvoir). « Les étrangers sont en Allemagne, en France, en Angleterre, en Espagne, partout, et beaucoup d'entre nous ont encore en tête l'image de la France multiethnique championne du monde en 1998. »